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Académies - Avoir de l'esprit.

Par Richard Le Menn

wuiet Photographie 1 : Gravure de la fin du XVIIIe siècle : « Mlle Caroline Wuïet Pensionnaire de la Reine, et Membre décoré de l’Académie des Arcades. » Composé par Muncian d’après le portrait de Mr. de Romany [sans doute François Antoine Romany - vers 1756 - 1839]. Gravé par Vangelisty (graveur de la fin du XVIIIe siècle et début XIXe). Dimensions : 26,2 x 21,9 cm. Caroline Wuiet baronne d'Auffdiener (I766-I835) est née en France. Romancière et compositeur elle a écrit par exemple : Esope au bal de l’opéra ou Tout Paris en miniature (1802). L'Académie des arcades ou plutôt des arcadiens, est une société littéraire fondée à Rome par Christine de Suède en 1690. Chaque membre y prend le nom d'un berger d'Arcadie, comme Mme Duplessy qui est agréée en qualité de pastourelle, sous le vocable de Bérénice, et reçoit à titre d'apanage la province d'Argolide.
'Avoir de l'esprit' est une notion primordiale de la courtoisie et de la galanterie française. Enfin surtout avant le XXe siècle. On trouve encore des traces de cela dans l'humour anglais dénué cependant de toute sensualité si ce n'est celle du plaisir qu'il procure. Avant de devenir tel qu'il est aujourd'hui, c'est à dire la plupart du temps très gras, l'humour français est tout aussi fin bien que différent. Avant le XIXe siècle, en France, avoir de l'esprit est une chose primordiale pour toute personne de qualité. Il existe un véritable 'esprit français' teinté de galanterie, de plaisir et de finesse présent particulièrement dans les cercles et autres ruelles du XVIIIe et des siècles précédents. Cet 'esprit' s'exprime aussi à travers les académies. Les écrits de Platon qui est à l'origine de la première académie, sont pleins de celui-ci. Nombreux sont les subtils et plaisants traits d'humour qu'on peut y lire …
Depuis l’Académie de Platon, fondée à Athènes en 387 avant J.-C., de nombreuses autres académies se sont formées, en particulier à l’époque moderne à partir de la Renaissance.
voiture300 Photographie 2 : « Vincent Voiture de l'Académie française né à Amiens et mort à Paris dans un âge fort avancé. Gravé par E. Desrochers [Etienne-Jehandier Desrochers (1668-1741)] à Paris chez Daumont rue St. Martin. En prose ainsi qu'en Poésie D'un Style délicat et fin ; Dans ses écrits Voiture allie Le tendre et le galant, le Simple et le badin. » Il est intéressant de noter que celui-ci n'a rien publié de son vivant alors que sa notoriété de poète auprès de ses contemporains est considérable. Il est un fait que l'esprit est une chose bien vivante qui peut très bien se passer de l'écrit ; même si celui-ci permet une transmission partielle à travers les âges.
Lorsque le cardinal de Richelieu fonde l'Académie française en 1635, c'est en s'inspirant des cercles des précieuses qui discutent sur les termes de la langue française. Mais  les femmes n'y sont pas admises (ce qui est injuste lorsque l'on sait leur travail pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui) ; et ce sont de nombreux habitués de leurs lumières qui sont parmi les premiers représentants de l'Académie française, comme Vincent Voiture (1597-1648), Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654), Jean Desmarets de Saint-Sorlin (1595-1676), Jean Ogier de Gombauld (1576-1666), Claude Malleville(1597-1647), Antoine Godeau (1605-1672), Philippe Habert (1605-1637), François Maynard (1582-1646), François de Cauvigny sieur de Colomby (1588-1648), Marc-Antoine Girard sieur de Saint-Amant (1594-1661), Claude Favre de Vaugelas (1585-1650), et sans doute d'autres.
Gilles Ménage (1613-1692), plus jeune que Vincent Voiture, est aussi un habitué des précieuses. Molière s'est inspiré de lui pour écrire le personnage de  Vadius de sa pièce Les Précieuses ridicules. Malgré ses entrées dans ce monde galant et des écrits comme son Dictionnaire étymologique ou Origines de la langue française,  il n'est jamais élu membre de l'Académie française.
menage300 Photographie 3 : « Gilles Menage Poète et grammairien français de l'académie de Crusca établie à Florence né à Angers l'an 1613 mort à Paris l'an 1692 âgé de 79 ans. E. Desrochers fecit et excudit rue du foin près de la rue St-. Jacques à Paris. Soit injustice soit envie Menage dans l'académie Ne put jamais être reçu Mais ses ouvrages font connaître Que jamais homme n'a mieux su Ce qu'il faut Savoir pour en être. »
Pour finir voici un extrait du chapitre intitulé 'De la Mode' des Caractères de Jean de La Bruyère (1645-1696) élu à l'Académie française en 1693, dans lequel il est question de l'esprit fin de Vincent Voiture et de Jean-François Sarrasin (1614-1654) ami de Gilles Ménage : « Voiture et Sarrazin étaient nés pour leur siècle, et ils ont paru dans un temps où il semble qu'ils étaient attendus. S'ils s'étaient moins pressés de venir, ils arrivaient trop tard ; et j'ose douter qu'ils fussent tels aujourd'hui qu'ils ont été alors. Les conversations légères, les cercles, la fine plaisanterie, les lettres enjouées et familières, les petites parties où l'on était admis seulement avec de l'esprit, tout a disparu. Et qu'on ne dise point qu'ils les feraient revivre : ce que je puis faire en faveur de leur esprit est de convenir que peut-être ils excelleraient dans un autre genre ; mais les femmes sont, de nos jours, ou dévotes, ou coquettes, ou joueuses ou ambitieuses, quelques-unes même tout cela à la fois : le goût de la faveur, le jeu, les galants, les directeurs, ont pris la place, et la défendent contre les gens d'esprit. »


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