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"Gone Baby Gone" : une très bonne surprise

Par Jb
Note : 8/10
S’il y avait bien quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas en ce tout début d’année 2008, c’était d’aller voir un film réalisé par Ben Affleck (oui, oui, l’acteur marié à Jennifer Garner et qui a joué dans Dare Devil ou Pearl Harbor) et qui, en plus, soit bon. Comme quoi les préjugés…
Gone Baby Gone est une réussite à plus d’un titre : d’abord pour un premier film, en plus signé Ben Affleck (relativisons toutefois : railler la carrière hollywoodienne d’Affleck serait un peu facile, ce serait en outre oublier un peu vite qu’il écrivit voici dix ans déjà le scénario de Will Hunting réalisé par Gus Van Sant). Mais, plus fondamentalement, Gone Baby Gone est une excellente surprise pour ses qualités intrinsèques.
D’abord, il s’agit d’une plongée comme seuls les films américains (les bons) savent nous en offrir, au cœur d’une communauté bigarrée (ici Boston) dont le seul point commun est de partager des destins glauques et un peu brisés. C’est peut-être d’ailleurs cette étude intimiste, sociologique, presque poétique et élégiaque tout à la fois, qui fait l’intérêt principal du film, plus encore que l’intrigue elle-même (l’enlèvement d’une petite fille et la tentative d’un couple de jeunes détectives sans expérience mais issus du "quartier" de la retrouver), au demeurant pleine de rebondissements.
Ensuite, le film touche juste par le jeu de ses acteurs, pour la plupart excellents. Casey Affleck bien sûr, dont le physique de jeune premier un peu lisse tranche avec le rôle qu’il incarne, sans que pourtant cet équilibre improbable ne bascule jamais dans le ridicule ou simplement l’invraisemblable ; Ed Harris ensuite, qui est comme souvent plus que convaincant, sans oublier Morgan Freeman (cela faisait un moment que l’acteur n’était plus apparu dans un film policier) dont la rectitude et la probité ne sont jamais remises en doute par le spectateur.
Enfin, Gone Baby Gone séduit par les questions qu’il pose. Ces questions sont sciemment très manichéennes ("qu’est-ce qui est bien ? qu’est-ce qui est mal ?") et chacun des personnages incarne l’une des attitudes possibles face à des choix moraux compliqués.
Par ce procédé très simple voire simpliste, Affleck oblige le spectateur à se positionner et s’interroger sur ce que lui-même ferait ou pense. Adopterait-il une attitude ou un jugement aussi tranché que tel ou tel protagoniste ? In fine, dans quel camp se place-t-il ?
Alors même que le procédé est simpliste, poser ainsi la question revient en fait à faire vaciller nos croyances et, au contraire, laisser la part belle à nos doutes. En ce sens, par cette mise en scène de choix cruciaux et cette esquisse de réflexion morale, le film de Ben Affleck rappellera les questionnements obsessionnels de Clint Eastwood (le parallèle est d’autant plus évident que Gone Baby Gone est au départ un roman de Denis Lehanne, qui est également l’auteur de Mystic River, adapté par Eastwood voici quelques années).
S’il fallait résumer Gone Baby Gone, et lui trouver une morale, peut-être serait-ce la suivante : il ne faut pas se fier aux apparences. C’est vrai pour Ben Affleck lui-même, qu’on n’attendait pas là, c’est vrai pour le principal protagoniste du film, un tout jeune détective de 31 ans que les policiers prennent d’abord de haut et sur lequel personne ne mise un dollar, c’est vrai pour l’intrigue du film, aussi apparemment linéaire qu’en réalité tortueuse et n’ayant, jusqu’au bout, jamais complètement fini de se dérouler, c’est vrai enfin pour le dispositif du film, volontiers dualiste et manichéen en surface mais après tout plus subtil et nuancé qu’il n’y paraît.
Décidément le cinéma américain sait être complexe, narratif, efficace, et puis surtout il sait mettre en scène ses acteurs et les faire évoluer au sein d’une intrigue et de dialogues réussis. Force est de constater que toutes ces qualités, la plupart du temps, manquent au cinéma français.
Que ce soit Ben Affleck qui, cette fois-ci, vienne nous le rappeler ne manque pas d’ironie.

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