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L'enfer d'un mangaka (encore!) : Dans la Prison

Publié le 18 octobre 2010 par Mackie

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Dans la Prison

de Kazuichi Hanawa

(2000, France : 2005, Ego Comme X)

Après le sans domicile fixe et le dépressif, je poursuis (sans le faire exprès) dans la même veine, avec cette fois le mangaka taulard. Dans la Prison est l'histoire autobiographique de Kazuichi Hanawa, auteur reconnu du style eroguro, flirtant avec l'horreur et le bizarre. En 1994, il est arrêté pour détention illégale d'armes et condamné à trois ans ferme. Bigre, on en plaisante pas avec la légalité au Japon. Trois ans qu'il effectuera intégralement, sans remise de peine, malgré sa bonne conduite. En bon mangaka qu'il est, il en fait, évidemment... un livre. Il se vend bien et donne lieu à une adaptation cinématographique, qui remporte plusieurs prix au Japon.

Ce livre est à la fois déroutant et impressionnant. Parfois ennuyeux. Et parfois amusant.

Déroutant : Dans la Prison raconte la vie quotidienne des détenus dans une maison d'arrêt ordinaire, au Japon. Ni plus, ni moins. Pas de question morale sur qui a fait quoi et pourquoi il est là. Pas d'histoire fumeuse de plan d'évasion, pas de violence, pas de plainte ni de réflexion sur la condition de détenu. Ce n'est ni Prison Break, ni l'Evadé d'Alcatraz. C'est un compte-rendu détaillé, précis et carrément documentaire sur les trois années vécues derrière les barreaux. De ce point de vue, c'est une absolue réussite : rien ne nous est épargné, du réveil au coucher, en passant par les repas, la toilette, le caca et le pipi, le règlement, les punitions, les récompenses, et même l'organisation économique de la prison. Mais c'est particulièrement étonnant de lire, dans la bouche du narrateur ou de ses co-détenus, l'apparente satisfaction d'être si "bien traités", d'avoir une vie organisée, des repas assurés, la sécurité prodiguée par les gardiens, etc. A croire que c'est une sorte de communauté comme une autre, pas si difficile à vivre, et dont les contraintes sont acceptables au regard des avantages...

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Impressionnant : de page en page, Kazuichi Hazawa décrit chaque détail avec un dessin d'une incroyable précision, et le souci de ne rien oublier. Les lieux sont décrits comme dans un manuel technique, avec légendes, explications, points de reglement, chaque geste est documenté. C'est limite maniaque, et un peu sec. C'est là que parfois ça devient un peu rasoir.

Heureusement, l'humour, souvent ironique, voire carrément noir, affleure dans certaines scènes. Par exemple, la description des repas (on a une double page dont chaque case décrit un plateau repas différent) renvoie à la gloutonnerie du narrateur, qui se dessine lui-même en cochon qu'en engraisse. Ou alors, l'absurdité de certains règlements, comme celui de devoir toujours demander l'autorisation d'aller aux toilettes, en levant le doigt et en criant "s'il-vous-plaît", entraînant un choeur de "s'il vous plaît" ridicules et hystériques.

Dans la Prison m'a donc laissé une impression mitigée : j'admire le dessin et l'aspect documentaire, mais je suis troublé par l'absence de révolte personnelle ou de remise en question d'une situation décrite comme normale. J'aurais aussi souhaité en savoir plus sur les détenus, leur passé, leurs pensées. Mais à trop les décrire dans des gestes banals et quotidiens, les individus semblent tous réduits à leurs fonctions organiques, y compris le narrateur. Ce qui ne le rend pas très sympathique. Et j'ai l'impression que c'est une manière pour lui d'éluder toutes les questions qui dérangent. La prison, ce n'est quand même pas qu'une colo pour adultes, surtout au Japon, avec ses règlements humiliants, ou alors je n'ai rien compris?

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