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L'homme qui marche

Par Rob Gordon
Dans Le stade de Wimbledon, Mathieu Amalric partait sur les traces d'un écrivain n'ayant jamais écrit. L'auteur dont est inspiré le héros de L'homme qui marche a tout de même fait mieux, puisqu'il a publié un unique texte, Fils de chien, dans les années 70. Le Vladimir Slepian de la vraie vie est devenu à l'écran Viktor Atemian, dont l'unique texte connu est aussi introuvable que culte chez les grands penseurs du siècle dernier. Le film d'Aurelia Georges décrit, sur un quart de siècle, la drôle d'existence d'Atemian, être étrange et lunaire qui fit quelques rencontres, écrivit quelques textes (pièces de théâtre, pamphlets et autres) au destin obscur, et finit seul et pauvre, réduit à néant par la rue.
On comprend volontiers pourquoi la réalisatrice s'est intéressée à un tel bonhomme ; malheureusement, ce type si fascinant sur le papier n'avait visiblement pas ce qu'il fallait pour devenir un héros de cinéma. Trop littéraire et nébuleux pour convaincre, le film rate sa cible, échouant également dans sa tentative de transposer le dadaïsme sur pellicule. Il aurait fallu pour cela que L'homme qui marche se lâche un peu plus au lieu de rester engoncé dans une posture de film d'auteur guindé. Pour donner une idée du caractère peu guilleret de l'ensemble, l'instant le plus fantaisiste du film survient lorsqu'Atemian, photographié par un ami, place une chaise devant son visage pour tenter d'obtenir une photo plus originale. Voilà.
Finalement, le film touche à son meilleur lorsqu'Aurélia Georges prend le temps de relier la vie en dents de scie de l'artiste et la destinée politique de la France, de septennat en septennat (le film s'arrête assez longtemps en 1974 et 1981 notamment...). Le manque de moyens de la reconstitution participe au caractère désuet de l'ensemble, mais on a connu résultat moins efficace. Quant au comédien qui interprète Atemian, Cesar Sarachu, il est tout bonnement prodigieux, jouant le décalage à merveille comme il l'avait si bien fait chez les frères Quay. L'acteur est la seule réelle étincelle dans un film trop poli pour être convaincant.
4/10
(également publié sur Écran Large)

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