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Ces ordures dont les dépotoirs ne veulent plus

Publié le 17 mai 2007 par Menear

Ces ordures dont les dépotoirs ne veulent plus

Avant-hier, en sortant de mon dernier partiel écrit (la dernière dissert de ma vie !), je déboule chez quelques bouquinistes pour essayer de leur refourguer quelques bouquins que je ne souhaite plus conserver. Je viens déjà de me débarrasser de quatre livres que j'ai ou vais avoir en double (distribués à mes amis) et il m'en reste encore quatre autres à écouler, sachant qu'il faut que je fasse un peu de place en prévision de mon déménagement futur. Bref, je vais donc chez trois bouquinistes, et pas moyen de caser un seul de ces bouquins

qui, certes, sont des bouquins souvent chiantissimes et médiévaux, mais qui sont aussi régulièrement (tous les ans en fait) remis au programme de la première année de Lettres. Je suis donc un peu étonné. L'explication que l'on me donne est sensiblement toujours la même : on n'a plus de place, on ne prend plus de bouquins en poches sauf s'ils sont très demandés. Et là je regarde autour de moi et, effectivement, je constate : des bouquins du sol au plafond, de la place pour rien, et les pages qui s'empilent et s'empilent sans ordre. Je repars un peu déçu, d'autant plus que je me suis farci le poids de ces bouquins toute la journée pour rien...
Il a été publié en 2005 61 761 livres. 447 553 exemplaires ont été vendus. Le chiffre d'affaire des éditeurs a augmenté de 1.8%, ce qui revient à un total de 2 milliards 746 millions d'euros. Ils ont versés 470 millions d'euros de droits d'auteurs. Tous ces chiffres concernent toujours l'année 2005. En 2006, le prix du livre a globalement augmenté de 1.3%, toutes catégories confondues. En 2006, il a été publié 62 527 titres, soit une augmentation de 1.2% depuis 2005. Ces chiffres proviennent tous des statistique du CNL.
Il y a globalement en France de plus en plus de titres, de plus en plus de parutions, de plus en plus de ventes, de plus en plus d'auteurs édités et de plus en plus de revenus générés. Il y a sur les étalages des librairies de plus en plus d'objets livres, qui restent de moins en moins longtemps exposés. Paradoxalement, le prix du livre augmente d'année en année. La banalisation du livre ne le rend pas moins cher.
Le marché est littéralement inondé de titres (de produits) dont la majorité n'a rien de fondamentalement littéraire. Cette recrudescence du produit livre ne fait pas baisser sa valeur, au contraire. L'objet livre vaut cher lorsqu'il est exposé à la Fnac ou dans les librairies, mais cette valeur est galvaudée ; l'objet livre ne vaut rien dès lors qu'il est acheté. Cela explique peut-être pourquoi on a si légitimement refusé mes bouquins médiévaux pourtant tous les ans au programme, tous les ans rachetés par les étudiants de première année.
Je ne réfléchis pas sur la question, je constate. L'objet livre, économiquement parlant, se porte bien. Mais la littérature, elle, se porte-t-elle aussi bien ? Et vers quoi doit-elle évoluer si elle ne peut pas survivre à travers ce mode de production ? Je ne réfléchis pas sur la question, je m'interroge à voix haute.
Ces ordures dont les dépotoirs ne veulent plus

Je citerais un dernier chiffre, ou plutôt je citerais à nouveau un dernier chiffre, peut-être passé inaperçu dans la masse précédente de statistiques du CNL : 2 milliards 746 millions d'euros de chiffre d'affaire pour les maisons d'éditions et 470 millions d'euros de droits d'auteurs versés. Ne vaudrait-il pas mieux pour les auteurs trouver un moyen de sauter la case édition de la même façon que l'édition souhaite actuellement sauter la case librairie et la case distribution ? Ne vaudrait-il pas mieux évoluer vers autre chose, quitte à prendre le risque que ce ne soit plus, exactement, de la littérature comme on l'a connaissait jusqu'alors ? Je ne pense pas qu'il soit légitimement possible de croire que l'objet livre puisse disparaître, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille se résigner dans une voie qui, semble-t-il, se délittérarise, se déculturise. Ces interrogations, je ne suis pas le premier à les avoir. Le rôle nouveau d'internet semble concerné par ce processus, et je pense très sincèrement que l'on pourra, à l'avenir, bâtir une littérature nouvelle, tributaire du média internet, peut-être différente, mais qui aura le mérite d'exister là où, actuellement, elle s'étouffe et disparaît.
Je me demande aussi combien d'auteurs de notre époque négligés, d'oeuvres non reconnues, seront glorifiées et appréciées après coup, plusieurs dizaines d'années plus tard. Combien de génies seront ignorés car pas assez bankable... Beaucoup sans doute, ou en tout cas beaucoup plus que précédemment...
Encore une fois, ce billet ne se vente pas de produire quoique ce soit de concret sur le sujet, mais posons-nous quand même la question de savoir pourquoi l'objet livre se porte si bien alors que, parallèlement, la littérature, elle, s'aplatit de plus en plus...

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