A propos des Mémoires politiques et de Ramsès II

Je lis un des tomes des Lieux de mémoire de Pierre Nora. Pierre Nora y insère un texte sur les mémoires d'Etat (ou Mémoires politiques) :

Saint Simon, Philippe de Comynes, Charles de Gaulle en sont des exemples : aujourd'hui, les choses ont quelque peu changé car n'importe qui ...

...écrit des Mémoires, éventuellement les publie, encore plus éventuellement les vend, et même parfois est lu.

Je trouve cette citation, qui renvoie à la bataille de Ramsès II, mais aussi à la communication opérationnelle et la diplomatie publique :

"Il n'y pas de bataille perdue qui ne se regagne sur le papier".

C'est signé Albert Sorel, in "Histoire et mémoires, Minerve, 15 janvier 1903 (d'après la citation de P. Nora, que je n'ai pas vérifiée).

Certes, il s'agit là de discours de l'écrit et ces propos peuvent perdre la force de leur sens originel. Mais ils contiennent une vérité qui dépasse le support. Il ne s'agit pas simplement de propagande, ni même d'opérations d'information. Il y a aussi quelque chose de plus profond sur la nature de la guerre.

Celle-ci est un dialogue. Certes un affrontement des volontés, et celui qui perd est celui qui accepte de perdre, mais qui surtout dit qu'il a perdu. Dans Ramsès contre les hittites, on ne sait pas qui a gagné la bataille de Qadesh (voir billet). Tout dépend de qui écrit la bataille. La victoire ne se décide pas seulement à l'issue de l'encre des traités de paix, mais aussi à l'encre stylographe ou audiovisuelle, des journalistes, des publicistes et des écrivains qui raconteront la bataille et son sort.

Si la bataille fit des héros, le sort à besoin de hérauts.

Réf : une fiche de lecture des lieux de mémoire ; pour le consulter en librairie, ici.

O. Kempf