Magazine Culture

L'ellipse et moi

Publié le 07 janvier 2007 par Menear
L'ellipse et moiL'ellipse, c'est un peu cet espace, cet entre-deux, où le lecteur (parlons simplement de l'ellipse en littérature) dépasse véritablement son statut de spectateur pour devenir lui-même auteur, « producteur de sens », pour parler pompeusement. L'ellipse, c'est le procédé qui permet le plus au lecteur de se « libérer » de l'intrigue, des chapitres, du texte. L'ellipse, c'est l'endroit où il cesse d'être passif et où il expérimente réellement son activité. Bref, l'ellipse est un procédé narratologique qui permet une immersion totale du lecteur, puisque c'est à lui, et à lui seul, de reconstituer ce qui a pu se passer pendant le laps de temps qu'a duré l'absence de récit. Et en tant que lecteur, évidemment, je cherche justement ce type de liberté laissé par l'auteur (notamment dans une oeuvre comme Le Musée du silence, de Yoko Ogawa dont je vous ai parlé il y a plusieurs mois, oeuvre dans laquelle l'ellipse est superbement utilisée, le roman décrivant plus une succession de moments isolés dans le temps qu'une suite directe d'évènements).
Mon problème avec l'ellipse se trouve ailleurs. Le problème, ça doit être moi, ou bien ma façon de faire, parce que j'ai du mal à la supporter, l'ellipse, quand c'est à moi de prendre la plume (clavier) et de créer moi-même l'intrigue, les chapitres, le texte. Mon problème avec l'ellipse, c'est que je n'arrive pas vraiment à l'utiliser, disons, a bon escient. Mon problème avec l'ellipse, c'est peut être aussi que je n'arrive pas à l'utiliser tout court. En règle générale, je conçois le narrateur comme une caméra (cliché quand tu nous tiens) qui ne quitterait jamais (ou si rarement) le ou les personnages qu'elle s'est décidé de suivre. Ce qui veut dire que ce ou ces personnages sont montrés en permanence, dans une sorte de totalité oppressante et rigide au possible. Impossible de couper comme ça, nettement, pour reprendre plus tard. Impossible, à moins de bâtir une construction basée sur ce procédé, comme l'est le Musée du silence, par exemple, comme j'ai pensé le faire pour un projet mûrement réfléchi qui, pour le moment, n'est pas encore concrétisé.
Prenons l'exemple de « Coup de tête », qui est le projet sur lequel je (re)travaille actuellement. Deux « utilisations » mis à part, mes ellipses sont toujours brouillonnes, maladroites, aléatoires. Pourquoi couper ici plutôt que là ou inversement ? Pourquoi suivre tel personnage jusqu'à ce point-là, précisément, quand bien même ce n'est pas particulièrement important pour le reste de l'intrigue, des chapitres, du texte ?
Et à quoi c'est dû, ce constant besoin de totalité (tout montrer, tout représenter, dans la continuité de l'action, dans la linéarité des déplacements des personnages) ? Nul doute qu'il faut que je travaille ce point là, ce point spécifique, en particulier. Nul doute que mon personnage principal dans « Coup de tête » mérite que je découpe mieux mes scènes, mon récit. Nul doute qu'il vaudrait mieux que j'écarte plus facilement tel ou tel passage, telle ou telle pensée, avant de tout établir en fonction de cette totalité, trop restrictive, trop étouffante.
Parce que cette « vision totalisante » va même jusqu'à dénaturer le coeur de mon idée de départ qui, lorsque je l'ai eu et modelée il y a un peu plus de six mois, visait à établir un récit bref, incisif, et non de lentes déambulations qui n'ont d'autres buts que de pousser la caméra le long de l'intégralité du parcours de mon/mes personnage(s).
Lorsque « Coup de tête » sera lisible, ici ou ailleurs, lorsqu'il sera achevé, d'ici quelques mois, lorsque le travail de réécriture sera terminé, je reviendrai à ce problème de l'ellipse et vous me direz si je l'ai résolu ou non. D'ici là, j'entends bien l'éradiquer, ce pseudo-problème.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Menear 147 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine