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La Quinta Essentia : beautés célestes

Publié le 03 janvier 2008 par Philippe Delaide

Le groupe vocal Huelgas-ensemble, sous la direction de Paul Van Nevel, vient encore nous révéler de façon magistrale la beauté de trois styles très différents de chants polyphoniques.

Paul Van Nevel prend en effet le pari réussi de regrouper comme une forme de synthèse trois grandes options esthétiques qui ont guidé l'évolution du chant polyphonique de la Renaissance.

Trois messes, de caractères singulièrement différents se succèdent donc dans le dernier disque fascinant de l'ensemble flamand La Quinta essentia : la Missa "Tous les regretz" de Roland de Lassus, la Missa "Ave Maria" de Thomas Ashwell et la Missa "Ut, re, mi, fa sol" de Giovanni Pierluigi da Palestrina.

On entre dans la mystique de ces messes avec le plus expressif, fantasque et inventif des compositeurs de cette période (Roland de Lassus). Ce maître de l'école franco-flamande est celui qui aura tenté les plus belles audaces (ruptures harmoniques, changements de rythme) et qui aura le plus marqué ces messes de l'empreinte du chant profane en leur donnant une dimension plus humaine et théâtralisée. La missa "Tous les regretz" n'échappe pas à ces digressions soudaines, à ces changements de climats qui confère à la polyphonie flamande une plus grand familiarité avec l'auditeur qui se trouve alors en territoire connu avec les changements d'humeur liés à sa nature terrestre.

Avec Thomas Ashwell, Paul Van Nevel nous propose une transition avant l'approche la plus transcendante de Palestrina. On dispose de très peu de pièces du compositeur anglais qui incarne le plus le "gothique flamboyant" anglais, dans la lignée de William Byrd. Par rapport aux oeuvres de ce dernier, l'écriture d'Ashwell est plus resserrée, dense, un tout petit peu moins aérienne mais son contrepoint est d'une richesse et d'une complexité étonnantes pour aboutir à des harmonies et des ornementations étonnantes. Le divin s'incarne donc dans une forme de perfection plastique et de cohérence harmonique où, contrairement à de Lassus, les écarts ne sont pas de mise.

Le disque se termine avec la splendide messe basée sur l'hexacorde ut-ré-mi-fa-sol-la de Palestrina. Le compositeur romain, le plus austère des trois, aboutit ici à un niveau de transcendance impressionnant. Cette messe est d'une sérénité troublante, très homogène et d'une construction parfaite.

Paul Van Nevel conduit son ensemble avec une précision et un sens de la respiration exceptionnels. On tient là l'une des toutes meilleures formations vocales polyphoniques actuelles sur des registres de voix de taille déjà importante (14 voix). L'ensemble restitue un chant d'une finesse et une transparence absolues. Les voix sont parfaitement étalonnées et les messes nous sont restituées avec toute leur grâce et leur luminosité. Les nuances sont dosées avec une finesse extrême.

L'enregistrement est d'une qualité remarquable avec ce qu'il faut d'ampleur sans réverbération excessive. L'acoustique du lieu singulier de l'enregistrement (musée de l'Eau de Lisbonne) y est certainement pour beaucoup. En tout cas, il a fortement inspiré les interprètes.

Ce disque est fortement à recommander à tout amateur qui désirerait s'initier à la richesse de la polyphonie de la Renaissance.

Cet enregistrement est, je trouve, un des grands disques de l'année 2007.

Lien direct vers le détail du disque sur le site Harmonia Mundi avec possibilité d'écouter des extraits.

La Quinta essentia - Palestrina / Lassus / Ashewell - Huelgas-Ensemble - direction Paul Van Nevel - label Harmonia Mundi.


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