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une fable

Publié le 06 octobre 2010 par Lironjeremy
une fable Dimitri m'avait proposé ainsi qu'à Thomas et Guillaume d'écrire un peu pour un projet commun qui devait nous rassembler entant que "nouveaux imagistes". Un mot comme ça peut vous faire raconter toute sorte d'histoires. Voilà:

C’est du fait qu’il demeure inabordable que le paysage est image, image d’autre chose induite en lui-même. S’épaissit-il de la distance ? N’est-il au fond qu’une qualité de regard ?

Peut-être n’y a-t-il au départ que peu de choses que l’on touche et dont on use - et qui dans cette proximité n’ont pas besoin d’être nommées. Et le sont-elles, nommables, sinon de décrire une action avec ce qui l’engendre et ce qu’elle poursuit dans la continuité de vivre ? Les images sont nées de ceux qui se sont soustraits à ce continu laborieux. Ceux qui se dirent en charge de la magie, des rapports intangibles avec la fortune (mais si nécessaires, on dut en convenir) car ils éveillaient une opacité en tous. Il fallait dire ce qui dans la seule action échappe, il fallait apaiser la chasse pour la considérer (on croirait alors une danse), il fallait apprivoiser les pulsions qui engendraient des gestes bizarres et des attitudes du corps. Il fallait se reculer pour mieux voir, et donner à penser, et dire un peu aux autres ce en quoi tous on était pris, et qu’il semblait ainsi que les montagnes s’affaissent, que le paysage se change, que du bruit tombe du ciel ou qu’il pleuve dans nos têtes. Qu’il semblait que le soir était comme un basculement du jour, que des choses se répétaient semblablement et que tout changeait en demeurant même, que les oiseaux s’asseyaient parfois. Alors seulement pouvaient naître les mots paysage ou image. Alors pouvaient naitre les signes. C’était comme de dédoubler le monde. On dira alors plus tard que nous sommes faits de ces deux mondes blottis en nous, à demi pensants à demi agissants, corps et esprits. On remarqua que par le corps nous étions limités et par la pensée étendus, vastes selon elle. Que l’étirer elle c’était quelque part se grandir un peu. L’un agissant sur l’autre on en vint à jeter la pierre, à se pro-jeter - en avant de soi et au devant du monde. C’est dans cet écart encore, entre soi et le monde, que naissent les images. Accéder à soi était se défaire du monde, lui devenir étranger tout autant que lui-même dans ce mouvement déchirant nous devenait autre, étrange, étranger. C’était là ouvrir une perspective, initier le mystère. Et quelques nuits on regrette : une part de nous, en dedans, étrangère reçoit comme un appel du monde. Appel à se fondre à nouveau, à s’indéterminer. Faudrait-il nous enlever cette peau qui nous cerne pour retourner au monde premier, s’y perdre et s’y retrouver plus intimement se devenant étranger ? Qui sait, notait Caillois, si ces prétendus camouflages d'insectes se faisant feuilles, brindilles, terre, ne sont pas manifestation de cette pulsion, de cette volonté de fusion? D’ordinaire on continue de vivre dans cette séparation à placer le monde au devant de nous, à pencher le regard et le considérer. De tout ce qui le compose faire des paysages comme placés devant et qui, le donnant à voir, l’effacent en même temps. Le monde est comme une impossibilité. Il faudrait peut-être n’être plus pour qu’il revienne à lui. Nous faisons du regard des images en lesquelles il s’efface, s’enfonce et se fuit. Il fallait s’éloigner du monde pour le dire, s’extraire des actions, de la chasse et de ses périls, de la guerre, de l’usine pour s’occuper des mots, des images. Faire comme Homère le récit de batailles auxquelles on ne prenait plus part, occupés - chose impossible - à les approcher par le langage. Les images en gardent au fond d’elles ce drôle de tiraillement. Mais pour tant paradoxal qu’il soit, le projet demeurait d’accueillir le monde en soi pour l’aborder face à face, avec quelque orgueil s’en étant affranchi. Alors quelque fois on usait de l’en-deçà des mots, du travers des images pour traverser la réalité construite qui s’apposait sur tout comme un voile. Par temps clair uniquement, et comme en s’oubliant, on pouvait percevoir le dédoublement du monde. Les mots, les images ordinaires s’absentaient mais on y voyait encore : cela se dédoublait, se pénétrait à nouveau. Les choses se disjoignent et se laissent entrevoir comme telles dans leur nudité, dans leur aura. Dans leur existence double et mal établie, leur tremblement, leur "bougé".

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