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Engrenages

Publié le 23 octobre 2010 par Flow

 

Engrenages. (crée par Alexandra Clert)

Saison 3.

Une Justice sans Justes.

 

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Ne le cachons pas, cette saison 3 était largement inférieure aux deux précédentes. Mais pourtant, la première création originale de Canal+ reste fascinante tant une telle démarche artistique était absente de la fiction française avant la naissance de la série en 2005.

Le thème central n'est ni la traque d'un sérial killer assez creux, ni le combat d'un juge contre un politique véreux comme il en existe tant, non, le thème, c'est la dernière mise à l'épreuve des Justes, une ultime confrontation entre ces derniers et le monde corrompu qui les entoure afin de juger s'ils y ont une place.

Engrenages, c'est une vision triptyque de la Justice. D'un côté, la flic, impulsive et bornée, bras armé d'une Justice imparfaite qu'elle est prête à défendre jusqu'au bout, même si cela équivaut à contourner les règles. Ensuite, le jeune procureur, éternel naïf qui croit en une Justice idéale alors même que la corruption du système le frappe de plein fouet. Pour finir, le juge Roban, vieux magistrat fatigué représente la parfaite médiation entre les deux conceptions que je viens de citer. Il connait les limites du système, les accepte mais reste droit tout de même.

A la sortie de cette troisième saison, les choses ont changé. Aucun personnage n'a été épargné. Le bilan est implacable. Leur droiture a été testé et ils ont compris que cette dernière n'avait aucune place en ce monde.

Pour continuer la lecture, avoir vu la troisième saison est souhaitable.

Le candide repenti.

L'ex-procureur Pierre Clément est un peu en retrait cette saison. Mais même en filigrane, il reste intégré à la thématique principale. Ainsi, sa naïveté est remise en question. Peut on croire et entretenir une justice idéale? Affrontant tout d'abord son chef qui préfère la politique, il est rétrogradé et choisit la robe d'avocat, dans laquelle il pourra traiter les affaires comme il l'entend. Mais il se rend vite compte là aussi que c'est quelque peu impossible, lorsqu'il est accusé de viol sur un mineur qu'il défendait. La très bonne idée des scénaristes est de l'avoir associé avec Joséphine Karlsson, avocate aux antipodes, qui essaie de lui démontrer la corruption d'un système qu'elle connaît trop bien. Lorsqu'il embrasse à la fin, ce n'est pas tant son corps qu'un geste synonyme d'acceptation et de renonciation à son idéal.

La fin des concessions.

La capitaine de police Laure Berthaud représente, on l'a dit plus haut, la justice armée, celle qui agit en étant libérée de toutes contraintes politiques. Du moins c'est ce qu'elle pense. Elle recherche l'efficacité afin de résoudre au plus vite les enquêtes. Seulement, cette conception est également erronée. Si elle est prête à se salir les mains car elle est consciente que certains sacrifices doivent être fait pour mener une enquête à terme, elle n'est pas prête à accepter les jeux politiques, les guerres de services et les concessions. C'est en partie pour cette raison que la traque du boucher de la Villette lui tient tant à cœur. Elle est la seule à s'impliquer émotionnellement, à en faire une affaire personnelle. C'est donc seule qu'elle mène ce combat et paradoxalement, c'est grâce à son implication que le tueur sera arrêté. Son geste impulsif à la fin, prouve bien une chose, à présent elle est convaincue de devoir tout faire par elle même, quitte à y laisser sa vie personnelle. Elle ne fera plus de concessions.

Seul contre tous.

Le juge François Roban est le personnage le plus important cette saison. Lui qui n'avait jamais vraiment été développé est à l'honneur. Il est convaincu de l'importance suprême de la Justice et de sa profession. Il a conscience de la gangrène qui dévore l'Institution, mais il s'en est toujours tenu à l'écart, en se protégeant avec une bonne dose d'humour. Il pense être le dernier Juste et accepte ce fardeau. C'est pour cette raison qu'il est préparé à tous les sacrifices (dans sa vie). Roban est une figure très intéressante. Pas vraiment martyre, mais plutôt celle qui porte le poids du monde sur ses épaules. Pourtant, il va s'effondrer au cours de cette enquête. D'abord obligé de jouer le jeu de ses ennemis afin de poursuivre sa «mission» alors qu'il est affaibli par la mort de sa mère, il est ensuite forcé de briser la carrière du fils de l'amour de sa vie. L'affaire lui sera au final retiré alors qu'il a tout perdu pour la mener à son terme. C'est dans un magnifique discours, adressé directement à la Justice qu'il s'effondrera à sa manière sans pour autant abandonner, car il faut bien que le combat continue.

 

La force de cette saison 3, c'est ses personnages. Il n'y a pas de doutes là dessus. Ils font l'objet d'une écriture appliquée et solide. Un autre point qui m'a marqué et qui mérite que l'on s'y attarde, est le constat suivant: lorsque le monde s'acharne à stopper la Justice à quoi bon continuer le combat? Et même si ce combat est mené à bout, est il utile lorsque l'on sait que ceux que l'on vient d'arrêter seront remplacés par d'autres et ce jusqu'à la fin des temps? Ce thème me plait beaucoup et cela me rappelle la fin de la saison 1 de The Wire (qui le traitait de meilleure manière bien sûr): toute cette énergie donnée par les policiers alors qu'au final ils ont juste enlevé du circuit quelques malfrats, tout de suite remplacés. A quoi bon?

Cette saison 3 est la moins bonne, les défauts se sont multipliés. Tout d'abord, passer de huit à douze épisodes s'est révélé préjudiciable à la série de manière paradoxale. En effet, on sentait que quelques épisodes supplémentaires auraient été nécessaires pour développer les personnages dans la saison précédente. C'était vrai car douze épisodes ont permis de se pencher sur ces derniers plus aisément. Hélas ce que l'on gagne en épaisseur est perdu en rythme. En effet, la saison 2 était un modèle d'efficacité. Les histoires sont dans la saison 3, trop diluées. Le sérial killer est intéressant au tout début, puis on l'oublie presque... Le phénomène d'étirement est bien présent. Il faut noter également une volonté d'en rajouter dans la noirceur pas forcément nécessaire. Par exemple: l'accusation de viol contre Clément et les péripéties qui suivent.

Malgré ses défauts, cette saison 3 d' Engrenages reste captivante et prouve bien que série TV française et qualité ne sont pas forcément deux mots incompatibles.


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