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Lecture écran

Publié le 26 août 2008 par Menear
Posté le 26 mais écrit le 15 pour cause de blackout bis (pas frais).
Je comprends qu'on puisse être sceptique, d'ailleurs je n'ai pas manqué de l'être moi-même avant mes premières tentatives. S'être entendu dire (ou penser) : la lecture écran je ne m'y mettrai jamais parce que je ne peux pas me passer du contact physique avec le livre. Puis se rendre compte qu'en réalité le problème est ailleurs. Que la lecture écran n'a pas à en remplacer une autre (le dilemme n'a rien à voir avec sa variante musicale par exemple, puisque le contenu audio a déjà été dématérialisé depuis longtemps via le produit compact disque, déjà numérique en lui-même) mais qu'elle devient au fil du temps une lecture complémentaire. Comprendre qu'à terme le fichier PDF ou Epub ne remplacera pas l'objet livre ; là encore l'exemple de l'industrie musicale (ou cinématographique) sert de contrepoint : la littérature a cela de particulier qu'elle propose un contenu qui est à la fois l'objet qui le contient, packaging compris. De fichier numérique à livre papier, les enjeux ne sont tout simplement pas les mêmes.
On nous répète depuis des années (sortie commerciale des premières tablettes numériques ou liseuses dès le début des années 2000) que la révolution de la lecture écran est en marche mais c'est en réalité depuis moins d'un an que les choses se sont accélérées. D'abord avec l'arrivée sur le marché de liseuses dernière génération, bénéficiant de la technologie dite de l'encre numérique, capable d'émuler le confort de lecture papier sur une tablette portative à écran plat. L'écran n'est pas (plus) LCD, il ne s'agit pas (plus) d'un ordinateur de poche, mais bien d'un appareil dédié à et pensé pour la lecture écran. Trois noms en tête qui sortent du lot, souvent via les États-Unis d'abord : le Kindle d'Amazon, le Sony PRS-505 et le Cybook de Bookeen. Pas de tests comparatifs à lire entre ces pages (je ne les ai pas même eu quelques secondes dans les mains) ; simplement l'émergence d'une technologie prête à accélérer drastiquement l'usage de la lecture écran.
Parallèlement à ça : la démocratisation massive (comprendre : la mode) des ultra-portables à prix discount, tel que le EeePC, pionnier de chez Acer, et ses diverses copies. Ces ordinateurs minuscules à prix réduits, asséchés par une technologie économique et simplifiée à l'extrême, ne proposent aucune performance de luxe (pas de disque dur, une mémoire flash peu fournie, aucun lecteur ni CD, ni DVD, une taille d'écran forcément très réduite, etc.) ce qui les destinent plus largement à une utilisation bureautique (traitement de texte, base de données et, bien évidemment, internet) et donc parfaitement adaptée à la lecture écran. Le PDF Reader d'Adobe y est installé par défaut (de même que la suite libre Open Office) et le confort de lecture y est quasiment optimum pour peu qu'on adopte le mode plein écran permanent. A long terme, il est probable que la fatigue visuelle due à l'écran de la machine soit plus handicapante que sur une tablette équipée de la technologie d'encre numérique, mais ses fonctionnalités sont plus larges (présence d'un clavier de taille respectable pour peu qu'on s'y habitue un minimum, possibilité de surfer n'importe où sans difficulté, ports usb, lecteur de cartes type MMC, présence de logiciels de lecture multimédia et même webcam) et son prix moins élevé (250€ actuellement pour le EeePC). C'est entre autre pour ces raisons que j'ai personnellement pris l'option du EeePC plutôt qu'une de ces liseuses précédemment détaillées, et si je ne regrette qu'une seule chose, c'est d'avoir craqué sur la première génération d'ultra portable Acer et de n'avoir pas attendu une version comportant Windows XP préinstallée (la mienne tourne sous Linux) afin de pouvoir bénéficier d'Adobe Digital Editions, le must en matière de logiciel de lecture écran (et encore : il y aurait sûrement moyen de bidouiller une installation viable dessus, encore faudrait-il s'y connaître un minimum).
Adobe Digital Editions (transition toute trouvée) n'est probablement pas étranger au semblant de démocratisation de la pratique lecture écran et pour cause, ce logiciel gratuit permet un confort de lecture optimum et des services appréciables, que l'on pourrait par exemple rapprocher de ceux d'un logiciel dédié à la musique (Itunes pour ne pas le citer) : organisation des bibliothèques, classement, mise en place de signets simplifiée (page marquée, texte fictivement surligné et prise de note facilitée et automatiquement réorganisée), voilà, entre autres, ce que permet le Digital Editions d'Adobe. L'interface est par ailleurs très souple (très Flash), elle facilite la fluidité dans le maniement de la barre de défilement, de même pour le redimensionnement de la page, adaptable et customisable à volonté, malgré l'absence d'un réel mode plein écran et le côté un peu déroutant de devoir se passer du clic droit (pour faire des copier/coller notamment), Flash oblige.
Lecture écran

Autant d'outils qui assouplissent réellement le confort de lecture face à l'écran (même effort du côté de la plupart des sites littéraires pertinents, qui organisent à présent leurs (mises en) pages de façon à ce que le texte ne soit plus un bloc compact de lettres étriquées (police large, interligne important, etc.)) pour peu qu'on ait quelque chose à y lire. La plupart des grands classiques libres de droit sont déjà présents gratuitement un peu partout (complément idéal du livre papier, pour des pratiques de lectures différentes ; il n'empêche, lire Zola sur petit écran n'est pas impossible loin de là), de même pour les blockbusters anglophones (si on est prêt à les payer au prix fort, à moins bien sûr de les pirater). Et depuis janvier dernier, Publie.net, l'expérience texte numérique contemporain lancée par François Bon déjà effleuré entre ces pages par le passé : véritable maison d'édition pour textes exclusivement numériques, au catalogue déjà extrêmement fourni (j'en reparlerai plus en détail un jour) et ciblé numérique (forme brève, publication d'articles critiques, possibilité pour les auteurs de mettre à disposition leurs laboratoires personnels, etc.).
Voilà trois acteurs différents qui ont émergé ces derniers mois et qui permettent, chacun à leur niveau, de proposer de nouvelles pratiques de lecture (et, à terme, de nouvelles pratiques d'écriture qui s'adapteront pleinement au support numérique), pour peu qu'on ne se laisse pas intimider par l'abandon fantasmé (cauchemardé) de l'objet livre ; conjointement à la lecture de Super 8 dans le train, en effet, rien qui empêche de s'offrir un Duras ou un Bolano papier une fois arrivé à bon port.
[Article également disponible sur Culturopoing]

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