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(C&R;)

Publié le 09 juin 2007 par Menear
Derrière ce sigle mystérieux qui rappelle une chaîne de magasins de fringues (à vous de retrouver laquelle) se cache en fait un concept beaucoup moins enthousiasmant que le shopping et qui n'a surtout rien à voir. Cette abréviation affublée de parenthèses est en fait ma façon de marquer sur mes fichiers informatiques les « corrections & relectures » que je dois apporter à mes textes. J'en avais déjà parlé il y a quelques temps dans ce même journal de bord et ainsi que je l'avais déjà dit à l'époque, la phase « corrections & relectures » (C&R) n'est pas une phase que j'affectionne particulièrement. Mais ce n'est pas comme si j'avais le choix.
Lors de mon précédent billet sur le sujet, j'expérimentais une nouvelle façon de travailler, de relire et de corriger. Au cours des derniers mois, j'ai eu l'occasion d'appliquer cette nouvelle façon de faire, et même de la pousser dans ses retranchements jusqu'à produire quelque chose d'enfin achevé. Le mot est important (d'où l'italique) : jusqu'à cette année écoulée, je n'avais jamais poussé un texte jusque dans ses ultimes retranchements, je n'en avais jamais terminé aucun, c'est à dire que je ne les avais jamais suffisamment travaillé pour produire ce que je me plais à appeler « la meilleure version possible » du dit texte. Voilà pourquoi je répète parfois que tout ce qui est présenté dans ce blog dans la rubrique « Textes » (Mécanismes compris) ne vaut que comme des brouillons, des tentatives, des essais médiocres et inachevés.
Mais depuis cette année, et ces deux nouvelles dont je viens de vous parler (« Sablier » et « Décompte » qui devraient être mis en ligne une fois la version 2.1 du blog proclamée), je procède autrement ; en un mot, je suis devenu perfectionniste.
La phase C&R, je la traverse actuellement.
Parallèlement aux récents repérages pour « Coup de tête », j'ai commencé d'écrire une longue nouvelle (ou un court roman, c'est selon), voire même plutôt une novella (entre les deux, donc), intitulée « Cette vie », qui constitue une « version alternative » d'un rêve que j'ai fait récemment et que j'aimerais terminer avant mon déménagement (mais ça ne me paraît pas vraiment possible). La phase « corrections et relectures » s'applique donc à ce projet-ci.
La technique mise en oeuvre est sensiblement la même que pour corriger le premier jet de « Coup de tête » : d'abord, j'imprime ce premier jet et j'effectue un premier passage où je barre, entoure, rature et note les modifications à apporter. Ensuite intervient un second passage, sur traitement de texte, où je modifie les erreurs précédemment soulignées. La version obtenue correspond à un premier jet amélioré, ou « version 0 » comme je l'appelle lorsque je nomme mes fichiers. La suite est simple : on relit le texte et on souligne les nouvelles imperfections, puis on repasse pour les corriger, rectifier ou réécrire aussi souvent qu'il le faut, jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun doute, jusqu'à ce le texte devienne le plus abouti possible. Cette technique marche parfaitement lorsqu'on l'applique à une nouvelle, soit un texte court d'environ 30 000 / 50 000 signes.
Pour « Cette vie » (qui devrait totaliser entre 175 000 et 200 000 signes, soit 40-45 pages environ), c'est plus compliqué, tout simplement parce que le texte est plus long. Relire cinquante fois de suite un texte de quarante pages, c'est tout simplement trop lourd et trop espacé dans le temps (il faut au moins deux à trois jours pour relire l'intégralité attentivement). J'ai donc opté pour une variante que je pensais déjà appliquer depuis longtemps. Après l'élaboration de la version 0, j'ai relu deux fois l'intégralité du texte, apportant des modifications là où je le pensais nécessaire, jusqu'à aboutir jusqu'à une « version 1.5 ». A partir de là, j'ai découpé le texte en six « tronçon » de cinq pages, afin de pouvoir travailler plus précisément (je précise que je travaille sur une version en police 10 et aux marges réduites, cela fait donc 33 pages et non plus quarante et quelques). Sur ces tronçons de cinq pages, je reprend le même principe : je lis et souligne ce qui ne va pas (beaucoup de choses, mine de rien), puis je repasse derrière pour corriger et réécrire. Jusque là, alors que cela fait une semaine que je me prête au jeu, je n'ai pas encore atteint la moitié de la novella. Il faut compter en moyenne quatre ou cinq passages successifs pour arriver à une version acceptable de chaque tronçon (le tout jusqu'à obtenir une « version 2.0 » qui sera elle-même soumis à des corrections ultérieures). Je passe en moyenne trois jours sur chaque tronçon.
(C&R;)

Je n'ai pas à me plaindre, cette façon de faire à beau être éreintante et frustrante (je n'ai pas vraiment le temps ni le loisir d'écrire autre chose pendant ce temps, ce qui rend l'opération encore plus intense), elle s'avère surtout extrêmement efficace. Avec ce type de méthode, je ne peux pas affirmer que mon texte sera bon, mais je sais d'avance qu'il sera le meilleur possible dans la mesure de mes moyens et de mes capacités du moment ; c'est ce que j'appelle un texte achevé et je ne demande rien de plus à mes productions.
Le côté frustrant apparaît surtout à cause de la chose suivante : alors que mes corrections ne sont pas encore terminées, je sais déjà que j'ai passé plus de temps à corriger qu'à écrire le premier jet (l'étape où je prends réellement du plaisir). Douze jours de premier jet et dix-neuf de corrections jusque-là (j'enregistre chaque nouvelle évolution de mon texte que je suis quotidiennement, d'où la profusion de statistiques). Petit à petit, on se sent englué par le texte qu'on corrige, on se laisse prendre par les mots incorrects ou insuffisants, les constructions syntaxiques bancales et les incohérences narratologiques. Petit à petit, on se fait aspirer par le texte, on se laisse gagner par cette atmosphère suintante qui s'en dégage et on oublie tout le reste, ou bien on fait en sorte qu'il n'y ait rien d'autre autour. Cette méthode est véritablement épuisante. Je me demande d'ailleurs comment j'arriverais à gérer les corrections d'un roman conséquent comme « Coup de tête » (500 000 signes environ si on se fie au premier jet) et non plus de nouvelles ou novellas, comme c'était le cas jusqu'ici.
Mais peu importe ; le simple fait de constater l'évolution du texte, le simple fait de voir se métamorphoser des phrases d'abord immondes, ensuite bancales, ensuite maladroites, ensuite acceptables, et, enfin, évidentes, le simple fait de comprendre que ces mots milles fois repris traduisent mieux, désormais, la réalité intrinsèque du personnage ; tous ces « simples faits » font que ça vaut le coup. Ça marche, tout simplement.
Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas trouvé de meilleur méthode de travail, ni de plus appliquée. L'avenir me dira si, oui ou non, j'ai eu « raison » de procéder de la sorte.

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