Magazine Beaux Arts

Fresh Hell

Publié le 04 novembre 2010 par Marc Lenot

juda1.1288282665.jpgLa carte blanche donnée à Adam McEwen au Palais de Tokyo (jusqu’au 16 janvier) est une des expositions les plus tonifiantes depuis longtemps dans ce lieu, qui trop souvent ronronne et se referme. Cette fois-ci, l’artiste (que je ne connaissais guère) a rassemblé des oeuvres auxquelles il est sensible et a composé un parcours ponctué de mots clés (de Généalogie à Consécration, puis à Danse Macabre et à Pèlerinage, pour finir par Mescaline et Cimetière) qui, sans trop contraindre, stimulent l’esprit pendant la visite. À l’entrée, les têtes de trois des Rois de Juda, découpées à Notre-Dame en 1793 (et non 1789) et retrouvées emmurées en 1977 : fantômes du passé, réapparition de mémoires enfouies, traces des vandales révolutionnaires et pesanteur historique. voilà qui donne le ton, non à un propos, mais à une sensibilité. On peut être moins sensible à l’accumulation marchande de cageots et de moquettes vertes de Michael Landy, mais la salle quasi funéraire (Danse macabre, Nécrologie, Disparition, Désoeuvrement) au bout de la courbe ne peut laisser indifférent : Gino de Dominicis tente de s’envoler avec obstination (et de faire des ronds carrés dans l’eau…), Ana Mendieta baise avec un squelette et un tirage quelque peu délabré du Flamand Geert Goiris montre le désastre d’une ruine, maison semblant basculer dans l’eau.

Au fond, Bruce Nauman, en compagnie de Frank Owen, montre une quinzaine de coureurs (dont Nauman soi-même en barbu hassidique en Ray Ban) sur un tapis roulant : les corps sautent, les bras bougent comme des pistons mécaniques, les souffles deviennent haletants jusqu’à l’épuisement final. La caméra alterne des plans serrés sur les vêtements qui ballotent, la peau qui transpire, la bouche qui se tord. C’est une course absurde, sans but, sur place, jamais finie, une course-vanité, une sorte de danse macabre. La pièce se nommait d’abord Pursuit (Truth), puis la vérité a disparu, ce n’est plus qu’une Poursuite sans but, sans nom.

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On parcourt ensuite un labyrinthe suspendu où nul ne peut se perdre (Georg Herold, qui connut la prison en RDA pour avoir tenté de passer à l’Ouest), anti-prison transparente et légère, puis on peut jeter sa mémoire, son passé dans la benne à ordure caoutchoutée de Martin Kippenberger (Memorial of the Good Old Times). Rob Pruitt a réalisé une belle partie de jambes en l’air, jambes sans tronc ni pieds, vêtues de jeans dont le bleu s’éclaircit d’un bout à l’autre de la spirale, pièce joyeuse et pétillante (Esprit de Corps).

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Roman Signer fait échapper un modèle réduit d’hélicoptère à la catastrophe (Helikopter auf Brett), Michelangelo Pistoletto présente un portrait de Jasper Johns dont ne subsistent que les deux oreilles : entre les deux, le vide, vide dans lequel plonger, vide à remplir par l’imagination, fuite de l’artiste devant son identification.

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Au fond, pour finir sur ces notes faussement joyeuses, un mur de Yes d’Agathe Snow.

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