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Lettre ouverte aux jeunes lycéens

Publié le 26 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Lettre ouverte aux jeunes lycéensCher François, cher Bernard,

Vous êtes tous deux de bons élèves au Lycée Frédéric Bastiat, et je forme tous mes vœux pour votre réussite au bac en fin d’année. Ayant fui les injustices de la sélection des classes préparatoires, IUT et BTS, vous serez donc l’an prochain de bons étudiants dans ces universités rénovés par Madame Pécresse, et vous pourrez continuer à  manifester votre civisme et à vous mobiliser pour les grandes causes nationales qui retiennent en ce moment toute votre attention et absorbent toute votre énergie.

Vous avez rédigé et brandi des pancartes concernant l’avenir de votre emploi et celui de vos retraites. Le souci de l’emploi est en effet légitime, et vous imaginez aisément que plus de seniors au travail, c’est moins de juniors embauchés. Car on a dû vous apprendre qu’il existe un stock de travail comparable à un réservoir de pétrole de chez Total, et que les vieilles voitures consommant davantage videront les pompes et empêcheront les voitures neuves de rouler. La réalité est tout à l’opposé : plus il y a de gens qui travaillent, à tout âge et dans n’importe quel emploi, et plus il y a de travail pour tous. Car la rémunération du travail des uns crée des débouchés pour les biens produits par le travail des autres. Je tiens donc à vous rassurer : il y aura toujours du travail, et pour tous.

Ne vous laissez pas troubler par l’importance actuelle du chômage qui frappe durement votre génération. Il est uniquement dû aux barrières que la législation a dressées contre vous à l’entrée du marché du travail, Vos aînés (vous étiez à l’époque au collège) ont préféré pas de boulot aux petits boulots, ils ont choisi le chômage plutôt que la précarité, et ils ont remporté ainsi une victoire à vos dépens en descendant dans la rue pour faire annuler la loi créant le CPE.

Vous avez l’intelligence de penser à vos retraites. Vous avez raison : c’est vous qui paierez la facture, et elle s’alourdira au fil des ans. Vous êtes contre la réforme proposée par le gouvernement : vous avez raison. Mais en revanche je ne comprends pas pourquoi vous êtes opposés à toute réforme, puisque ce qui va vous ruiner c’est le système actuel, or vous ne voulez pas en changer.

J’ai peut-être mal compris votre position, et peut-être êtes vous dans la rue pour réclamer le passage à la capitalisation. Mais vous me semblez plutôt avoir épousé la cause de la CGT ou de la CFDT ou de FO, ou des syndicats de cheminots, transporteurs, dockers, enseignants, postiers, contrôleurs du ciel, fonctionnaires, etc. toutes personnes qui ne cherchent en fait qu’à garder les privilèges actuels dont ils bénéficient en matière de retraites, et qu’ils font payer au reste des Français. Ils vous ont mis en première ligne en vous faisant croire que la répartition est une bonne chose, alors qu’ils y voient surtout un moyen pour eux de vous voler durablement.

Car vous allez être volés tout au long de votre vie. Les voleurs masquent leur larcin en mettant en avant votre générosité, votre sens de la solidarité avec vos parents et aînés. Je ne doute pas de votre goût du don et du partage – en dépit de la propension de certains de vos copains à casser, caillasser, et brûler. Mais je voudrais malgré tout prendre la mesure de votre altruisme en précisant ce qui va vous arriver s’il n’y a pas de vraie reforme, c’est-à-dire d’abandon de ce système appelé répartition (article 1er alinéa 1er de la loi soumise au Parlement).

Dès que vous serez salarié, on retiendra sur votre paye de paie mensuelle (qui ne sera pas loin du SMIC) environ 200 euros au titre de votre retraite. On en retiendra autant pour ce qu’on appelle l’assurance maladie. Si vous vous imaginez que ces 200 euros sont virés à un compte ouvert à votre bénéfice et dont vous retrouverez le montant grossi dans 40 ans, vous vous trompez : ces 200 euros sont immédiatement engloutis dans la trésorerie de la Sécu, qui en a besoin pour payer la retraite de votre grand père. Vous attendrez l’année 2.020 – ce n’est pas loin – et la ponction passera à 250 euros tandis que votre grand père aura vu sa pension diminuer de 100 euros au minimum. Vous attendez encore vingt ans de plus, et le système aura disparu : votre grand père sera mort après quelques années de précarité, et tous les droits à la retraite que vous avez cru accumuler auront disparu. A ce moment-là on vous donnera peut-être la permission de chercher une autre retraite qu’à la Sécu – mais vous aurez toujours à payer pour éponger la dette de l’Etat, ce qui représentera à ce moment-là environ 2.500 euros par an en impôts supplémentaires.

Je ne sais si vous aurez eu la chance d’étudier au cours de vos années de collège et de lycée la « loi des intérêts composés ». Je sais bien que tout ce qui touche à l’argent est ignoré, sinon méprisé, dans les programmes de l’Education Nationale. Chercher son intérêt n’est pas bien vu. Mais je crois que vous le savez tout de même: si vous aviez pu placer à 4 % l’an les 200 euros mensuels (que vous aurez été obligés de verser à la Sécu) cela vous aurait rapporté une rente annuelle d’un montant compris entre 35.000 et 30.000 euros (suivant la durée de votre retraite, c’est-à-dire suivant votre longévité) alors que le droit théorique que vous obtenez avec vos 200 euros en répartition est celui d’une rente de 18.630 euros, et bien sûr cette rente ne vous sera jamais servie : vos espoirs s’envoleront au fil des années.

Je comprends bien que, plus avertis et plus experts que la plupart de vos camarades de classe (ou de lutte des classes) vous avez déjà compris tout cela, et que c’est la raison pour laquelle on vous a vus en tête des manifestations.

Vous avez raison. Parce que vous êtes jeunes, vous devez vous révolter contre les atteintes à la liberté qu’impose le système actuel. Parce que vous êtes généreux, vous devez vous soucier du sort lamentable qui attend vos parents et vos aînés. Parce que vous vous lancez dans la vie vous refusez le boulet d’un système hérité de la pure idéologie et des manœuvres de privilégiés, vous ne vous résignez pas à être dépouillés, écrasés de dettes et d’impôts. Vous avez soif de justice et de dignité.

Je vous fais entière confiance.

Article repris depuis la Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello


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