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La pensée de groupe et les réseaux sociaux

Publié le 03 novembre 2010 par Rhubarbare

Il est coutumier de penser, dans les cercles d’utilisateurs d’Internet et des réseaux sociaux en particulier, que ces possibilités d’accès à de multiples flux d’information et d’échange sont bénéfique pour l’individu, développent ses connaissances et affûtent son esprit critique. Je le pense aussi, mais…

Selon l’ethnographe Alexandre Enkerli l’utilisation des réseaux sociaux peut développer la phénomène inverse, la pensée unique, par un effet de chambre d’echo. Une particularité des réseaux sociaux est la dominance des des personnes dites d’influence au travers de la répétition à outrance de leurs messages. Une telle personne mettant en ligne une opinion cohérente avec son discours habituel verra son message répété (“partagé sur Facebook ou “retweeté” sur Twitter) des dizaine, centaines ou milliers de fois, alors qu’un utilisateur lambda ne verra que rarement son message répété au-delà de son cercle d’amis ou de suiveurs. Cette effet de chambre d’écho fait indéniablement partie de la construction de la pensée unique, ce d’autant plus auprès d’utilisateurs “branchés” sur des cercles relativement homogène en termes d’opinions. Ce qui est, avouons-le, souvent le cas.

Cette pensée unique se révèle sous les symptômes suivants (source Wikipédia – Pensée de groupe):

  1. L’illusion de l’invulnérabilité : lorsque les groupes se croient intouchables, ils ont tendance à réprimer la dissidence ;
  2. La croyance en la supériorité morale du groupe : lorsqu’un groupe pense qu’il est moral, il a tendance à ignorer sa propre immoralité ;
  3. La rationalisation : un groupe est plus soudé lorsqu’il justifie collectivement ses actions ;
  4. La transformation de l’opposant en stéréotype : lorsqu’un opposant est considéré avec partialité ou avec des préjugés, les affirmations qui contredisent les convictions du groupe sont ignorées ;
  5. La pression de la conformité : une forte pression est exercée sur les individus pour qu’ils s’alignent sur la volonté du groupe et pour qu’ils ne soient pas en désaccord avec lui, sinon ils sont ostracisés, c’est-à-dire écartés des débats, voire sanctionnés ou expulsés ;
  6. L’autocensure : les membres du groupe préfèrent garder leurs opinions divergentes pour eux, plutôt que de déserter le navire ;
  7. L’illusion de l’unanimité : les dissensions internes sont cachées au groupe. Ainsi, elles semblent inexistantes ;
  8. Les gardiens de la pensée : certains membres du groupe s’engagent activement à protéger le groupe de toute dissidence ou information contraire.

Résultat des courses: la pensée binaire “pour ou contre” et l’incapacité de comprendre, voir même de prendre connaissance de l’argumentation inverse. Avec au bout du chemin, le sectarisme et l’intégrisme drapé dans la bonne conscience du sentiment d’appartenir à la majorité.

Comme pour tout outil, le résultat est en grande partie fonction de comment on s’en sert. En matière de réseaux sociaux,  on pourra éviter le piège de la pensée de groupe / pensée unique en s’abonnant à des flux véhiculant des analyses et opinions différentes de celles que nous ingurgitons naturellement. C’est excessivement simple à faire.

Comme le dit Alexandre Enkerli, “Il faudrait s’ouvrir aux gens qui ont des opinions contraires, qui parlent de sujets que l’on connait moins, qui ont des références différentes, etc. Seulement alors, nous pourrons parler de véritable discussion et d’ouverture sur le monde.” 

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