Magazine Beaux Arts

H3, photographe surréaliste poétique (1)

Publié le 02 janvier 2008 par Marc Lenot

Son nom est difficile à mémoriser et à orthographier. Je ne le connaissais pas il y a deux mois, mais l’ai découvert à Pompidou (mais pas là), et au Jeu de Paume, avant de voir son exposition au Kulturforum à Berlin. Je me suis empressé d’acheter le catalogue, cher mais splendide, et de rafler toutes les cartes postales, et je pense lui consacrer maintenant trois billets.

Heinz Hajek-Halke n’a pas appartenu au surréalisme stricto sensu. Il a aussi fait beaucoup de travaux publicitaires et n’a adhéré à aucun mouvement (sinon fotoform dans les années 50). Mais ses collages, sa mise en page graphique, ses rayogrammes, ses solarisations, ses études de nus (et aussi d’insectes ou d’architecture) en font un précurseur, un innovateur au milieu d’un univers photographique allemand alors plus classique.

Comme il est de mise, commençons par sa photo de bonne année 1927 (Prost Neujahr): la jeune femme porte un loup et arbore une mouche en forme de coeur. Sur un arrière-plan de fêtards weimariens, elle s’agrippe à sa bouteille de champagne comme Louise Bourgeois à sa Fillette dans la célèbre photo de Mapplethorpe. C’est plus qu’une photo de circonstance : le renversement, le sourire extatique, les yeux chavirés sont chargés d’un érotisme qui rappelle Man Ray ou qui évoque Bataille. Rien n’est innocent, tout est suggéré.

Sur un mode similaire, cette photo publicitaire pour de la laine (Woll-Inserat) est troublante : d’abord par la présence des deux pelotes au premier plan, boule noire et boule blanche, au dessus desquelles s’élève le corps phallique et ondulant de la jeune femme à la peau noire. Ensuite parce que celle-ci se déshabille, se défait dans un geste plein de grâce, les mains levées avec langueur, le fil de laine caressant comme un serpent : on pressent que ce déshabillage sera long et torride. Enfin parce que, à y regarder de plus près, les fils de laine s’effilochent, la laine peluche, des petits brins se dressent et forment comme un halo mystique autour du corps éclairé par l’arrière. Et ce n’est qu’une publicité…

Sur cette photo d’une jeune femme endormie (Sans Titre, 1928-30), c’est la décomposition du mouvement de la main de l’homme qui attire l’attention : il n’est plus là à titre scientifique, pour analyser le geste, mais au contraire pour instiller du mystère. Est-ce une hypnose ? Une menace ? Une agression ? Un geste de tendresse ?

Tout aussi mystérieuse est cette composition de main et de miroir, de 1928. Une femme apparaît sur la glace, comme un fantôme, une apparition; les mains tentent de la saisir, au risque de se couper sur le verre. La femme est-elle insaisissable ? Le titre, en dialecte (…hamse nich ne Braut für mich ?) est lui aussi mystérieux (”N’auriez-vous pas une femme pour moi ?”), plein d’attente, de frustration et d’angoisse.

Quant à cet autoportrait sanglant et suicidaire sous cloche (Selbtsmord in Spiritus, 1925), lui aussi dérange et inquiète, malgré un côté grand-guignolesque. Mais, comme nous le verrons demain, c’est surtout dans ses compositions de nus féminins que le talent de Hajek-Halke se révèle.

Photos provenant du catalogue.


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