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Politique de civilisation

Publié le 04 janvier 2008 par Omelette Seizeoeufs

Fi... Monsieur Poireau écrit, à propos des voeux de notre Très Grand Homme (TGH) :

Et moi, dès qu'un homme politique se met à me parler de civilisation, je l'avoue, je suis très inquiet. Pas vous ?

Oui, Monsieur Poireau, moi aussi je suis très inquiet.

Surtout quand l'homme politique en question est Nicolas Sarkozy, celui qui croit qu'il y a un « trop grand nombre de musulmans présents en Europe » (le lien va vers le désormais célèbre billet de Jean Quatremer) , et qui s'attend à un "choc des civilisations" entre les musulmans et l'occident.

Surtout quand le TGH en question vient d'aller à Rome chanter la "profondeur de l'inscription du christianisme dans notre histoire et dans notre culture", et les "racines chrétiennes de la France", ces mêmes "racines" qui ont servi traditionnellement à justifier le refus de l'adhésion de la Turquie à l'UE.

Dans les Voeux, "la politique de civilisation" a l'air tout gentil, surtout quand on écoute les phrases déclamées en hâte et en directe-live à des téléspectateurs déjà à leur deuxième ou troisième bouteille de champ'. Car la civilisation, c'est, en vrac: la ville, l'école, l'intégration, la diversité, la justice, les droits de l'homme, l'environement. En gros, que des choses bien, tellement "bien", d'ailleurs, qu'on comprend mal en quoi ce nouveau souci pourrait constituer une politique. Sauf que, comme souvent, sous la surface, il y a une pensée beaucoup moins gentille et curieusement beaucoup plus théorique. Dans ses voeux, Sarkozy disait:

Avec 2008, une deuxième étape s'ouvre : celle d'une politique qui touche davantage encore à l'essentiel, à notre façon d'être dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres, c'est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation. (C'est moi qui souligne, o16o.)

Il veut redéfinir notre tissu social, et plutôt que de faire dans la "gestion" ("depuis trop longtemps la politique se réduit à la gestion restant à l'écart des causes réelles de nos maux qui sont souvent plus profondes"), où il faut lire : l'économie, pas si important que ça, apparamment, un truc pour des pinailleurs, nous allons faire dans les valeurs et l'identité. Identité, forcément Nationale. Mais la pièce manquante dans ce discours, c'est justement le discours de Rome. Prenez par exemple ce beau morceau :

La laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu'une nation qui ignore l'héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d'histoire, de patrimoine, d'art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c'est perdre la signification, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale, c'est dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire.

Notre ciment social version Sarkozy sera donc le christianisme, voire le catholicisime. C'est lui qui fournira les "symboles de mémoire" dont nous avons "tant besoin", et ce même pour des Français qui n'ont pas participé à cette "mémoire" chrétienne, qui n'ont rien à voir avec elle, qui ne s'y reconnaissent pas. Le peuple réclame des symboles, donnons leurs des crucifix et des saints (ou peut-être des seins...). L'identité Nationale est chrétienne. Voilà tout. Voilà pourquoi il fallait amener Bigard voir le pape. Voilà pourquoi la Turquie ne saurait faire partie de l'Union européenne. Voilà pourquoi il y trop de musulmans en Europe.

Voilà pourquoi... la politique de la civilisation dissimule (mal) le fantasme d'une politique identitaire, où l'on veut "civiliser" le monde un peu comme la France a voulu "civiliser" les sauvages de ses colonies.

Je ne pense pas que Sarkozy soit quelqu'un de très pieux. Il a, après tout, Bigard dans le rôle du croyant de service. C'est dire. Sarkozy est quelqu'un (il me semble en tout cas) qui pense par des oppositions entre groupes. Nous contre eux. Nous, les méritants, les bosseurs, etc., contre eux les fainéants, les musulmans, les noirs, les chômeurs. Etc. La religion, le catholicisme est pour lui une manière d'affirmer un nous, des gens "bien", qui servira de bouclier moral dans le choc contre les autres. Dans mes plus intimes convictions, je suis athée, mais suis plutôt un agnostique pratiquant (voir la discussion de tout cela chez Nea, en plusieurs salves). Ce que déteste par dessus tout dans la religion ordinaire, c'est quand elle sert à signifier une supériorité en affichant l'appartenance à un groupe. Et pourtant, on dirait qu'il n'y a que cela qui intéresse notre Très Grand Chanoine dans le christianisme.


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