Quand le petit quitte le nid

Plus démesurée que l’immensité céleste. Plus inexplorée que les anfractuosités terrestres. Il existe une contrée qu’aucune frontière ne peut délimiter. Je veux parler du cœur d’une mère. Et de son incommensurable capacité d’aimer. Ses dépôts d’amour riment avec toujours. Et ses retraits avec jamais.

Une maman. Quel abonnement permanent au canal parent!

Comme nous les aimons, nos rejetons! Dès que nous leur voyons la mignonne binette, un seul désir, les envelopper de notre étreinte douillette. Puis, en un battement de cils imprévisible, ils quittent notre tutelle pour déployer leurs ailes. Et voler vers cet endroit où la vie attise le flambeau de leurs passions.

Soudain, comme il est vaste, ce havre coquet aménagé d’attentions pour abriter notre postérité! Comme il est vide, ce cocon duvet rembourré d’affection pour dorloter notre couvée! Que s’est-il passé?

Nos petits nous disent qu’ils ne sont plus des enfants. Pourtant, ils ont beau avoir l’âge qu’ils ont en ce moment, pour nous, ils ont tous les âges en même temps. Notre mémoire maternelle contient de leur histoire toutes les images.

Dans le regard de notre trésor, nous voyons de toute sa vie les visages. Poupon, bambin, gamin, adolescent, adulte… fou ou sage. Derrière ses sourires et ses grimaces, nous savons capter de ses pensées la moindre trace.

Pour cette chair de notre chair, nous sommes capables d’endurer à sa place calvaires et misères. Nous priver pour le combler. Nous effacer pour le voir briller. Nous savons accepter ses choix, même si nous ne comprenons pas.

Nul ne peut rompre ce cordon infini qui nous unit à notre petit.

Dès qu’il connaît cet amour-là, notre cœur devient irrationnel. Il bascule dans un monde intemporel. Et n’obéit plus aux mêmes lois que le commun des mortels.

Et le miracle se produit. Nous comprenons que notre petit est un adulte accompli. Qu’il n’est plus la personne sur qui l’on pouvait projeter nos attentes et fantasmes. Qu’il est devenu un être à part entière. Libre, unique et fier.

Nous acceptons qu’il a tous les droits. De nous comprendre ou pas. De nous accepter ou pas. De nous contester ou pas. Et d’en parler ou pas.

Cela nous détend de le savoir indépendant et autonome. De le voir assumer la pleine responsabilité de sa destinée. De le savoir heureux sous d’autres cieux.

Nous voilà au centre de notre vie. C’est à notre tour d’honorer notre autonomie!

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