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Le Poids des ombres

Publié le 07 janvier 2008 par Maxime Jobin
Le Poids des ombres

Le Poids des ombres, c'est le poids des illusions de Diane, face aux autres et à elle-même, à l'amour et à la vie. Face à sa mère surtout, Yseult. Yseult la fée, Yseult la réaliste, Yseult la putain. Yseult la mère qui ne l'a jamais aimée. Mais l'âme du livre ce n'est pas Diane. C'est plutôt Yseult, qui, en se jetant du haut d'un pont pour atterrir dans la vase, entraîne avec elle la vie entière de son entourage. Yseult le centre de tout, la passionnée aux paroles crues. Diane, c'est seulement sa fille, son petit pou, qui tourne en rond à la recherche d'un coupable, qui jalousement demande sa mère, devient sa mère.
Les premières pages vous sembleront peut-être un peu longues, mais rapidement la détresse de Diane vous jettera un obscur sortilège. Ce livre vous mènera au fond de votre être et le fouillera, faisant surgir vos illusions, vos barrières et votre néant. Ce n'est pas un livre à lire à la légère : Diane en réfléchissant vous fera réfléchir, en hurlant vous fera hurler. Lorsqu'elle se recroquevillera sur le sol de sa chambre de bain, vous voudrez le faire aussi, vous voudrez sentir la quiétude et le vide qu'elle recherche. Yseult bousculera votre vie, vos peurs et votre routine. Sa définition du sens de la vie voudra occulter la vôtre, s'en emparer, la détruire. Chaque page sera à la fois une torture et une magie sortie des mains de l'auteure. Chaque mot sera un malheur et un bonheur, une lame acérée et des doigts luxurieux sur votre peau.
Le Poids des ombres, ce n'est pas seulement la lourdeur des leurres et artifices de Diane, c'est aussi le poids des fards et des voiles que nous posont nous même sur notre vie.

Le livre n'ayant pas de synopsis, j'ai choisi un extrait qui, selon moi, représente bien l'oeuvre de Marie Laberge :

" Au milieu du noyau qui frappe le trottoir de ses talons hauts, le noyau nommé Diane la non-enchanteresse par sa triste mère Yseult, au milieu de cette poitrine dure et fermée, il y a toute la vase du fleuve amassée dans les poumons d'Yseult. Toute la vase du monde qui remonte à sa bouche à elle, comme un égout tiédi. Et elle ne sait que serrer les dents, fermer sa gorge, son nez, pour contraindre la vase à de pétrifier et à demeurer, comme un bloc solide, au coeur de sa poitrine desséchée."

" Ma mère est morte et j'ai mal à moi, à ma mort. [...] Installez-moi sur la ligne d'horizon, là où ça disparaît, où tout se confond, tout fond. Il doit y avoir une raison. Il faut que ce soit pour quelque chose qu'on se lève tous les matins, qu'on fait sa journée et qu'on se recouche, non? Ça doit soulager quelqu'un, aider? Pour qui, pour quoi je me relèverais d'ici? Juste pour ne pas avoir l'air folle? Juste pour ne pas passer pour l'errante que je suis depuis que je suis née ? "

" On va où quand on ne sait pas pourquoi on est équipé pour aller quelque part? On poursuit quoi, qui, dans ce jeu de colin-maillard qui n'en finit plus de cruauté? "

" Elle ne peut absolument pas retourner à cet endroit. Seulement y penser lui donne des envies de pont Jacques-Cartier. "

" Jalouse de ceux qui la possédaient si totalement, si follement, même si c'était peu de temps. L'extrême abandon d'Yseult à ces fulgurantes passions, l'or en fusion qui coulait loin d'elle, oui elle en était jalouse. "

" L'ennui avec la lucidité, c'est qu'il n'y a pas de contrôle de volume. "


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