Glenn Close avait déjà fréquenté le petit monde merveilleux des séries US (elle interprétait le capitaine Monica Rawling, personnage récurrent dans la quatrième saison de The Shield, notamment) mais jusque-là toujours en guest star. Avec Damages, il s'agit désormais de sa série. Elle y interprète le personnage central : celui de Patty Hewes, l'une des plus brillantes avocates de Manhattan qui ne vit que pour gagner les procès dans lesquels elle s'engage et qui fait toujours tout pour parvenir à ses fins (et tant pis pour la morale). Après Vick Mackey, Tony Soprano ou Dexter (entre autres), voilà donc un nouveau personnage peu fréquentable qui devient le centre d'intérêt d'une série US.
Toute la saison 1 se concentre sur la grosse affaire qui occupe Patty et son cabinet : elle attaque (dans tous les sens du terme !), dans le cadre d'un recourt collectif en justice, le PDG corrompu d'une société qui a ruiné ses employés. Un magnat de la finance qui n'a, lui non plus, pas vraiment rien à se reprocher. Et entre ces deux personnages, entre ces deux égos, tout un tas d'autres personnages enchaînés les uns aux autres par divers intérêts contradictoires et autres magouilles plus ou moins secrètes. (Pour un résumé tout-en-image, le plus simple est encore de vous rediriger vers la vidéo insérée à la fin de l'article.)
Premier bon point, la série réussit à éviter un écueil que l'on pouvait redouter au début : on substitue au personnage de Patty Hewes une autre « héroïne », Ellen Parsons, jeune avocate ambitieuse fraîchement diplômée. Le spectateur suivra donc l'affaire à travers son regard (forcément neuf et naïf de prime abord), ficelle courante qui permet au passage d'aborder en douceur l'environnement, les décors et autres relations entre les personnages que le spectateur doit découvrir en même temps que l'héroïne. De cette manière, le personnage de Patty Hewes est d'entrée légèrement mis à distance, ce qui laisse plus de liberté et de souplesse à la série pour avancer ; elle n'est pas d'entrée phagocytée par l'emprise de Glenn Close (qui, elle, est pourtant bien réelle).
Damages est une série prenante et c'est probablement là que se trouve son principal point fort : toute la saison compose un thriller savamment orchestré. En plus de l'affaire en elle même (et celle-ci ressemble plus à une suite de fragments d'enquête policière qu'à une réelle plongée dans le monde judiciaire) se superpose une deuxième affaire : le premier épisode débute ainsi avec, à l'image, une Ellen Parsons paniquée qui déambule dans la rue à moitié nue, son fiancé retrouvé mort dans sa salle de bain. Les lettres « Six mois plus tôt » s'inscrivent alors sur l'écran : le gros de la série se déroulera dans donc un gigantesque « flash-back » qui viendra, au fil des épisodes, peu à peu rejoindre les scènes du « présent » qui s'écoulent régulièrement, petit à petit, en parallèle. Un double suspens se met alors en place : celui, naturel, qui concerne l'avancement de l'affaire principale et l'autre, plus flou, qui invite à raccorder les deux intrigues entre elles. Le mode de fonctionnement est osé mais il fonctionne impeccablement ; l'excellente qualité du montage n'y est probablement pas étrangère.
Le casting est également bien géré. Outre la fascinante Glenn Close, Rose Byrne (Ellen Parsons) évolue très bien avec son personnage et Željko Ivanek campe un avocat de la partie adverse très intéressant. On note également pour l'anecdote qu'on retrouve au générique un ancien second rôle de Friends : Tate Donovan (l'éternel bras droit de Patty, Tom Shayes), qui interprétait Joshua dans quelques épisodes de la saison 6.
Damages est une excellente série, aux mécanismes très bien huilées (plus régulière que Dexter par exemple), habile, qui séduit très facilement. La performance de Glenn Close n'y est évidemment pas étrangère (sans elle, il s'agirait probablement d'une bonne série, certes, mais banale), ce qui peut parfois la mettre en difficulté mais son omniprésence, parfois lourde, est bien contrebalancée par le rôle d'Ellen Parsons ; l'équilibre est parfois difficile à tenir mais il tient. Au rayon des bémols, on peut aussi remarquer que l'évolution de la saison est un peu déséquilibrée : un ou deux épisodes au coeur de la saison font un peu trop figure de « ventre mou » alors que la fin a tendance à trop vite se précipiter (beaucoup d'éléments à concentrer en peu de temps). La fin du dernier épisode semble également maladroite (disons que ce n'est pas la plus subtile façon d'annoncer une deuxième saison). La bande-son, quant à elle, est bien souvent anecdotique.
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