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La Halde bientôt dans les poubelles de l’histoire ?

Publié le 22 novembre 2010 par Lecriducontribuable
Campagne publicitaire de la Halde dans le métro parisien

Cela fait quelques mois maintenant que l’on redoute la disparition de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). A charge contre cette autorité administrative indépendante (AAI) : la mauvaise gestion des deniers publics. Créée sous Jacques Chirac par la loi du 30 décembre 2004, la Halde coûte aujourd’hui 12 millions d’euros à la collectivité contre 3,2 millions en 2005. Conséquence inévitable d’une hausse subite du nombre de discriminations dans la France de Nicolas Sarkozy ? Oui, répondent les associations de lutte contre les « discriminations ». Il n’empêche : la Halde est gourmande. Et ce n’est pas son seul tort.

Cette rentrée 2010 aura été noire pour la Halde. La Cour des comptes, les députés Christian Vanneste, René Dosière, Véronique Besse, Richard Maillé, la vice-présidente du Front National Marine Le Pen, et même le très médiatisé Eric Zemmour : tous ont apporté leur pierre à l’édifice, ou plutôt en ont enlevé, car la Halde pourrait bien disparaître et voir ses missions confiées au Défenseur des droits, conformément au projet de loi déjà adopté par le Sénat et qui sera examiné le 13 décembre à l’Assemblée nationale.

Dès le mois de mai, la Ligue des Droits de l’Homme prenait la défense de la Halde, accusant la majorité parlementaire de s’attaquer indirectement aux victimes de discriminations. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) saluait quant à lui les « prises de position toujours juridiquement fondées et souvent courageuses » de la Halde, dont la suppression « constituerait une régression de la protection des libertés et un recul démocratique » (sic).

Les critiques envers la Halde sont pourtant raisonnables : elle coûte cher à la collectivité.

Épinglée une première fois en septembre par la Cour des comptes, la Halde avait dû s’expliquer sur le montant de son loyer annuel. Situé rue Saint-Georges dans le IXe arrondissement de Paris, le siège de la Halde absorbe chaque année 1 831 952 euros pour 2304 m², soit 795 euros le m², contre 308 dans la rue voisine. Avant d’entrer au gouvernement comme ministre de la Jeunesse et de la vie associative, Jeannette Bougrab, successeur de Louis Schweitzer à la présidence de la Halde, avait entamé un bras de fer avec le groupe immobilier Unibail pour renégocier le montant du loyer. Mais pourquoi diable la Halde gaspille-t-elle notre argent rue Saint-Georges quand elle pourrait faire des économies dans le XIXe arrondissement, ou même en banlieue Nord ? Les AAI nourriraient-elles, comme le bas peuple, des préjugés à l’encontre des noirs et les arabes ?

Le rapport de la Cour des comptes ne s’arrête pas là. Il y est fait mention de dépenses mirobolantes en matière de communication : l’année dernière, les contribuables français ont payé 6,2 millions d’euros pour s’entendre dire qu’ils étaient tous suspects. 6,2 millions pour faire la propagande d’un organisme en proie aux conflits d’intérêt : la Cour des comptes a en effet révélé que seulement 3 des 11 membres du collège de la Halde ont établi leur déclaration d’intérêt après leur nomination. On laisse vraiment entrer n’importe qui chez les apôtres. Ce constat s’est vu confirmé début novembre par les députés Christian Vanneste et René Dosière, qui ont réalisé une étude faisant ressortir le manque de transparence d’AAI devenues trop nombreuses, trop développées et trop dépensières, et appellent de leurs vœux un contrôle parlementaire sur des administrations en vérité moins indépendantes qu’inconséquentes.

C’est dans ce contexte propice au sacrifice des vaches sacrées que s’inscrivent les restrictions budgétaires – certes dérisoires – imposées à la Halde dans le cadre du projet de loi de finances et la proposition de loi visant la suppression de la Halde déposée par le député MPF Véronique Besse.

Au-delà du gaspillage : l’illégitimité d’une institution liberticide

Pour Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’Homme, « on peut habiller tout ça sous une question de vertu financière, cela ne trompe personne ». Et il a raison.

Si l’argument financier présente l’avantage de contourner la difficulté politique en situant le débat sur le terrain moralement plus acceptable des dépenses publiques, il a l’inconvénient de passer sous silence le nœud du problème, à savoir : les pouvoirs et les moyens octroyés à une poignée de censeurs chargés non pas de protéger les libertés, mais d’en corriger les effets dits pervers.

La position de ce que l’on qualifie par convention d’extrême-droite sur le sujet n’est certes pas une bonne nouvelle pour ceux qui en appellent au bon sens davantage qu’à l’identité nationale. La vice-présidente du FN Marine le Pen a récemment mis en évidence la « structure politique et totalitaire » de la Halde — qu’elle qualifie d’association parasite et communautariste. C’est difficilement contestable. Le malheur, c’est qu’une telle vérité sort de la bouche d’une pestiférée politique, ce qui renforce nécessairement l’hypocrisie de l’argument financier, perçue comme un abri anti-atomique par ceux qui craignent d’être assimilés à l’extrême-droite.

On se presse de dénoncer la gabegie, mais pour rien au monde on n’oserait dire que dépensière ou non, la Halde menace notre liberté. C’est plus qu’une question d’argent. C’est une question de droit.

Quelle est, en effet, la finalité de la Halde ? La lutte contre les discriminations généralement identifiées comme étant raciales, religieuses, et sexuelles. Or pourquoi la discrimination, en tant que comportement, est-elle moralement condamnable ? Pourquoi dit-on d’un employeur qu’il fait de la discrimination quand il refuse d’embaucher un candidat à cause de sa couleur de peau, de ses croyances religieuses, de son genre ou de son orientation sexuelle ? Parce qu’en tant qu’employeur, il est censé ne juger le demandeur d’emploi que selon ses compétences.

Ce qu’est la discrimination

Or, les 87 employés de la Halde l’ignorent peut-être, mais la discrimination ainsi définie est loin de ne nuire qu’aux « minorités visibles ». Chaque jour, les employeurs embauchent ou refusent d’embaucher des candidats pour des raisons n’ayant strictement rien à voir avec leur CV. Les chômeurs longue durée, qui souvent ne savent plus quel masque porter pour inspirer confiance à leur interlocuteur, sont bien placés pour savoir que la personnalité, le comportement, l’élocution, le choix des vêtements peuvent peser lourd dans la balance. L’employeur a, comme tout le monde, ses propres préjugés, qui ne sont pas forcément ceux contre lesquels s’acharnent la Halde et autres associations. Une ligne de trop sur le CV, même flatteuse, peut être fatale au demandeur d’emploi. Dans cet océan d’appréciations dictées par le « feeling », la discrimination raciale n’est qu’une goutte d’eau.

Que fait la Halde contre cet arbitraire omniprésent et invisible ? Rien, et c’est tant mieux, puisque la discrimination n’est rien d’autre que la capacité de l’individu à faire librement des choix qui par définition peuvent être bons ou mauvais. Mais dans leur 2304 m² de la rue Saint-Georges, les chevaliers de la table ronde s’en moquent, qui ne reconnaissent comme victimes de discrimination que les représentants des minorités visibles. Et c’est pourquoi il existe aujourd’hui deux formes de discriminations : l’une nuisant aux minorités visibles et regardée comme un fléau, l’autre se confondant avec des appréciations générales, et n’étant donc prise en compte par personne.

Faire des erreurs est un droit. Se sentir persécuté aussi. Mais qu’on ne demande pas au contribuable de mettre la main à la poche : si les amis de la Halde tiennent tant à perpétuer ce culte de l’épuration érigée en humanisme, rien ne les empêche de se cotiser pour rendre son sens premier au mot « indépendance ». Car la Halde doit disparaître, et elle disparaîtra.

Nils Sinkiewicz

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