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La mort de l'intérêt personnel

Publié le 19 novembre 2010 par Alain Bagnoud

MurBerlin.jpgC’était clair dans les années 90: les idéologies, c’était fini. On avait eu la chute du mur de Berlin l’effondrement du communisme, on se retrouvait avec un mode de fonctionnement qui n’était plus une science des idées mais une nature: le libéralisme.

L’échange, le marché, le renvoi de tout à la norme financière, l’intérêt personnel, c’était cohérent, évident, normal, nous disait-on. L’homme y tendait automatiquement.

Avec ça, se développait quelque chose que les moralistes déploreraient: l’individualisme, l’égoïsme. Les hommes semble-t-il, ne pensaient plus qu’à leur profit.

Eh bien, cette période, c’est terminé.

Je l’ai déduit en m’interrogeant sur les motivations des électeurs suisses, qui votent systématiquement contre leurs intérêts. Prenons déjà les soutiens aux partis.

La grande majorité de ceux qui suivent l’UDC, parti d’extrême-droite agrarien, vient du peuple. Or, la politique économique de ce parti les appauvrirait fortement. Même chose avec les électeurs du Parti socialiste: les pauvres, qu’ils défendent, ne votent pas pour eux, et c’est la classe moyenne qui les soutient. Cette classe moyenne, pourtant, serait défavorisée si les principes du PS étaient appliqués en bloc.

Même chose encore avec les deux initiatives qui seront votées le 28 novembre en Suisse.

Les derniers sondages montrent que la majorité du peuple va refuser l’initiative populaire «Pour des impôts équitables.» Elle demande l’introduction dans la Constitution fédérale de dispositions minimales concernant les barèmes et les taux d’imposition des personnes physiques, ainsi que l’interdiction des impôts dégressifs.

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Or, si je cite les arguments du comité interpartis qui soutient l’initiative: « Seul 1% des contribuables helvétiques – les plus aisés, établis dans les paradis fiscaux de Suisse centrale - seront touchés. Grâce à l’initiative, les 99% restant profiteront d’un allégement de la charge fiscale globale, mais aussi du rétablissement de la justice devant l‘impôt. »

On retrouve le même paradoxe en ce qui concerne l’initiative dite « sur le renvoi des étrangers criminels » qui exige le renvoi automatique des personnes étrangères condamnées, indépendamment de leur statut et de la gravité de l’acte commis.

Xénophobe, contraire aux normes fondamentales des droits humains, inapplicable même, cette initiative va, selon les sondages, être plébiscitée par le peuple. Or elle fera de la Suisse la honte de l’Europe et rendra nos rapports avec les autres pays très délicats.

Conclusion: là encore, les gens votent contre leur intérêt. L’égoïsme, on le voit, c’est terminé. On est bel et bien revenu à cette chose qu’on avait annoncée comme définitivement morte: l’idéologie.

Et je me demande, tout compte fait, si l’intérêt personnel, ce n’était pas mieux...


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