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L’incertitude de Matignon (1)

Publié le 12 octobre 2010 par Sylvainrakotoarison

L’attention du microcosme politique est actuellement focalisée sur le nom du futur locataire de Matignon. Beaucoup de noms circulent, un seul sera désigné. Première partie.

yartiMatignon04Annoncé depuis de nombreux mois, un profond remaniement ministériel devrait être décidé par le Président de la République Nicolas Sarkozy cet automne. Annoncé pour octobre 2010, il serait repoussé pour le mois de novembre 2010.
L’échéance prévue était initialement la fin de la réforme des retraites, mais des considérations de politique intérieure sont bien entendu en cause, avec le cas échéant un renouvellement des instances de l’UMP et peut-être aussi des modifications dans l’équipe élyséenne.
Pour Nicolas Sarkozy, il s’agirait d’ouvrir la seconde partie de son quinquennat. Après une période de grande boulimie de réformes en tout genre, et une réponse à la crise financière de 2008 qui n’était pas prévue, Nicolas Sarkozy souhaiterait désormais consacrer les prochains mois à une période plus calme et plus gratifiante pour lui. Il l’avait d’ailleurs annoncé : à partir de l’automne 2011, il souhaiterait que le Parlement ne légifère plus et délégifère, en quelque sorte, simplifie les lois existantes ou encore les "toilette". On sait cependant que la "simplification administrative" peut aboutir à quelques boulettes (comme celle-ci concernant la Scientologie).
Dans les jeux de devinette sur le prochain remaniement (qui sera ministre ? qui ne le sera plus ?), l’une des questions les plus importantes demeure la nomination du Premier Ministre. Beaucoup disent François Fillon partant mais qu’en est-il vraiment ?
Partira-t-il ?
François Fillon (56 ans) est un véritable enfant terrible de la vie politique française. Ceux qui ne le croient pas pourraient revoir l’émission de Laurent Delahousse du dimanche 26 septembre 2010 qui diffusait notamment un entretien télévisé du jeune député François Fillon, élu en juin 1981 à 27 ans. Aux allures de Thierry Le Luron un peu timide, François Fillon montrait déjà beaucoup de détermination et l’a prouvé durant ses cinq premières années parlementaires en bataillant ferme contre les gouvernements socio-communistes de François Mitterrand.
Depuis quelques mois, François Fillon se hisse parmi les Premiers Ministres les plus longs de la VeRépublique. Sans dépasser bien sûr les recordmen du genre (Georges Pompidou, six ans, Lionel Jospin et Raymond Barre, cinq ans, et Jacques Chirac qui a fait deux fois deux ans), François Fillon a réussi à dépasser la période de trois ans des Pierre Mauroy, Michel Debré, Jacques Chaban-Delmas, Michel Rocard, ou encore Jean-Pierre Raffarin. Mieux encore : François Fillon conserve même une popularité à peine entamée des nombreuses réformes qu’il a mises en œuvre. Son style posé, son origine politique (héritier de Philippe Séguin), et sa discrétion font face à un Président omniprésent. Pourtant, dès l’automne 2007, on parlait déjà de son remplacement.
François Fillon n’a-il rien fait ? Au contraire, comme il l’a résumé dans cette interview sur France 2, il a gouverné dans le sens où les arbitrages sont de plus en plus nombreux. Sur l’omniprésence tant gouvernementale que médiatique de Nicolas Sarkozy, François Fillon a exprimé un argument que devraient bien comprendre ses prédécesseurs : au moins, le Premier Ministre n’est pas lâché par le Président qui assume toutes ses responsabilités. Laissant entendre que dans le passé, le Président aussi décidait de tout, mais laissait son Premier Ministre se "dépatouiller" et l’éjectant éventuellement comme un fusible en cas de problème (Jacques Chirac avait cependant refusé de remplacer Alain Juppé par Philippe Séguin au printemps 1997).
Premier Ministre fusible : voilà justement ce que ne peut pas être François Fillon, puisque Nicolas Sarkozy est sur le front en première ligne. Un changement de Premier Ministre lui serait donc de peu d’utilité d’un point de vue médiatique.
Dans ce qui suit, je vais donc prendre les différentes hypothèses pour le locataire de Matignon, en énumérant les "plus" et les "moins" uniquement dans l’esprit du Président qui le nomme.
François Fillon maintenu
Plus. Son maintien à Matignon serait cohérent à plus d’un titre. D’une part, il consacrerait le quinquennat et l’évolution progressive en régime présidentiel tel qu’il ressort de la pratique de Nicolas Sarkozy où tous, Président, gouvernement, majorité parlementaire, sont dans le même bateau pendant la durée du quinquennat.
D’autre part, de nombreux atouts avantagent encore François Fillon : une sarko-compatibilité, une stature qui ne le rend pas inféodé au Président non plus (Nicolas Sarkozy n’est pas son "mentor") mais dont la loyauté reste irréprochable.
Le risque de limoger François Fillon est assez conséquent : il pourrait devenir le recours à l’UMP, celui qui permettrait aux élus UMP de se passer de Nicolas Sarkozy (toutes proportions gardées, le recours à Pompidou permettait de désavouer De Gaulle). Il faut se rappeler en effet que le renvoi de François Fillon du gouvernement de Dominique de Villepin l’a convaincu de son alliance avec Nicolas Sarkozy.
François Fillon a aussi rappelé le 26 octobre 2010 que Matignon continuait toujours à fonctionner même sous la Présidence de Nicolas Sarkozy, en expliquant ceci : « L’impulsion du Président de la République donne la direction mais sans la tour de contrôle, sans les mécaniciens de l’interministériel, le pays, l’administration, ça ne fonctionne pas. »
Depuis plusieurs semaines, la rumeur court que François Fillon voudrait être élu Président de l’Assemblée Nationale s’il quittait le gouvernement. Nicolas Sarkozy libérerait alors le perchoir en nommant son actuel locataire, Bernard Accoyer, au gouvernement. Le problème est que Bernard Accoyer a perdu un peu de crédit avec le passage en force du vote de la première lecture de la réforme des retraites et c’est la première fois que des députés de l’opposition réclament la démission d’un Président de l’Assemblée Nationale. De plus, Bernard Accoyer souhaiterait rester au perchoir pour appliquer le nouveau règlement de l’assemblée. Par ailleurs, François Fillon devra attendre un mois suite à son éventuel départ du gouvernement avant de retrouver son siège de député, et cela en pleine session parlementaire (l’Assemblée Nationale a besoin d’un Président, même quand il ne sert à rien).
Moins. Il serait difficile de considérer que ce remaniement soit un nouveau départ si Nicolas Sarkozy gardait le même Premier Ministre. De plus, François Fillon a commencé à prendre ses distances dès la fin de l’été en refusant la dureté des discours sécuritaires, en refusant l’équivalence immigration/insécurité et en se hissant au même niveau que le chef de l’État, au rang d’allié et pas de subordonné.
Cette distanciation pourrait laisser entendre que François Fillon aurait déjà acté son départ de Matignon. L’utilisation de l’imparfait dans le documentaire de France 2 confirme cette impression.
Cependant, il paraît ne pas hésiter à "savonner" la planche de ses éventuels successeurs, et en particulier Jean-Louis Borloo dont il critiquerait la trop grande hâte ou encore Michèle Alliot-Marie.
En définitive, selon Gaël Sliman, le directeur général adjoint de BVA, « il n’y a aucune bonne solution pour Sarkozy, mais la moins mauvaise serait de ne pas se séparer de Fillon »
Dans le prochain article, j’évoquerai les premier-ministrables souvent cités et leurs chances respectives.
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Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2010)
http://www.rakotoarison.eu



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