Magazine Société

Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc

Publié le 11 novembre 2010 par Chezfab

Mon blog semble avoir alimenté une polémique (bien malgré moi). Heureux de le savoir lu par certaines personnes, et content de voir qu'il sert à quelque chose (un peu d'égotisme, pardonnez le moi). Et surtout à votre demande...

Je publie donc :

En premier la réponse de Martine Billard à la réponse d'Alain Lipietz (suivez un peu !)

En second, la réponse faite par Alain Lipietz à laquelle Martine Billard répond (quoi c'est pas clair ?)

Et je vous laisse jugez des argumentes des uns et des autres (même si je suis bien plus convaincu par ceux de Martine Billard, personnellement).

Bonne lecture amis lecteurs !

******

issu de : http://www.martine-billard.fr/post/2010/11/08/Non%2C-le-Front-de-Gauche-ne-s-oppose-pas-%C3%A0-la-taxe-Tobin-!?pub=0#pr

Non, le Front de Gauche ne s'oppose pas à la taxe Tobin !

Mardi, 9 novembre 2010, 22:26 - Coup de gueule - Lien permanent

Le 20 octobre, le Parlement européen a examiné un rapport de l'eurodéputée socialiste Pervenche Bérès, à la suite de quoi il a voté une résolution "sur la crise financière, économique et sociale : recommandations concernant les mesures et initiatives à prendre (rapport à mi-parcours)." Pour les curieux (et courageux !) le texte complet est en ligne ici Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc, et les votes sont là Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc, pages 180 à 197.

Le vote par les socialistes et les Verts de cette résolution et notamment du paragraphe 77, concernant les retraites, a provoqué quelques remous - et pour cause, le texte ouvre en grand la porte à la retraite par capitalisation ! Alain Lipietz, ancien député européen, et Djamila Sonzogni, porte-parole des Verts, ont choisi d'y répondre par un argumentaire Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc... qui accuse les députés européens du Front de Gauche de s'opposer à la taxation des transactions financières ! Interrogée par un militant qui s'étonnait de telles accusations, j'avais autorisé la diffusion de ma réponse. Elle est en ligne ici Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc, sur un blog que je ne connaissais pas. Me voici maintenant mise en cause sur le blog d'Alain Lipietz Lipietz / Billard ou Billard / Lipietz ben jugez donc, lequel s'obstine dans la mauvaise foi.

Je réponds donc ci-dessous, cette fois publiquement.

  • Sur l'ensemble du texte

La résolution en question contient 224 points. Vu l'ampleur du champ traité (financier, économique et social), le moins que l'on puisse dire c'est qu'on y trouve un peu de tout, y compris des préoccupations sociales. Évidemment pas de remise en cause du traité de Lisbonne, au contraire, et deux grands axes qui ressortent : l'ode constante à la croissance, y compris la croissance verte, ce qui rend encore plus étonnant le vote positif des eurodéputés d'Europe Ecologie, et l'appel répété à des sanctions et à plus de contrôle par la commission européenne des budgets et des politiques économiques des pays de l'Union. Je vous livre quelques extraits dans ce document, si vous voulez vous faire une idée rapide.

Rien que cela déjà justifie, lorsqu'on se réclame de l'écologie, du rejet de la concurrence libre et non faussée et du rejet des politiques libérales menées à l'échelle de l'Union, de rejeter l'ensemble de ce rapport.

  • Sur la taxation des transactions financières

Le cœur de l'argumentation d'Alain Lipietz, c'est qu'en votant contre l'ensemble de cette résolution, les députés européens du Front de Gauche se seraient opposés à la taxe Tobin, autrement dit, à la taxation des transactions financières. Alain se garde de citer le texte. Voici le paragraphe 73, qui renferme le contenu "historique" du texte :

73. recommande la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, dont le produit améliorerait le fonctionnement du marché en réduisant la spéculation et en contribuant à financer les biens publics mondiaux et à diminuer les déficits publics ; considère qu'une telle taxe devrait être établie sur la base la plus large possible, mais qu'à défaut, elle devrait être introduite dans un premier temps au niveau de l'Union européenne ; invite la Commission à produire rapidement une étude de faisabilité intégrant la notion des conditions égales au niveau mondial et à présenter des propositions législatives concrètes dans les meilleurs délais ;

Les ardents défenseurs de cette taxe n'avaient pas demandé de vote différencié sur ce paragraphe. Pour l'adopter, il fallait donc voter en même temps tous les passages consacrant l'ordre institutionnel européen existant, valorisant la croissance, demandant à la Commission de sanctionner les États ayant le mauvais goût de ne pas plier devant l'orthodoxie libérale. Des compromis sont parfois nécessaires, lorsqu'il s'agit d'échanger de vagues symboles contre des avancées concrètes. Qu'est-ce qui était en jeu ici ? Une recommandation s'appuyant sur une invitation à produire une étude de faisabilité. A chacun ses ambitions.

  • Sur les retraites

L'argumentation d'Alain Lipietz sur l'article 77 portant sur les retraites est invraisemblable. En effet, contrairement à ce qu'il laisse entendre, tout fonctionnaire français aujourd'hui peut vivre retraité sans avoir à cotiser en plus à la Préfon, qui est tout simplement une épargne par capitalisation dont la gestion financière est assurée par quatre assurances : CNP, AGF, AXA et GAN. Mais Alain mélange visiblement la situation d'une minorité de fonctionnaires avec la grande masse qui n'a ni assurance vie ni Préfon. Ne parlons même pas des salariés du secteur privé, qu'il oublie visiblement. Il n'y a pas que des fonctionnaires chez les retraités ! De plus, Alain tronque sa citation ce qui lui permet d'inventer que la résolution prévoit que la pondération entre « les 3 piliers » évoluerait dans le sens de la « solidarité intergénérationnelle ». Voici l'intégralité du paragraphe 77 :

77. prend acte de ce que le grand krach éclaire d'un jour nouveau le défi démographique et celui du financement des retraites ; considère que le financement des pensions ne peut être entièrement laissé au secteur public, mais doit reposer sur des systèmes à trois piliers, comprenant des régimes de retraite publics, professionnels et privés, dûment garantis par une réglementation et une surveillance spécifiques destinées à protéger les investisseurs ; considère en outre que les retraites devront être réformées à l'échelle européenne pour contribuer à financer la solidarité intergénérationnelle ; considère que l'allongement de la durée de vie soulève des questions transversales en termes d'organisation de la société qui n'ont pas été anticipées ;

Mais même si ce que décrit Alain Lipietz était réel, on attend de militants politiques, non qu'ils se soumettent au système, mais qu'ils prennent position. Et surtout, aux dernières nouvelles, les Verts n'étaient pas censés avoir pris position pour un système de retraite basé sur trois niveaux : régime de base, complémentaire (AGIRCC, ARCO) et fonds de pension, contrairement à ce que le paragraphe 77 présente comme un modèle à imposer dans toute l'Europe.

Quant à l'idée développée dans le dernier billet d'Alain Lipietz, selon laquelle il s'agirait de protéger les cotisants ayant eu recours à la capitalisation contre les mauvais placements, et dans l'exemple utilisé par lui, contre une éventuelle faillite de la Préfon ou de la MAIF, elle tombe comme un cheveu sur la soupe. Ce que dit le texte, c'est d'une part, que le modèle avec capitalisation est le bon (selon le bon principe libéral : un zeste de filet social pour les pauvres, et la roulette de la bourse pour les autres, à hauteur de leurs moyens), et d'autre part, que les investisseurs doivent être protégés. Quand un fond de pension pratique la vente à la découpe d'un immeuble, il faut protéger l'investisseur contre les locataires qui osent lutter pour garder un toit ? Quand un fond de pension achète une entreprise, pompe toute la richesse et la laisse en faillite, ce sont les intérêts des investisseurs qui priment sur ceux des salariés mis à la porte ? La réalité de la retraite par capitalisation, quel que soit au final son habillage, c'est la lutte de tous contre tous. Et c'est ce modèle de société que nous combattons.

On aurait pu penser que Les Verts/EE nous refaisaient un coup similaire à celui qui les a amenés à voter en faveur de la résolution sur Copenhague , au nom du moindre mal, malgré l'ode au nucléaire. Or cet article sur les retraites a été soumis à un vote séparé, et tous les députés Verts/EE européens ont voté pour ! Ce que se garde bien de dire Alain Lipietz.

Vote spécifique sur les retraites donc, mais pas sur l'hypothétique taxation des transactions financières. Si un vote séparé avait été proposé sur cette dernière proposition, les députés du Front de Gauche auraient voté pour et ensuite contre l'ensemble de la résolution. La mauvaise foi d'Alain est donc totale et ne s'explique que par l'embarras et les remous que suscitent en interne des Verts le vote des députés européens.

Et pour cause : quand les Verts siègent au Parlement Européen, ils votent pour des systèmes de retraite avec fonds de pension. Lorsqu'ils sont en France, ils sont contre ! Alors soit les députés européens Europe Ecologie ont des positions différentes des positions du parti Vert, mais il faut le dire, soit il y a de quoi se poser des questions sur la schizophrénie en cours !

En conclusion

Oui, mille fois oui, les députés du Front de Gauche ont eu raison de voter contre le paragraphe 77 et globalement contre la résolution.

Annexes

  • Extraits_resolution_Beres.pdf

*****

Issu de : http://lipietz.net/spip.php?article2592

A nouveau le vote des Eurodéputés Verts sur la retraite par répartition : réponse à Martine Billard.

***
Les militants du Front de Gauche sont assez embarrassés que leurs eurodéputés aient voté contre la Taxe de Tobin, dans une résolution du Parlement européen (qui est passée quand même , ouf !). Il faut donc expliquer que la résolution était par ailleurs très mauvaise. Après Jacky Hénin, c’est Martine Billard qui s’y colle.
Jacky Hénin (eurodéputé PCF) avait prétendu qu’en la votant, Europe Ecologie avait voté « contre la retraite par répartition et pour le soutien à Sarkozy » (voui, voui, vous avez bien lu). Accusation ridicule à laquelle Djamila Sonzogni et moi avions répondu ici..


Martine Billard essaie maintenant de nous faire croire qu’Europe Ecologie n’avait pas lu le reste du texte, et tente maladroitement de revenir sur le fameux § 77 à propos de retraites, au risque de paraître condamner à la faillite les cotisants de la Préfon et de la Maif ! (Désolé, je n’ai pas trouvé le texte de Martine sur son blog, je vous le cite tel qu’il circule, par exemple ici, à la date du 01/11/2010)

Bon, allez, on arrête et se bat ensemble pour sauver les retraites et faire passer la taxe de Tobin, d’accord ?

Voici ma Réponse à Martine. Le débat sur ce texte a lieu sur mon forum de blog, ici.

Chère Martine,

Nous avons assez milité ensemble depuis 35 ans, et assez fait de meetings ensemble ces dernières semaines contre la « réforme » des retraites Sarkozy-Fillon, pour que je puisse m’étonner de ta stupéfiante défense de Jacky Hénin. J’aurais plutôt attendu de toi un coup de fil à Hénin pour lui dire d’arrêter ses bêtises et ses tentatives de casser le front de lutte contre cette réforme indigne : accuser Europe-Ecologie de voter « la fin de la retraite par répartition et le soutien à la politique de Sarkozy » !

Tu as assez d’expérience pour savoir que tout ce verbiage sur la longueur du texte, la croissance verte et autres fioritures sans contenu précis ne fait que couvrir le rejet de la taxe de Tobin par les eurodéputés du Front de Gauche, et pour savoir que je le sais et que je sais que tu le sais. C’était un des rares points précis et à portée d’initiative législative dans cette résolution, et tes amis ont voté contre. C’est moins grave qu’en février 2000, puisque le texte est passé, et nous n’aurions même pas commenté si Hénin, pour masquer son erreur , n’avait grossièrement attaqué Europe Ecologie sans aucun souci du maintien de l’unité au sein des Collectifs Retraite. Même sur des points très délicats, Front de Gauche et Europe Ecologie soutiennent ensemble, en France, des positions non-démagogiques, comme en témoigne la convergence entre Claude Debons et moi au Forum Social de Vichy (cf http://lipietz.net/?breve=405 )

Quant à la non-remise en cause du traité de Lisbonne (qui est le traité en vigueur, et la résolution ne portait pas sur la prochaine réforme constitutionnelle !), c’est un peu comme si tu rejetais une résolution à l’Assemblée nationale sous prétexte qu’elle ne remet pas en cause la constitution de la 5e République !

Je ne discuterai pas ici les articles que tu cites en exemples négatifs, sans dire ce qui te gêne en eux. On y devine sans doute des traces de nos vieilles divergences pour ou contre des Etats-Unis d’Europe, mais ce n’est pas le sujet, et comme tu ne commentes pas, je ne vais pas te faire de procès d’intention. Pareil pour ta condamnation du « partenariat public privé » dans la mise œuvre de la conversion verte, qui semble condamner et les sociétés d’économie mixte et la planification écologique : cela mérite discussion, mais c’est une autre sujet.

Le sujet, c’est que Jacky Hénin, pour couvrir la trahison de la taxe de Tobin, accuse Europe Ecologie d’avoir voté, avec l’article 77, la suppression de la retraite par répartition. Pour démontrer qu’Europe Ecologie a voté la fin de la retraite par répartition, tu contestes seulement deux points de notre réponse à Hénin :

- nous aurions cru que cotiser à la Préfon était obligatoire ( !! ). Bien sûr que non, et c’est pourquoi la Préfon ne peut être quen capitalisation.

- nous n’aurions pas lu l’ensemble de l’article « retraites » de la résolution ( !)

Alors commençons par lire l’article 77 :

« 77. prend acte de ce que le grand krach éclaire d’un jour nouveau le défi démographique et celui du financement des retraites ; considère que le financement des pensions ne peut être entièrement laissé au secteur public, mais doit reposer sur des systèmes à trois piliers, comprenant des régimes de retraite publics, professionnels et privés, dûment garantis par une réglementation et une surveillance spécifiques destinées à protéger les investisseurs ; considère en outre que les retraites devront être réformées à l’échelle européenne pour contribuer à financer la solidarité intergénérationnelle ; considère que l’allongement de la durée de vie soulève des questions transversales en termes d’organisation de la société qui n’ont pas été anticipées »

On ne voit pas où est demandée la fin de la retraite par répartition ! Cet article décrit effectivement la variété des situations en l’Europe où se combinent trois types de retraites, et il recommande en fait deux choses.

La première est demande de réformer à l’échelle européenne dans le sens de la solidarité intergénérationnelle, donc dans les sens de la répartition et du système public ( à moins que tu ne penses que la capitalisation, c’est de la solidarité intergénérationnelle ??). C’était l’essentiel de notre réponse à Hénin ( http://lipietz.net/spip.php?article2589 ). De ce point de vue , nos eurodéputés ont eu parfaitement raison de le voter séparément ce §.

Tu nous reproches ensuite d’avoir omis la seconde recommandation : que l’Etat devrait « surveiller et garantir » aussi les régimes professionnel et privés (type Préfon et assurance vie). Alors là, c’est un comble ! Tu sais très bien que c’est justement parce que la Préfon ou l’assurance vie sont des formes de retraite facultatives, fondée sur l’épargne-retraite non obligatoire, qu’elles ne peuvent pas fonctionner à la répartition, mais en capitalisation. Tu considères donc que ces formes d’épargne retraite ne doivent être ni surveillées ni garanties par l’Etat !

Tu veux dire que si la Préfon, ou une assurance vie Maif, venait à faire faillite, l’Etat, qui est venu au secours des banques sous prétexte de sauver les déposants, ne devrait ni surveiller les placements de la Préfon et de la Maif, ni offrir de garantie à leurs "investisseurs" (c’est à dire leurs cotisants) ? Le Front de Gauche va peut-être expliquer ça dans son programme pour 2012 ?

Allons Martine, un peu de sérieux. Les euro-députés du Front de Gauche ont fait une connerie en votant contre la taxe de Tobin, ça arrive à tout le monde et personne n’en aurait fait une pendule, ce n’est pas une raison pour mettre le souk dans les Collectifs unitaires retraites, afin de déployer un écran de fumée.

Bises.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Chezfab 4794 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine