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Quand le mieux est l'ennemi du bio ...

Par Dindiu @Din_Diu

... ou quand le désordre nait de l'harmonie.
Les entreprises ont pour vocation de gagner, ou plus exactement de faire gagner, de l'argent. D'une certaine façon, c'est normal, et je n'ai rien à dire sur ce fait.
Cependant pour beaucoup d'entre elles, les domaines de l'écologie et de l'environnement dans lesquels elles agissent, sont plutôt des prétextes, faire de l'argent restant l'objectif premier. Des objectifs à court terme s'accordent difficilement avec un champ d'application régit par le long terme.
Actuellement, on remet en cause le principe de précaution. On le fait notamment pour les OGM. Les OGM c'est quelque chose d'énorme, alors que penser de l'Harmonia axyridis, ce petit insecte ? Je vous invite à la suivre à travers les extraits de quelques articles sur 14 ans, dans l'ordre chronologique.
"La coccinelle Harmonia axyridis, [est] la première «bête à Bon Dieu» que l'on réussit à élever sans sa proie naturelle, le puceron. A la quatre-vingtième génération, elle continue d'apprécier les œufs d'Ephestia sans présenter de signes de dégénérescence (fécondité, longévité, voracité en pucerons, etc.). Particulièrement voraces et polyphages, les larves de cette coccinelle consomment de 100 à 150 pucerons par jour : une ou deux larves par bouquet floral attaqué suffisent à résoudre le problème.
En outre, cette coccinelle d'origine asiatique, rapportée en 1980 par un chercheur de l'INRA, Gabriel Iperti, et dont les élytres peuvent présenter une grande variété de colorations, ne constitue pas une menace pour l'espèce commune à sept points,
Coccinella septempunctata, nous assurent les chercheurs : à l'état adulte, Harmonia prospecte la strate arbustive et arborée, alors que Coccinella prospecte plutôt la strate herbacée (moins d'un mètre)." (Science & Vie N°920, Mai 1994)
Du fait que cette coccinelle peut être élevée en l'absence de sa proie naturelle la rend compétitive vis à vis de notre coccinelle indigène, Coccinella septempunctata ou coccinelle à 7 points. Retenez qu'elle ne constitue pas une menace pour l'espèce indigène. Pour l'instant, tout va bien.


Photo Insectes-OPIE

Cette coccinelle sembla être une solution idéale dans le cadre de la lutte biologique. Pourtant, il semble qu'il y ait eu une ombre au tableau, l'usage de cette coccinelle ne serait pas si anodin que cela.

Il se trouve qu'elle "a été introduite aux États-Unis pour lutter contre certains nuisibles (comme les pucerons) ; elle y a détrôné l'espèce indigène, Adalia bipunctata. Idem pour Coccinella septempunctata, qui a détrôné, elle, une autre espèce locale, Coccinella novempunctata. Mais les deux immigrantes commencent à proliférer un peu trop." (Science & Vie N°925, Octobre 1994).

Visiblement, il n'y avait là pas de quoi s'alarmer. D'ailleurs, les revues de jardinage, y compris celle de jardinage biologique, se font le relais de l'information, et promeuvent l'utilisation de Harmonia axyridis.

"La société Biotop propose, par l'intermédiaire des jardineries [...] des lots de 80 larves au prix de 50 à 60 F. [...] Elles ont été choisies parmi les plus grosses (larves de 3° stade), qui résistent mieux que les petites aux intempéries et aux prédateurs, et qui sont plus efficaces que les coccinelles adultes [...]. Autre avantage : plutôt casanière, du fait de leur absence d'ailes, les larves restent sur les plantes infestées de pucerons et ne sont donc pas "gaspillées". [...]
Une fois vos larves d'
Harmonia relâchées dans votre jardin, elles s'y développeront normalement et se transformeront en coccinelles adultes. Il ressort des observations de ces dernières années que les Harmonia introduites en France n'ont pas fait souche. Elles ne se reproduisent pas chez nous, dans la nature, sans doute pour des raisons climatiques." (Nature & Jardin N° 12,  mars 1996)

Il semble qu'il y ait des problèmes de dates. Alors que sur le site de la société Biotop, la commercialisation de la souche non volante d'Harmonia axyridis aurait débuté en 2000, le magazine Science & Vie y fait référence en 2004. "La société Biotop a donc demandé à l'Institut National de Recherche Agronomique de sélectionner une variété de coccinelle sédentaire. Les chercheurs [ont obtenu] la coccinelle demandée : un animal incapable de voler, donc condamné à passer son existence sur le massif de fleurs à traiter. [...] Incapables de migrer, les coccinelles piétonnes ne peuvent avoir d'influence sur l'écosystème, assure le fabricant."(Science & Vie N° 1040, mai 2004)

Dans un article très intéressant, on revient sur la biologie de Harmonia axyridis et le déroulement de l'invasion mais, à mes yeux, une chose est claire : "ce qui s'était passé était donc tout à fait prévisible" (Insectes N° 136, 1er trimestre 2005 et N°138, 3ème trimestre 2005)

Tout allait bien jusqu'au moment où ... "Après avoir colonisé la Belgique, la coccinelle asiatique a envahi en un temps record le nord-est de la France. Si la très vorace Harmonia axyridis fait des miracles dans la lutte contre les pucerons, elle fait aussi fuir les coccinelles locales, les privant de nourriture et mangeant leurs larves. Importées en France de Chine, par l'INRA dès 1982 dans le cadre d'expérimentations contre les pucerons, Harmonia a été commercialisée à grande échelle dans l'Hexagone entre 1995 et 2000 par Biotop, un fabricant de produits de lutte biologique contre les parasites. Biotop, depuis, ne vend plus qu'une variété génétiquement modifiée, incapable de voler." (LyonPlus du jeudi 18 octobre 2007)

Dernier acte, c'était prévisible (voir Insectes N° 136), les vignes sont concernées maintenant par l'invasion d'Harmonia axyridis. Désormais, le problème étant également économique, et plus uniquement écologique, peut-être que la recherche de solutions se fera plus pressante.

"Importée de Chine aux Etats-Unis en 1960, et arrivée en France en 2004, la coccinelle asiatique s'agrippe aux grappes de raisins abimées. Lors des vendanges, elle est ainsi écrasée dans les cuves, rendant le vin impropre à la consommation. Des rassemblements de coccinelle de grande ampleur ont été répertoriés dans le Nord de la France cet automne, et une extension à tout le pays est envisagées d'ici trois ans." (Science & Vie, N°1084, Janvier 2008)

Enfin sur Wikipedia, on apprend que même les variétés de coccinelles asiatiques sans ailes pourraient être invasives.

Cette technique qui se voulait de lutte biologique, a donc eu un effet totalement à l'opposé, mettant d'une part à mal la biodiversité, et d'autre part compromettant des productions agricoles, en l'occurrence celle du vin.
selon moi, au lieu d'introduire une nouvelle espèce, la démarche, à proprement parler biologique, aurait plutôt été de favoriser l'actions des espèces indigènes déjà en place (Abri pour l'hiver, aménagement des lieux de ponte, haies pour le nourrissage, ...).

Manier le vivant, à quelque échelle que ce soit, au niveau de l'individu ou de ses gènes, présente des risques. C'est Blade Runner, la créature échappe à son créateur. Une fois laissée dans le milieu naturel, la coccinelle a mené sa vie propre, elle s'est adaptée, voire un peu trop.
Malgré des études sur plusieurs décennies, les scientifiques ont été surpris par son caractère invasif. Je ne suis pas contre la recherche, mais tout comme il faut souvent tourner sept fois sa langue dans sa bouche, il faudrait repenser les recherches avant de passer aux applications.

Tandis que les scientifiques n'ont pas pu anticiper le caractère envahisseur de cette coccinelle asiatique, je me pose alors des questions sur les autres sujets sensibles tels que celui des OGM. On va me dire "C'est facile de tout ramener aux OGM". OK ! mais d'un côté l'introduction d'une simple petite coccinelle, de l'autre une modification du matériel génétique des végétaux (et n'oublions pas des animaux) que nous consommons. Je suis tout de même assez perplexe. Que nous réserve le futur en ce qui concerne les effets indésirables liée aux organismes transgéniques ?

Maintenant le mal est fait et est (apparemment) irréversible. Il faut en tirer la leçon. Encore faut-il la retenir, ce qui est loin d'être une chose sure.

Post Scriptum : j'ai dernièrement appris de la bouche d'un professionnel, qu'avec les vendanges faites mécaniquement, des lézards cachés dans les grappes de raisins étaient aussi récoltés et pressés en même temps que les fruits. Donc, on peut en conclure que si les coccinelles asiatiques donnent mauvais goût au vin, le jus de lézard passe très bien ...


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