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Interview d'Erik Karol

Publié le 26 octobre 2010 par Guillaume Joubert

ErEK 2-2010© by Kharma Estranyik Karol a chanté sur les plus grandes scènes de New York à Londres, en passant par Paris. Enregistré au début de l'année 2010, son nouvel album intitulé "Polyphonic Trees" est tout simplement inqualifiable, lui même le dit. De cet album, on retiendra avant tout l'inspiration, la modernité et la richesse des influences, en plus de cette voix rare. Artiste authentique et sincère, Erik Karol revient sur son parcours atypique, et très riche, avec notamment, ses 1 000 représentations avec Le Cirque Du Soleil. Un grand merci à lui pour ce long entretien. 

(Cette interview est aussi présente sur le site Zikannuaire : link, l'un de mes grands partenaires).

Bonjour. Erik Karol, tu viens d'enregistrer un nouvel album intitulé "Polyphonic Trees". Que représente ce titre ?

Erik Karol : Bonjour Guillaume...Ce titre est d'abord l'histoire d'une chanson, la première de l'album, "My Polyphonic Tree". Alors que j'étais en tournée avec le Cirque du Soleil à San Francisco il y a quelques années, j'avais pris l'habitude d'aller de temps à autres dans un parc surplombant la ville et nommé Buena Vista Park. J'y ai découvert là un arbre un peu étrange près duquel je venais m'asseoir en silence. Il faisait une musique, grinçait, chantait d'une certaine manière… et je me suis laissé être son confident silencieux. Plus bas se détachai la baie de San Francisco et le titre de la chanson m'est d'abord apparu. J'ai griffoné quelques lignes, quelques idées, mais ce n'est que lorsque j'eus terminé ma tournée que j'entrepris d'écrire le texte. L'émotion et les sensations recueillies auprès de cet arbre étaient restées intactes...Je précise que je n'avais pas pris de LSD !! A la suite de çà, j'ai écrit plusieurs autres chansons et le titre de l'album s'est imposé à moi et s’est dessiné, décliné au pluriel : "Polyphonic Trees". Chaque titre, comme un arbre,révélant une histoire avec ses branches tournées vers le ciel, vers l'avenir et ses racines plongées dans les entrailles du passé... à moins que cela ne soit l'inverse !

Après une longue série de collaborations, dont le spectacle du "Cirque du soleil" qui t'a entraîné à travers le monde, cet album marque donc un projet plus personnel. Peux-tu nous dire comment il a été composé ? Est ce qu'il est notamment le fruit d'une longue maturité, et de nombreuses idées notées ici et là au fil de tes diverses expériences ?

Erik Karol : Oui... il est probable que cet album est le fruit d'une longue maturité. Accumulée au fil des ans, des galères, des bonheurs et des peines… au fil de la vie. Mais l’écriture de la grande partie des titres est toutefois assez récente. Des chansons ont commencé à naître pendant la tournée avec le cirque comme j'en parlais précédemment avec "My Polyphonic Tree" mais aussi "If Only" ou "Why". D'autres furent écrites juste après comme "El Roce de la Sombra", ou bien encore "Irréel". Un titre comme "Akasha" en revanche fût écrit il y a plusieurs années, mais j’avais le sentiment qu'il devait avoir sa place dans cet opus mais avec de nouveaux arrangements.

Mais dans l'ensemble, les titres de l'album ont été écrits ou développés l'année avant l'enregistrement.

Peux tu aussi nous dire, où, quand, comment à été enregistré cet album, qui est d'ailleurs en fait je pense, ton premier véritable album solo ? (dis moi si je me trompe)

Erik Karol : Oui.. C'est vrai tu ne te trompes pas... Curieusement, c'est mon premier album solo, alors même que j'ai des dizaines voire des centaines de chansons dans les tiroirs. J'ai eu un parcours très atypique, puisque presque toujours en bordure du show biz et des maisons de disque. Mais revenons à cet album... Lorsqu'il y a 3 ans j'enregistrai les parties chantées d'une musique de film composée par Bernard Becker (Nuit Blanche, un film de Daniel Colas avec Michel Galabru au sommet de son art, Nicole Calfan ou encore Anouck Grimberg...Film à ce jour sans distribution..), je fis une très belle rencontre en la personne de Nicolas Boscovic, réalisateur plein de talent, et de plus, multi-instrumentiste. Nous nous sommes rapidement aperçus que nous avions beaucoup de goûts en commun.

Quelques mois avant de lui demander de co-réaliser l'album avec moi, il me proposait pour un de ses projets de chanter un titre intégralement écrit par lui, "Fallen". Je fus complètement séduit, et peu de temps après, nous décidions de travailler sur "Polyphonic Trees". Je décidai d'ailleurs d'y inclure ce titre,"Fallen", que je trouvais très proche de mon univers. Nicolas, au-delà d'être un musicien, un arrangeur et un réalisateur de grand talent, est également une personne rare, avec une grande sensibilité, une personne très saine. Cela était essentiel à mes yeux. J'espère qu'il gardera ce coeur pur, et sa vision de l'art sans concession ...Pour son talent, je n'ai aucun doute !

Nous avons enregistré et programmé beaucoup de choses dans nos home studio respectifs.

Seules les batteries, les parties de violoncelle, et les voix furent enregistrées au studio LCP à Montreuil, en région parisienne. L'album fût achevé complètement au début de l'année.

Moi qui t'ai connu dans les années 80, difficile de ne pas revenir sur le titre "Partir" que j'appréciai à l'époque, et encore aujourd'hui, parce qu'au moins ça se détachait de tout ce qu'on entendait. Que gardes tu de cette époque mais aussi du tout début avec ta période punk ? C'est d'ailleurs assez étonnant, on te croirait plutôt venir d'un univers beaucoup plus classique. Et comment as tu appris la musique, puisque tu assures aussi bon nombre d'instruments ?

Erik Karol : A vrai dire, je regarde cette période avec beaucoup de distance. Bien qu’essayant de regarder la personne et l'artiste que j'étais avec tendresse, j'ai souvent l'impression qu'il s'agit de quelqu'un d'autre ! J'ai eu l'occasion de revoir des interviews ou des télés, et c'est comme si je regardais ou écoutais un étranger...Curieuse sensation... Mais cela dit, je ne renie rien. Quant à ma période punk...C'était vraiment mes débuts avec mon groupe Vie Privée. Nous n'étions pas vraiment punk d'ailleurs. Je n'ai jamais aimé les chapelles, ni les uniformes.... sauf les uniformes d'hôtesse de l'air ou d'infirmière !!! ;)..Mais il est vrai qu'il y avait dans notre musique quelques influences punk, mais pas seulement… Nous aimions les Clash ou les Buzzcocks, mais aussi Joy Division, Bauhaus ou U2, et même Pierre Boulez, Bartok ou Xenakis.. Tu vois.., cela partait déjà dans tous les sens !!

Nous méritions de faire un album, mais nous n'étions pas très bien entourés, et avons fini à cause d'un manque de moyen par nous dissoudre sans que rien ne soit sorti…C'est alors effectivement que peu de temps après je signai un contrat pour sortir le single "Partir". Je trouve maintenant que la réalisation est un peu édulcorée, les premières maquettes enregistrées à l'époque sur un 4 pistes étaient plus "sharp", et plus rock , ce qui à mon sens rendait le contraste plus intéressant avec les envolées vocales du refrain....Pour être franc, je me sens presque plus proche de mes années Vie Privée, que de ma période "Partir".

Par rapport à mon univers, et mon apprentissage de la musique, il est vrai que beaucoup de gens ont pensé ou pensent encore que je viens en droite ligne de la musique classique. C’est complètement faux. Ma culture d’adolescent était essentiellement rock..je veux dire par Rock, ce qui venait de cette culture. Mais j’écoutais Lou Reed et le Velvet Underground bien avant de découvrir Haendel ! Il y avait un piano droit chez moi, tout simple, et ma mère nous avait inscrit ma sœur et moi au conservatoire de Nanterre où j’ai grandi à l’ombre de l’Université… J’ai donc entamé à 8 ans des études de Solfège et de piano vite avortées à 12 ans…J’avais beaucoup de problèmes avec l’enseignement rigide du conservatoire préférant sécher mes cours pour jouer au foot, ma seconde passion !!..Ma première devrais-je dire à l’époque. En revanche, je chantais déjà beaucoup en autodidacte, la plupart du temps des chansons en Anglais dont je ne comprenais pas le sens…Et je noircissais également des pages et des pages de poèmes..

Puis vers 16 ou 17 ans, je me suis remis seul au piano, j’ai composé mes premières chansons, et j'ai commencé à balbutier quelques accords sur une guitare. Mais le grand saut fut vers 18 ou 19 ans, lorsque je devins le chanteur de Vie Privée. Je décidai alors de travailler ma voix, de suivre une formation et c’est là seulement que je me suis ouvert à la musique classique, et plus particulièrement à la musique baroque, Purcell, Haendel, Vivaldi, Pergolesi entre autres. Je me souviens encore du choc que je ressentis lorsque je découvrais pour la première fois le stabat matter de Pergolese. Je fus touché à l’âme. Sur L’album, il est vrai que j’assure quelques parties de clavier, de piano et de guitare, mais je ne me sens nullement comme un véritable instrumentiste.

EK 1-2010© by Kharma Estrany

A partir de ce succès personnel que nous venons d'évoquer, tu t'es rapidement engagé dans de nombreux projets avec plein de collaborations. Était ce alors un choix de ta part plutôt que de continuer une carrière solo ?..Explique nous un peu tout cela...

Erik Karol : J’ai effectivement eu plusieurs collaborations dans les années 90, mais en réalité je n’ai jamais arrêté ma carrière solo. Je suis simplement sorti un peu par erreur de l’autoroute du show biz que je venais juste d’emprunter…et me suis retrouvé sur des chemins de traverse. Durant toute cette période, et ce même si je n’avais aucune existence phonographique, je n’ai jamais cessé de composer de nouvelles choses, ou de faire des concerts à Paris, en Province, ou dans des festivals comme les Francofolies de La Rochelle en 1996. Mais j’avais envie de multiplier les expériences, c’est vrai…Et nombre d’entres elles m’ont beaucoup apporté comme « le Cabaret des Eléments », duo aux frontières du classique et de la chanson à texte, "Millenium Prophety", un duo electro jungle, ou "Chaosmose", un opéra "cybernétique" que je composais et crée par l’argentin Juan Le Parc mais qui fut joué en tout et pour tout une fois à Paris malheureusement !

Toutes ces collaborations furent très enrichissantes, mais pas très formatées je te l’accorde !!

Tu as été l'interprète principal du spectacle "Le cirque du soleil" joué dans le monde entier, durant plusieurs années. Peux tu nous dire comment Erik Karol s'est retrouvé à cette si belle place ?

Erik Karol : Tout d’abord, petite précision d’importance, j’ai été l’interprète et personnage principal d’UN des spectacles du cirque du Soleil. Ce spectacle s’appelait Dralion. Mais d’autres spectacles existent de par le monde et ce depuis plus de 25 ans. D’ailleurs un des spectacles du cirque, Saltimbanco, antérieur à Dralion sera à Bercy au début de l’année 2011. Je me suis donc retrouvé là car j’ai eu en 1997 l’opportunité de chanter dans la grande pomme, à New York, notamment dans la célèbre Trinity Church qui est la plus grande église de Manhattan pour un concert baroque, mais aussi, dans des clubs pour des concerts électro-jungle. C’est là qu’on m’a conseillé de contacter le Cirque du soleil dont je n’avais jamais entendu parler et que je confondis au départ avec le Théâtre du Soleil d’Arianne Mnouchkine. S’en ai suivi une audition à Amsterdam.. et l’année suivante, alors que je ne m’y attendais plus du tout, le cirque me recontactait pour m’offrir le rôle principal dans la dernière production "Dralion" mise en scène par Guy Caron. J’entamais donc une collaboration avec eux qui allait s’étaler de fin 1998 à 2006.

Aujourd'hui, "Le cirque du soleil" s'est définitivement terminé ?

Erik Karol : Est ce que mon aventure avec le cirque du soleil est définitivement terminée ?…A vrai dire, je n’en sais rien..On ne sait jamais..Je me verrai bien y refaire quelques tours de piste comme on dit…Mais ce n’est pas d’actualité.

Lorsque j’ai arrêté ma tournée nord américaine, je pensais déjà que mon expérience avec eux était terminée… Nous étions en 2001…Et puis finalement je suis reparti en tournée avec Dralion en Europe entre 2004 et 2006…Ce qui m’a permis d’ailleurs d’avoir l’immense privilège et fierté de chanter près de deux mois au Royal Albert Hall de Londres… Lorsque je marchais dans les couloirs de ce lieu prestigieux, et que je voyais les photos des artistes qui avaient joué là bas, cela donnait le vertige…Les Beatles…Rolling Stones…Les Who…Frank Sinatra…Karajan…

Pour revenir à l'album, on sent au travers de tes compositions, une ouverture très importante certainement due à toutes ces années à travers le monde. Le chant est tour à tour en anglais, en français et en espagnol. Quand tu commences à avoir l'idée d'une chanson, d'une ambiance, qu'est ce qui fait que tel ou tel titre sera écrit dans une langue plutôt qu'une autre ?

Erik Karol : Je n’ai pas vraiment de règles par rapport à çà… D’ailleurs avant de partir pour les États Unis, j’étais un farouche défenseur de la chanson française..Et à cette époque je me serais refusé à chanter dans la langue de Shakespeare… Et puis…Vogue le navire…On s’en va découvrir d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres langues… d’autres gens...Comme je suis resté près de deux ans aux États-Unis, l’envie d’écrire en Anglais a commencé à poindre naturellement. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais !

Puis je suis venu tourner en Espagne avec Dralion..A Madrid, Bilbao et Seville qui fût ma dernière ville avec le cirque,.

La tournée achevée, j’ai décidé de venir vivre près de Barcelone, où je suis toujours actuellement...

Je ne parlais pas le Castillan alors..Mais je l’ai appris bien sûr, et j’ai commencé à écrire une première chanson en Espagnol, sortie sur l’album du DJ-Producer américain Govinda. Le titre s’appelait "El Sueño". J’allais interpréter ce titre en 2007 à Chicago en première partie des Thievery Corporation. Enfin, il me sembla tout naturel d’écrire deux chansons en Espagnol sur l’album, "Alma Siamesa" et "El Roce de la Sombra". Mais pour revenir plus précisément à ta question, je ne sais pas comment cela se décide..Les Arcanes de la création et ses mystères !

Je suppose d'ailleurs que toutes ces années à voyager ont été très riches. Peux-tu nous citer quelques souvenirs marquants qui te tiennent à coeur ?

Erik Karol : Des souvenirs…C’est une question bien difficile… J’en ai tellement…De mon arrivée à l’aéroport Dorval de Montréal en plein mois de Janvier…La première semaine, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là..Je ne connaissais personne… J’avais tout laissé derrière moi… il faisait des températures situées entre -20 et -30 degrés celsius..Puis le travail entrepris tous les matins à 8h du matin avec cette discipline et cette rigueur toute nord-américaine. La découverte de Montréal, où je garde tant de personnes chères … la première du spectacle… La première fête… il y en eut tant ensuite !!!..la traversée en voiture des États Unis d"Ouest en Est….La Californie… L’Arizona… L’Utah… le Colorado.., des paysages à couper le souffle.. Des fous rires refoulés devant 2500 spectateurs… Les parties de foot le Lundi jour de relâche …La scène partagée jours après jours avec des artistes du monde entier, tous avec un talent hors du commun…Triés sur le volet .. Mais aussi, les moments de solitude, de tristesse, de mélancolie…Car la vie de tournée n’est pas non plus toujours facile.

Je ne sais pas. C’est trop long… un flot d’images qui m’arrivent..je pourrais te citer mille souvenirs…

Erik Karol New CD

On retrouve sur cet album, bon nombre de musiciens, et sur scène, d'autres musiciens sont présents. Peux tu nous les présenter et nous dire pourquoi on ne retrouve pas les mêmes musiciens sur l'album que sur scène ?

Erik Karol : Sur l’album, nous avions décidé avec Nicolas Boscovic de nous partager les programmations, les parties de claviers et les guitares. Comme Nico est bien bien meilleur guitariste que moi, il a réalisé la grande majorité des guitares. Il a également joué les parties de basse. Il nous fallait donc un batteur, et j’ai demandé à Olivier Monteils d’apporter son expérience, sa pierre à l’édifice. Quel plaisir d’avoir une plate forme stable, et néanmoins explosive comme sur la partie instrumentale d’Alma Siamesa…Et puis je voulais absolument du violoncelle et quelques parties de violon sur l’abum…Pour le cello, j’avais une idée fixe… Retrouver Isabelle Sajot avec laquelle j’avais travaillé sur l’album "Chant d’Ether" du Cabaret des Eléments., et qui est une musicienne extraordinaire et une personne à laquelle je me sens très proche désormais... Depuis elle avait tout de même fait de la route et des albums avec Jean Louis Aubert, Noir Désir, ou les Têtes raides..Et j’en passe.. Entre temps, j’étais parti au cirque… et plus de dix ans s’étaient écoulés. Pour le violon... Le choix était également tout fait car j’avais eu la chance lors de mon aventure circassienne de partager la scène avec Davide Rossi, un violoniste de génie. Il m’a fait l’amitié de jouer sur quelques titres entre deux tournées de Goldfrapp ou de Coldplay pour lesquels il arrangea les cordes de l’album "Viva la Vida". Davide a également joué avec Siouxie. C’était évidemment un grand honneur pour moi de l’avoir parmi nous sur l’album.

Enfin, J’ai demandé à Robin Rimbaud aka Scanner, un artiste Londonien dont j’adore le travail depuis longtemps de mixer Harda Vydia. Un des mixs se trouve sur l’album… Deux autres mixs existent ..un autre de Robin et un antérieur que j’avais moi même réalisé. Ceux là sont en réserve de la république !! Scanner est issu de la musique électronique et expérimentale… Je t’invite à découvrir son travail. Moi…Well…I love it.

Bref, là aussi ce fut un grand bonheur de l’avoir sur l’album. Par rapport à la scène, le fait que nous ayons réalisé Nico et moi une grande partie des instruments imposait bien sûr que je m’entoure d’autres musiciens. De plus Nico préfère le travail de studio à la scène. Donc pour préparer mon retour sur scène à l’Européen en Mai dernier, soirée organisée par Qui nous Musique avec également à l’affiche Syan, j’ai fait tout naturellement appel à Olivier Monteils et Isabelle Sajot qui jouaient sur l’album. Et puis comme je suis je crois, quelqu’un de fidèle, j’ai été rechercher deux anciens complices de scène autant pour leur qualité de musiciens que pour leurs personnalités..Olivier Pujol au piano et claviers, et Jean Le Henaff à la basse. Enfin, je venais de rencontrer Paul Solas avec lequel nous avons eu une belle accroche et il s’est chargé avec talent et finesse des guitares…Et le groupe était monté ! Il y a une chose dont je suis très fière, et qui n’est vraiment pas facile à créer, c’est de monter une équipe avec une belle énergie, une magie invisible. Une complémentarité. Une écoute, sans problèmes d’égo. Ça fait du bien…Et je suis heureux d’avoir eu les antennes de réunir ces belles personnes autour de moi. Il est impossible de prévoir ce qui se passera à l’avenir, mais j’espère du fond du coeur que nous aurons l’opportunité de partager beaucoup de scènes et d’expériences. Je le sens bien.. Car l’alchimie fut immédiate.

Le son de l'album est très moderne. Qu'écoutes tu aujourd'hui, ou plutôt comment tes goûts musicaux ont t'ils évolués durant ces 20 dernières années ?

Erik Karol : Je pense effectivement que le son de l’album est moderne, voire par certains aspects novateur..Et je pense avec beaucoup d’humilité que ce disque vieillira bien…Et vieillira tard. Nous verrons..mais c’est une intuition.

C’est aussi la marque de ma collaboration avec Nicolas Boscovic. Nous avons cela en commun, d’être curieux explorateurs, en recherche perpétuelle et nous foutant des cadres, des idées préconçues, et des frontières. J’espère que cela donne au final un album original, personnel. Au niveau de mes goûts, ce serait tellement long et tellement vaste. Toutes ces dernières années, j’ai écouté ou écoute des choses allant de Einstürzende Neubauten que j’aime infiniment, Nine Inch Nails, David Sylvian..J’aime la folie de Diamanda Galas. J’aime beaucoup David Shea ou certains albums d’Alva Noto, J’ai écouté Portishead, Tricky, Massive Attack.. Goldfrapp, Radiohead, Des choses plus électro comme Amon Tobin ou Autechre..Boards of Canada, bien sûr Bjork, Depêche Mode et Dave Gahan,.J’ai bien sûr adoré "Grace" de Jeff Buckley, ou le magnifique "Dust" de Peter Murphy. J’aime beaucoup aussi le travail et la voix d’Anthony and the Johnsons…Des choses plus dures comme Rammstein ou Front Line Assembly..Mais c’est une question bien compliquée car je ne peux te donner une liste exhaustive des choses que j’ai écoutées ces dernières années..Je t’ai donné quelques pistes, mais j’en oublie forcément beaucoup…J’ai la mémoire qui flanche.. ;) . En France, quelle tristesse bien sûr d’avoir perdu Alain Bashung qui restait sur deux albums de très haut vol, "Fantaisie Militaire", et "L’imprudence". J’aime également beaucoup le travail de Rodolfe Burger, Dominique A. , Aaron, Sebastien Schuller ou Syd Matters. J’ai récemment découvert CocoRosie...Comment ne pas évoquer bien sûr les grands anciens..Léo Ferré, ou Gainsbourg. Il y a peu j’ai redécouvert l’immense Immaguma du Pink Floyd première époque avec Syd Barrett.

Donc mes goûts musicaux ont évolués, ou plutôt se sont enrichis au fil des rencontres et des découvertes, mais je prends autant de plaisir à écouter le stabat matter de Pergolesi, que Berlin de Lou Reed ou Fun house des Stooges, ou plus récemment Blow de Ginzhu…Bon..allez j’arrête là..sinon..Je ne vais plus m’arrêter !!

Justement à propos des sonorités et du style, c'est difficilement étiquetable. Peux tu nous définir ta musique ?

Erik Karol : Comme tu le dis justement, c’est difficilement étiquetable. On m’a posé la question tant de fois. Mais je n’arrive toujours pas à y répondre. C’est inclassifiable je crois, et je le dis en toute sincérité. Je considère que cette synthèse d’influences diverses donne un rendu personnel, sans rendre le '"produit" …c’est comme çà qu’on dit ?? ;)… hermétique . Et je pense même qu’au final il y a quelques singles potentiels très forts, et que possiblement l’album peut toucher un large public…Nous verrons..

Alors qu'attends tu de cet album ?

Erik Karol : Déjà… je suis heureux du résultat. Lorsque nous avons entamé la production avec Pamela Shadid, je parle là de l’aspect "executive producers" comme on dit en Anglais, c’est à dire de la production financière, nous avions un budget limité, mais avec nos petits moyens je crois que nous avons pleinement réussi notre pari.

C’était la première chose, en être heureux . Et se sentir prêt à le défendre cœur et âme. Nous l’avons fait sans compromis, avec beaucoup d’écueils, et c’est aussi une victoire. Avoir réussi à tous les surmonter. Ensuite bien sûr, j’espère être rapidement pris en main par un label car même si le métier a considérablement évolué, j’aimerais qu’on puisse le trouver "physiquement" dans les bacs, c’est à dire qu’il soit distribué à l’ancienne dans tous bons disquaires près de chez vous !… et avec la promotion qui va avec bien sûr. Pour l’instant, nous sommes en recherche de pistes sérieuses. En attendant, nous allons organiser une sortie numérique. Mais pour moi ce n’est bien sûr qu’une étape avant une sortie physique de l’album. Et puis, un disque c’est aussi un objet et le projet de pochette réalisée par mon amie, l’artiste plastique barcelonaise Kharma Estrany, est un petit bijou… alors ce serait dommage que l’album soit seulement en vente en téléchargement MP3. On a tous passé des heures à rêver devant des pochettes de disque, ou à lire les paroles des chansons dans les livrets intérieurs… non… ? J’ai plein de souvenirs de rêveries devant des pochettes de vinyl ou des livrets de CD…

2010-Paris-Européén-With Paul Solas-by Emilie Sajot
Comment gères tu justement la sortie de cet album, avec des compositions personnelles. Je suppose que c'est plus excitant que la sortie d'un album comme celui du spectacle du "cirque du soleil" ?

Erik Karol : Bien sûr, comme il s’agit d’un album solo, c’est plus personnel et intime et l’implication n’est pas la même. C’est donc différent de la sortie de l’abum de Dralion par exemple, même si j’ai une immense fierté d’avoir enregistré ce disque au Québec et si j’en garde de merveilleux souvenirs à Morin Heights au cœur des Laurentides..

Avec humour et un peu d’espoir tout de même, j’espère qu’autant de personnes découvriront "Polyphonic Trees"…Mais le cirque a déjà placé la barre bien haut !

C’est donc, il est vrai, plus excitant mais aussi plus difficile et stressant.

Le Cirque du soleil est une multinationale, et moi malgré toutes ces années d’expérience, je suis resté un simple artisan…avec les moyens d’un artisan ! Simplement, pour te donner une idée, le Cd de Dralion, avant même d’être composé, était déjà signé che BMG ! Ce n’est donc bien sûr pas comparable.

On retrouve sur l'album de nombreuses influences, allant du rock à l'électro, voire classique sur un titre comme " El Roce de LaSombra". C'est important pour toi de t'ouvrir autant musicalement ?

Erik Karol : En fait..je ne sais pas si c’est important ou pas… Je ne calcule pas. Je ne réfléchis pas lorsque j’écris ou compose… Je me laisse entraîner . Théoriquement, on pourrait penser que cela part dans tous les sens et que d’un simple point de vue marketing, c’est un peu risqué. Mais à la simple écoute de l’album, je crois qu’on se rend compte instantanément qu’il y a une vraie cohérence. Le seul titre qui "sort" un peu de l’album est "Harda Vydia". La raison en est simple : elle a été arrangée et mixée par Scanner, alors que tout le reste de l’album a été arrangé par Nicolas et moi-même et mixé par Gilles Martin. Mais pour répondre très précisément à ta question, oui, il est me semble naturel et important d’être ouvert et curieux .Une mer ou un océan peuvent-ils être cloisonnés .. ? Non…Pour les sentiments et ce qui nous inspire, pour la création c’est un peu la même chose je pense. Chaque personnalité est cohérente jusque dans ses courants contraires, ses différences ou même ses contradictions. C’est juste un fait. C’est plus ou moins marqué selon les individus, c’est tout. Après, d’un point de vue plus technique, il y a tout le travail sur le son pour lier le tout, et justement rendre l’ensemble homogêne et cohérent. Je crois que nous y sommes parvenus car nous nous sentions animés par cette liberté, et cette ouverture justement.

L'écoute de l'album donne l'impression d'avoir été composé comme un film sur lequel on retrouve diverses ambiances, notamment cet étrange "Crépuscule". Etait-ce voulut ?

Erik Karol : En fait… oui et non…Cela n’a pas été composé réellement comme un film, mais il est juste de dire qu’on y trouve beaucoup d’ambiances cinématographiques, qui évoquent ou réveillent des images chez l’auditeur..Du moins je le crois. Et j’aime çà. Il a fallut ensuite "organiser" l’album et trouver le bon ordre, mais cela fût très facile en fait.

Pour en revenir à "Crépuscule", je suis très fier de ce titre que j’ai composé à base de grilles de square, et de violoncelle ! J’ai hâte de pouvoir le faire sur scène et peut être le développer à cette occasion. Mais il y a d’autres titres très cinématographiques comme "Akasha" bien sûr, "Les Poissons Volants", "El Roce de la Sombra" ou "My Polyphonic Tree".

Sur le titre, "Forbidden scents", l'ambiance est très sombre, fantastique avec des sonorités fantomatiques, la voix est grave. On se croirait dans un univers à la Tim burton. Que racontes tu dans cette chanson ?

Erik Karol : C’est drôle que tu me parles d’un univers à la Tim Burton.sur "Forbidden scents" …oui..peut être un peu, c’est vrai..Déjà vocalement, je chante assez bas, et j’y ai joué mes premiers coups d’archet de scie musicale qui rajoute ce côté fantomatique à la chanson. C’est effectivement un univers un peu fantastique autour de l’imaginaire des vampires. Je crois très sérieusement à leur existence, sauf qu’ils ne se nourrissent pas de sang, mais de l’énergie d’une personne ou d’un groupe de personnes. De l’énergie, donc des âmes. C’est que je dis dans le dernier refrain : "You want it so much…to suck my soul". Il y a donc quelque chose de très fantastique, dark, et tout à la fois très sexuel. Et d’ailleurs l’univers des vampires est assez ..charnel et spirituel tout à la fois. Repoussant et attractif. Glacial et érotique.

C’est l’histoire de cette chanson. Et je n’ai toujours pris aucune substance illicite !!

Par rapport à ta voix ou plutôt tes voix, quel est ton secret ? D'où cela te vient, je veux notamment parler de cette facilité que tu dégages à passer du grave aux aiguës et vice et versa ?

Erik Karol : Par rapport à ma voix…Je ne sais pas vraiment. Adolescent, je chantais seul dans ma chambre et j’ai développé cette voix de haute contre. J’adorais Nina Hagen que j’essayais de suivre dans ses envolées. Puis est apparu Klaus Nomi et son mariage du baroque et de la Pop. Je ne sais pas exactement comment répondre à ta question, mais ce fût toujours important pour moi de ne pas me laisser enfermer dans une boîte, dans une case. Par exemple lorsque je sortis "Partir", je fus un peu facilement étiqueté haute-contre… oui… c’est une de mes particularités vocales bien sûr, mais c’est aussi oublier que je chantais tous les couplets dans ma voix naturelle. Je m’ennuierais à mourir si je devais ne chanter qu’en voix de falsetto, et je m’ennuierai de la même manière si je ne chantais que dans mon registre de baryton. Ce qui d’ailleurs a rendu mon travail avec le cirque si intéressant, je parle là d’un strict point de vue vocal, c’est que j’ai eu la liberté d’utiliser toute ma tessiture couvrant le baryton, le ténor et le contre-ténor. En tous les cas, il ne faut pas croire que cela fût seulement un avantage au cours de ma carrière. Car notre monde, notre société a besoin de formatage, et d’étiquettes justement. Et je crois que je ne suis jamais rentré dans aucun cadre.

Tu as toujours cultivé une certaine image décalée, à la fois romantique, fantastique. Le look semble dans ton univers très important. Pourquoi ?

Erik Karol : C’est étonnant que tu me parles de look, car à vrai dire, je n’y attache plus une importance si grande désormais, et ce n’est pas juste une réponse politiquement correcte ou teintée de fausse pudeur.

Dans les années 80, c’était sans doute too much, mais j’étais loin d’être une exception .. ! Même s’il est vrai que je cultivais beaucoup cette image rockmantique et androgyne. Néammoins, je pense qu’un spectacle doit générer des images chez le spectateur, le faire rêver., sinon autant rester chez soi à écouter un Cd. Donc l’aspect visuel est prépondérant ..Mais je le vois plus dans un cadre de scénographie désormais. C’est d’ailleurs ainsi que j’aimerais construire et développer mes concerts dans l’avenir, avec l’apport de la video, de la danse, des nouvelles technologies… et la fusion avec d’autres arts…Des sortes de performances d’artistes en direct. Uniques à chaque concert. J’ai cela en tête depuis fort longtemps. Et puis, pour en revenir strictement au look, je trouve que la moindre des choses lorsqu’on demande à un public de payer sa place, c’est de ne rien laisser au hasard, et d’être respectueux jusque dans notre manière de nous présenter à lui. A près tout, il s’agit quand même de spectacle vivant ! Qu’on se présente avec des costumes 3 pièces, en robes de plumes, ou à poil…la démarche esthétique ne doit pas être absente d’un concert selon moi, à fortiori si on l’imagine comme un spectacle plus complet.

Quand on voit ton parcours, en tant qu'interprète dans le monde entier, on se dit que tu pourrais avoir une popularité beaucoup plus importante en France, et je trouverais cela très logique et normal. Cela m'amène à dire que je trouve que ton parcours montre un décalage très important avec ce que l'on voit dans les gros médias et notamment ces jeunes loups qui sortent d'émissions télévisées sans album, sans rien, et qui n'ont d'importance que le fait d'être passé à la télé. Qu'en penses-tu ?

Erik Karol : Il est difficile pour moi de répondre… C’est vrai, pour moi il s’agit quand même d’une énigme. J’ai toujours eu la conviction que le public me suivrait, mais sans maison de disque, sans tourneur, sans promo, sans une certaine visibilité dans les médias, ma popularité comme tu dis, s’est trouvée réduite au public que je pouvais toucher avec mes petits moyens.. L’usure a guetté, je dois l’avouer, et avec elle, la tentation de tout plaquer aussi…Et c’est aussi pourquoi, j’ai décidé de m’exiler, pour rechercher un peu de reconnaissance ailleurs. Mais en toute honnêteté, je ne dois pas non plus rejeter toute la faute sur l’autre car j’ai sans doute ma part de responsabilité même si je ne regrette rien. Celle de n’avoir pas forcément fait toujours les bons choix, de n’avoir pas su trouver, pas voulu travailler ou être entouré par les bonnes personnes ou structures à un moment X, celles qui auraient pu m’assurer justement plus de visibilité. Mais c’est aussi ce qui m’a forgé, et ce qui a forgé mon parcours... C’est la vie, et celle-ci suit son cours. J’espère que ce nouveau chapitre me permettra de toucher plus de monde un peu partout. Je ne recherche plus la gloire comme ce fût le cas à mes débuts… J’aspire simplement à faire mon travail un peu plus sereinement, à le rendre intéressant, et bien sûr trouver une résonnance chez les gens. Après bien sûr, si je peux toucher mille personnes plutôt que dix, j’en serai le premier ravi. Mais il est évident qu’être soutenu par une structure, avoir son disque bien distribué, défendu en radio ou en télé, par les médias d’une manière générale, avoir également la possibilité de multiplier les concerts, toutes ces choses dont je n’ai pu bénéficier parfois, sont essentielles pour assurer la pérennité d’un artiste à moyen-long terme. Mais comme je le disais, un nouveau chapitre s’ouvre désormais… ;)

Actuellement l'album n'est pas encore sorti, peux tu nous en dire plus sur une éventuelle date ? D'ailleurs sors t'il sur un label ? Qu'est ce qui est prévu à ce titre ?

Erik Karol : Pour l’instant aucune signature n’est encore prévue. Cela veut dire aucune sortie physique. Mais j’y travaille, et j’espère que nous aurons bientôt des pistes fiables. L’idée est de travailler sur une sortie à l’international, fort de mon expérience à l’étranger. En revanche, une sortie numérique est prévue dans quelques semaines. Et donc le disque sera en vente sur la majorité des plates-formes dans le monde.

Sinon, par rapport à la scène, prépares-tu une grosse tournée ? D'ailleurs ta renommée acquise notamment avec le spectacle du Cirque du soleil, t'emmèneras t'elle aussi sur tous les continents ?

Erik Karol : Pour ce qui est d’une tournée…nous y travaillons.. J’espère que cela sera possible, car comme je te le disais plus tôt, je dispose de petits moyens. Mais j’espère que nous aurons la possibilité de jouer un peu partout… après si on jette un regard dans le rétroviseur, on s’aperçoit que j’ai beaucoup plus chanté à l’étranger qu’en France…C’est peut être un signe.

Je pense que l'on en sait plus à ton sujet, je te remercie pour ta disponibilité, et te laisse donc le mot de la fin :

Erik Karol : Le mot de la fin….Quelle responsabilité.. ! Simplement , je veux te remercier pour ton accueil..ta patience..Ton intérêt suscité par « Polyphonic Trees » bien sûr …ton écoute et ta gentillesse. J’ai sincèrement aimé répondre à tes questions…Et j’espère que je n’ai pas été trop prolixe..Cela ne me ressemble pas.. !! Hasta la proxima vez….

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