Magazine Politique

Delors, Mauroy : la leçon des anciens

Publié le 10 octobre 2010 par Hmoreigne

 Jacques Delors et Pierre Mauroy ont à leur façon confirmé l’adage selon lequel c’est bien dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. A 85 et 82 ans, ces deux figures tutélaires de la vie politique française et européenne ont fait la leçon à leurs cadets respectivement sur la question européenne et celle des retraites. Ils confirment ainsi le sentiment que notre époque, charnière entre un monde qui se termine et un nouveau qui reste à dessiner, manque de dirigeants à la hauteur des enjeux.

Deux discours, deux rappels au passé et deux invitations à modeler l’avenir en tenant compte de celui-ci.

Devant les députés européens, jeudi 7 octobre, Jacques Delors, tout en finesse, en prenant soigneusement de citer Angela Merkel, a déploré ce qu’il considère comme le désengagement européen de l’Allemagne. La mise en garde est salutaire. Sans le couple franco-allemand qui pèse encore 50% du PIB de l’UE et 60 % de son industrie, aucune avancée n’est possible.

Après avoir loué l’engagement européen d’Helmut Kohl, mentor de la chancelière, l’ancien président de la Commission a invité la dirigeante allemande ne pas oublier les valeurs léguées par les pères de l’Europe et la place de l’Allemagne dans la construction européenne.

En ce jour où nous célébrons avec joie la réunification allemande, comment ne pas questionner ce pays sur sa vision de l’avenir européen” s’est interrogé à haute voix Jacques Delors, rappelant que “les gouvernements allemands successifs se sont montrés à l’avant-garde de l’intégration européenne notamment quand il s’est agi d’abandonner le puissant Deutsche Mark, symbole de la puissance allemande, au profit de l’euro, de la monnaie unique“. L’ancien Commissaire européen a souligné que les États membres avaient “des droits mais aussi des devoirs“, un principe que “beaucoup en Europe auraient tendance à l’oublier“.

Si Jacques Delors a réfuté toute “nostalgie” dans ses propos, Pierre Mauroy n’a pas caché la sienne devant ses collègues sénateurs vendredi à l’occasion de l’enterrement en seconde classe de la retraite à 60 ans.

L’ancien Premier ministre, sans note a laissé parler son coeur (vidéo ici), déplorant le démantèlement d’une avancée sociale qu’il avait contribué à bâtir.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons tout de suite proposé la retraite à 60 ans. Cela a été un immense espoir. De toutes les revendications ouvrières, cela a été la plus importante. Cela restera dans l’histoire sociale de la France” a développé l’ancien maire de Lille étayant ses propos de ses souvenirs personnels : “Je vois encore les ouvriers qui venaient me rencontrer. Ils me disaient : “Je ne peux plus arquer“. L’ancien numéro un du PS reconnaît que les choses ont changé mais considère que “ce n’est pas une raison pour effacer cette ligne de vie, cette ligne de combat “.

Chacun à leur façon, les deux anciens estiment qu’on ne doit pas oublier l’histoire, replaçant parlementaires et dirigeants actuels face à leur responsabilité.

Les 27 pays (de l’UE) sont devant une responsabilité historique: approfondir l’intégration européenne ou bien vivre au jour le jour grâce à des compromis certes nécessaires mais non porteurs d’avenir“, a pour sa part déclaré Jacques Delors.

Appel à la “conscience” de ses collègues sénateurs de la majorité pour Pierre Mauroy : “Certes, il faut réformer les choses mais ce n’est pas une raison pour effacer cette ligne de vie. La retraite à 60 ans, c’est un droit ! Entre vous et nous, il y a une très grande différence : vous oubliez facilement quelles ont été les attentes du peuple, ses espérances, ses luttes. Je tenais à le dire de façon solennelle. Nous ne voulons pas abandonner la retraite à 60 ans. On ne peut effacer comme ça, en passant, la loi la plus importante peut-être de la Ve République.”

La semaine dernière n’était pas une semaine ordinaire. Elle a confirmé qu’une page était tournée, celle des années Mitterrand dont l’histoire gardera en mémoire les avancées sociales et la construction européenne. Le sentiment de vide est d’autant plus marqué que la “génération Mitterrand” ne restera en termes de successeurs qu’un habile slogan publicitaire. La France d’aujourd’hui est orpheline de dirigeants politiques à la carrure d’hommes d’État.

Vidéo : se rendre à 1′50

Partager et découvrir

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Hmoreigne 111 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines