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Gibbon’s man

Publié le 28 octobre 2010 par Mameriniak

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Il a mis un pull à col roulé. La Lorraine en octobre, ce n’est pas Bornéo côté températures. Loin de là. Mais pour Chanee, la visite annuelle en France est obligatoire, car c’est dans son pays et en Europe que ce gaillard originaire du Var récolte les dons et les aides pour financer la périlleuse croisade qu’il mène en Indonésie contre le tsunami des monoplantations de palmiers à huile. Devant l’enclos des gibbons du zoo d’Amnéville, l’un de ses plus fidèles et importants mécènes, il a ce regard clair et ce sourire spontané qui ont séduit ceux qui le soutiennent depuis qu’il a débarqué en 1997 en Thaïlande, du haut de ses 18 ans, avec pour seul bagage l’envie de sauver les gibbons. Là-bas d’ailleurs, on l’appelle immédiatement « Chanee » le nom en langue thaï du voltigeur aux bras démesurés qui vit dans la canopée. Désormais, Aurélien Brulé est connu dans toute l’Insulinde sous ce pseudonyme, car le bonhomme a fait du chemin depuis ses longs séjours devant les cages du zoo de Fréjus où il a mûri sa connaissance des acrobates arboricoles. Il ne sait toujours pas d’où vient cette vocation, mais il a su très vite qu’il fallait partir au pays des gibbons pour les aider, tant leur vie ne tient qu’à un fil. La presse locale se fait l’écho de ce drôle d’ado qui a pondu un bouquin sur le « gibbon à main blanche ». L’article tombe entre les mains d’une certaine Muriel Robin. Chanee avait besoin d’une bonne fée, ce sera la comédienne. C’est elle qui lui paie son premier voyage en Asie du Sud-est. Bonne pioche. Après la Thaïlande, Chanee débarque à Djakarta pour convaincre les autorités de l’aider à réaliser une structure d’accueil pour les bébés gibbons que les braconniers revendent sur les marchés comme animaux de compagnie après avoir tué leur mère en forêt. Et ça marche. Le gouvernement lui accorde un site non loin de Palangkaraya, la capitale de la province centrale du Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo. Le Français créé son ONG qu’il baptise Kalaweit, gibbon en langue indonésienne, épouse une Dayak et s’immerge totalement dans sa terre d’adoption. Aujourd’hui, le gamin de Fréjus mesure le travail accompli. Kalaweit dispose de deux centres de réintroduction, l’un à Bornéo, l’autre à Sumatra, qui abritent quelque 250 gibbons. L’association compte 52 salariés, possède une radio FM de sensibilisation sur la cause des singes qui attire 40 000 auditeurs en moyenne quotidienne et gère en outre deux réserves naturelles, l’une de 25 000 ha à Sumatra, l’autre de 5 000 ha à Bornéo. La forêt tombe ou brûle et toute sa faune trinque « Le braconnage a considérablement baissé », se félicite-t-il, mais contre les compagnies de palmier à huile, c’est toujours David contre Goliath. « La déforestation se poursuit plein pot ! On en est à se battre pour protéger les poches de forêt épargnées », dit-il. La mécanique de rouleau compresseur de l’éléis est bien huilée par la corruption, le sport national, et la demande mondiale. La forêt tombe ou brûle et orangs-outans, tigres, ours malais, nasiques, gibbons… toute sa faune trinque. Seule lueur d’espoir dans ce crépuscule de la biodiversité : la prise de conscience des consommateurs européens et de certains distributeurs ou multinationales de l’agroalimentaire. « Une campagne comme celle que Greenpeace a diffusée contre l’huile de palme a fait mal », ajoute Chanee, « les compagnies ressentent les effets du boycott, notamment dans les pays anglo-saxons. Elles parlent maintenant de zones de conservation ». Une goutte d’eau contre l’incendie, mais Aurélien est têtu. Amnéville a reconduit son soutien, sa tournée 2010 de recherche de fonds est encourageante et sa bonne fée Muriel Robin veille toujours au grain.


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