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La classe politique indienne

Publié le 22 octobre 2010 par Olivia1972

Depuis le temps que nous observons ce pays, nous commençons à percevoir certaines réalités et à dépasser les paradoxes apparents. La classe politique indienne, voila un beau sujet, difficile certes, mais important. Voila donc quelques réflexions qui vous permettront de mieux décoder la réalité indienne, laquelle n’a évidemment rien à voir avec ce que l’on connait en France ou en Europe. Dr-APJ-Abdul-Kalam-speech

La première idée qui s’impose à nous est que l’Inde est un pays jeune (un pays de jeunes) dirigé par des vieux. Les 35 ministres de l’actuel gouvernement avaient une moyenne d’âge de 65 ans lorsque le gouvernement a été formé l’an dernier. Le premier ministre Manmohan Singh avait 77 ans. Mais en Inde plus on est vieux plus on est sage, et être âgé n’est pas du tout perçu négativement. Les jeunes n’ont pas d’a priori négatif envers les vieux, au contraire, et Olivia et moi avions été impressionnés de voir l’accueil triomphal et éminemment respectueux qu’une assemblée de 800 jeunes avait réservée à Abdul Kalam, ancien président de la république, scientifique et gourou.

On peut aussi citer le guide suprême de la communauté des Bohris muslims qui dirige d’une main de fer sa communauté du haut de ses 95 ans. Le poids de la tradition familiale explique bien sûr le respect porté aux aînés mais il y a aussi cette idée de « gourou », du sage qui est très importante dans la société indienne.

La deuxième idée est la notion de charisme.

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Le charisme en Inde est réellement cette capacité d’envoutement des foules dont certains hommes politiques disposent. Cela n’a rien à voir avec ce que l’on peut connaître en Europe dans le monde politique, rien à voir avec la passion militante, rien à voir avec l’élan que le peuple peut avoir pour un Zidane ou un Noah. En Inde, le charisme est d’essence religieuse, spirituelle.

Fort paradoxalement, l’actuel premier ministre Manmohan Singh n’est pas un homme charismatique. Il est très respecté pour deux raisons ; c’est un sage âgé et c’est un technicien très compétent (ancien haut fonctionnaire du FMI). Mais il a été nommé par la chef du Parti du Congrès (Sonia Gandhi) et on sait que les vraies décisions politiques sont prises par le Parti du Congrès. Manmohan Singh, contrairement à tous les autres hommes politiques, s’exprime peu souvent en public et dans les événements graves du pays (attentats de novembre 2008 à Bombay) il n’a même pas pris la parole. De fait, cet homme éminent est incapable de remuer les foules.

Rahul Gandhi, fils de Sonia Gandhi, que l’on dit être le dauphin (de la dynastie Nehru-Gandhi)  est un homme jeune (40 ans) qui a un très grand charisme. Cependant, beaucoup disent qu’il n’a pas une grande envergue et il n’a jamais occupé de poste dans le gouvernement.

La notion de charisme est d’autant plus importante que l’on sent bien que ce pays, dont les ressorts profonds sont très ancrés dans le spirituel, a besoin de leaders, de guides. Nous avions abordé ce sujet avec l’article sur la fascination exercée par Hitler, beaucoup d’indiens ne retenant de lui que cette image de guide d’une nation tout en igno

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rant la réalité de l’histoire.

On peut prendre l’exemple de cette femme que l’on abomine, Mayawati l’actuel chief minister de l’Uttar Pradesh. On l’abomine car c’est probablement la figure politique la plus corrompue du pays ; néanmoins, cette intouchable parvenue au sommet dispose d’un charisme incroyable.

 

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La troisième idée est la corruption.

L’Inde n’est pas le seul pays où la corruption est monnaie courante (sans jeu de mots), mais de fait c’est un pays où la corruption est très présente et pas s

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eulement dans la sphère politique. Les politiciens indiens sont souvent corrompus, même si un certain nombre d’entre eux, comme le premier ministre, sont des incorruptibles. On écrira un jour un article sur la notion de corruption en Inde, car cela est un vrai sujet.

La quatrième idée est l’absence de vrai débat démocratique ! Paradoxe pour la plus grande démocratie du monde, mais finalement quels sont les thèmes politiques autres que ceux consacrés à la religion et plus particulièrement à l’hindouisme. Dans le domaine économique le débat se situe au niveau des agents économiques et ce sont souvent des sujets techniques, des éléments de la politique économique. Mais on ne parle jamais de meilleure répartition de la richesse, de politique fiscale, de chômage… Il n’y pas de débat sur la politique sécuritaire, l’identité nationale ou la politique culturelle. Pas ou peu de débats sur la place de l’Inde dans le concert des nations, sa relation avec le Pakistan ou la Chine.  

Tout ceci est finalement difficile à comprendre ; mais, il faut avoir présent à l’esprit que l’Inde est un pays rural à 70% et que les partis politiques passent leur temps à marquer leur pr

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ésence dans les villages, distribuant paroles et faveurs à des villageois qui vivent souvent dans des conditions matérielles difficiles et toujours dans un environnement marqué à jamais par le poids des traditions. Et dans les villes, les citoyens s’occupent d’abord de leurs affaires et de leur business.

Et voila peut-être une clef importante ; il existe en effet une grande distance entre le citoyen et la Nation. Le citoyen est d’abord membre d’une famille puis d’une communauté. Il se reconnait dans ces cercles qui absorbent sa vie quotidienne en plus de sa vie professionnelle. La Nation reste un concept abstrait, éloigné et immatériel. Le lien entre le monde politique et le citoyen est davantage un lien avec le député local susceptible de l’aider.

On a beau être dans un pays où le spirituel compte beaucoup, on ne se bat pas ici pour des idées. On ne se rassemble pas autour d’une idée, mais on se rassemble autour d’un leader, ce qui va bien sûr jusqu’au culte de la personnalité. Il y a quelques mois un Chief Minister (le dirigeant d’un Etat) se tuait dans un accident d’hélicoptères ; on enregistra plusieurs dizaines de suicides.

On est vraiment très loin de notre lointaine Europe…


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