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L’hypocrisie de la lutte contre l’immigration clandestine

Publié le 12 janvier 2008 par Willy


par Olivier Fourès
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Dans son dernier film, It’s a free world, actuellement sur les écrans français, Ken Loach dénonce une fois plus le cynisme des pays riches qui, tout en luttant officiellement contre l’immigration clandestine, la tolèrent pour des raisons économiques et démographiques.

It’s a free world , le dernier film de Ken Loach est une double réussite.

D’un point de vue cinématographique, les acteurs y sont très convaincants, la direction excellente et le scénario tient la route si l’on pardonne quelques scènes un peu exagérées.

Du point de vue de la critique sociale et de la réflexion qu’il suscite, ce film est saisissant. Il dénonce l’hypocrisie des politiques de luttes officielles contre l’immigration clandestine et révèle le consentement tacite des gouvernements, des entreprises et indirectement des consommateurs à tolérer une main d’oeuvre immigrée pour maintenir les prix des biens et services à la baisse et faire face à la pénurie d’emplois dans certains secteurs d’activité.

La situation britannique décrite dans le film n’est pas si éloignée de ce qui se passe en France. Le gouvernement affiche sa volonté de reconduire les étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d’origine ; il a même créé un ministère dont c’est la fonction principale et a quantifié le nombre des reconductions, réduisant symboliquement ces êtres humains à une masse chiffrée, un objectif à atteindre. Les policiers sont mobilisés pour cette mission jugée prioritaire par le gouvernement et n’hésite pas à arrêter ces personnes dans des conditions souvent scandaleuses.

En fait le paradoxe et l’hypocrisie de cette politique, c’est que, - comme le dit la commission Attali et le rapport Besoins de main d’oeuvre et politique migratoire du Centre d’Analyse Stratégique (La Documentation Française, juin 2006) -, l’Europe a besoin de cette main d’oeuvre étrangère pour faire face à son déclin démographique et pour éviter la hausse des prix et des salaires. Des entreprises - de bonne ou de mauvaise foi - ne sont pas très regardantes sur la validité des papiers que leur présentent les immigrés qu’elles embauchent au noir ou en les déclarant. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, beaucoup d’étrangers en situation irrégulière au regard du droit de séjour sont en règle au regard du droit du travail. Les entreprises les déclarent, paient les charges à l’URSAFF. Certains de ces « clandestins » paient des impôts car les fichiers des différentes administrations concernées sont séparés. Par ailleurs, au nom des Droits de l’Homme, la France est obligé de scolariser les enfants de ces « sans papiers » qu’elle n’hésitera pas ensuite à arrêter à la sortie des écoles, des collèges et des lycées. Les inspecteurs du travail se contentent de conseiller les entreprises en faute mais la justice n’est que très rarement saisie.

Comme le publie le site du journal les Echos : « Les étrangers en situation irrégulière pourront désormais être régularisés, à titre « exceptionnel », s’ils détiennent une promesse d’embauche dans l’un des 30 métiers définis par le gouvernement comme rencontrant des difficultés de main-d’oeuvre. Révélée par « Le Monde », la circulaire d’application envoyée aux préfets, lundi dernier, précise que ce dispositif, inscrit dans la loi du 20 novembre 2007 de Brice Hortefeux, bénéficiera à « un nombre très limité » de personnes, « la finalité n’étant pas d’engager une opération générale de régularisation ». Les dossiers, signalés par les employeurs eux-mêmes, seront étudiés avec une « particulière diligence », indique la circulaire. » (www.lesechos.fr vendredi 11 janvier 2008)

Il s’agit bien là d’une régularisation nécessaire d’un point de vue économique et démographique mais inavouée pour des raisons politiques.

Quand il mange dans un bon petit restau pas trop cher, quand il fait faire des travaux chez lui ou construire sa maison, quand il achète un certain nombre de biens et de services bon marché, le citoyen consommateur français sait-il qu’il se fait complice de cette nouvelle forme d’esclavage ? Il pourra se donner bonne conscience en se disant qu’il permet de faire vivre des familles qui périraient dans leurs pays d’origine... A l’hôpital, il sera soigné par un médecin étranger suffisamment compétent pour traiter sa maladie mais apparemment pas assez qualifié pour être payé comme ses collègues français !

Peut-on se satisfaire d’un tel cynisme ?


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