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Même le silence a une fin (Ingrid Bétancourt)

Par Alexandra

67 Même le silence a une fin Ingrid Bétancourt J'ai aimé ce livre

Le mercredi 2 juillet 2008, comme beaucoup, je découvre avec émotion et soulagement la nouvelle de la libération d'Ingrid Bétancourt. Et depuis, j'attends de lire son histoire. A peine édité, je l'ai acheté. Et je l'ai lu avec autant d'avidité.

Même le Silence a une Fin est un titre qui, le découvrons-nous au fur et à mesure de la lecture, ne fait pas seulement référence à sa réserve depuis la fin de sa captivité. Dans ce livre autobiographique, la Franco-colombienne révèle l’horreur des rapports avec ses ravisseurs et l’ambiguïté de leur relation aussi. "Le pire était la relation avec les êtres humains", "les gardes, surtout", "un grand apprentissage", "l'histoire de la fraternité". Avis aux amateurs, il n'y a pas de règlement de comptes dans le livre d’Ingrid Bétancourt.

"Peur d'être seule. Peur d'avoir peur. Peur de mourir" : l'ex-otage des FARC raconte l’indicible. Pendant six ans et demi dans la jungle colombienne, elle a été violentée et menacée de mort. Elle a connu l’épuisement, l’animalité dans la promiscuité, la perte de l’intime, la vacuité des jours et l’atteinte à son intégrité de femme… mais elle trouvé la force de les surmonter.

L'Histoire commence par une scène terrible lors de l'une de ses cinq tentatives d'évasion. Punie, elle est enchaînée par le cou, battue et abusée, elle confie : "Je me sentais prise d'assaut, partant en convulsions (...) Mon corps et mon coeur restèrent gelés pendant le court espace d'une éternité". "Mais je survivais", dit-elle, de retour dans la cage où elle est enfermée avec Clara Rojas".

L'auteur revient ensuite à ce 23 février 2002. L'escorte militaire prévue lui a été confisquée par ordre "de la présidence", assure-t-elle. Des hommes armés arrêtent sa voiture.

Cauchemar, ennui, détresse. Les conditions de vie sont épouvantables, les moments de découragement fréquents. "Nous étions condamnés à la peine la plus lourde qu'on puisse infliger, celle de ne pas savoir quand elle prendrait fin", écrit-elle. Ses geôliers ont pour la plupart l'âge de ses enfants. Un jour, elle apprend la mort de son père adoré dans un journal vieux d'un mois, laissé sciemment entre ses mains... Certains guérilleros sont cruels. D'autres moins. Elle fait un gâteau pour les 17 ans de sa fille Mélanie, apprend à confectionner des ceintures. Un dictionnaire, des livres et surtout une Bible la sauvent de la folie.

Pour ne pas s’écrouler, elle songe à sa prochaine échappée. Après chaque échec, les brimades empirent. Ingrid Betancourt évoque avec retenue les tensions avec Clara Rojas : "Il fallait être très fort pour ne pas se soulager des constantes humiliations des gardes en humiliant à son tour celle qui partageait votre sort", avoue Ingrid Betancourt. Elle analyse aussi, de l'intérieur, comment fonctionnent ces FARC.

Et cette "mission humanitaire" du 2 juillet 2008 ? "C'était la victoire sur le désespoir (...), une victoire uniquement sur nous-mêmes". Et le début d'une lente reconstruction.

Aujourd’hui Ingrid Betancourt doit faire face à de nouvelles attaques

Son entourage lui dépeint un nouveau visage et flingue la légende. La pasionaria peine à conserver son aura… En juillet, Ingrid Betancourt renonçait à sa demande d'indemnisation de 15 milliards de pesos (près de 6 millions d’euros), après avoir suscité un tollé en Amérique latine en estimant que la Colombie avait insuffisamment assuré sa sécurité le jour de son enlèvement sur la route San Vicente del Cagua.

En parallèle de ses démarches auprès des autorités de Bogota, Ingrid Betancourt bataillait secrètement pour obtenir également compensation de Paris. Elle aurait ainsi fait débloquer la somme de 450 000 euros, mais ne l’aurait pas empochée.

Le monde a d’abord idolâtré cette Pietà républicaine, héroïne, digne et humble. Puis les langues se sont déliées et ont sifflé comme des vipères sur la tête de notre rescapée. Pavé dans le marécage grouillant d’animosités, "Captive" de Clara Rojas, dresse un portrait peu reluisant de Ingrid Bétancourt, définie comme une "femme mesquine et amère". Ce récit accablant fait suite à un autre : "Hors de Captivité", dans lequel trois Américains égratignent "sainte Ingrid", en révélant ses tendances à chiper des rations de riz et à jouer les cheftaines. "Hautaine, arrogante et égoïste", "elle ne demandait rien, elle donnait des ordres", et "ne se gênait pas pour faire de la délation… "  Un dessin au vitriol que corrobore le "libérateur" de la politicienne Verte. L'ancien émissaire chargé du dossier, Noël Saez, a déploré l’attitude méprisante de sa protégée. Elle a été "ingrate", a-t-il conclu.  Couverte d’opprobre, notre idole aurait-elle trouvé du réconfort auprès de son cher et tendre? Pas vraiment. Econduit, son (ex)mari, a lui aussi écorché la star. Après des retrouvailles inespérées, Ingrid Betancourt, n’a pas souhaité reprendre sa vie de couple et a préféré demander le divorce. Juan Carlos Lecompte s’est "senti trahi" par un "être très calculateur".

Décriée de toutes parts, l’ex-figure adulée est tombée en disgrâce. Icône brisée par les témoignages de ses proches, la belle écolo a pris la plume. En livrant cette version, Ingrid Betancourt fait taire les critiques et perdurer le mythe. Elle ne sombre pas dans la facilité du fiel.

Je me rappelle mon émotion à son enlèvement, mon émotion à sa libération. J'ai lu son livre et je la crois. Je me fiche des autres témoignages. Car ce n'est pas le sujet de chercher des excuses aux bourreaux, de taillader les héros. Dans un autre registre, mais c'est le même, je me fous de savoir si l'adolescente violée portait une jupe trop courte et des yeux trop fardés. Le violeur n'a pas à violer. Il est des crimes où la victime ne peut pas être une circonstance atténuante. La question n'est pas de savoir si Ingrid Bétancourt a pris des risques inconsidérés ou non le 23 février 2002, si Ingrid Bétancourt a plus eu à subir que les autres ou plus fait subir aux autres pendant 6 ans et demi de captivité. La question, c'est la privation de la liberté, le monnayage humain, la déchéance, le courage, la survie, la résilience. Ingrid Bétancourt a fait un travail sur elle-même que personne ne peut raisonnablement amoindrir.

Dans la colonne à droite (sous l'intitulé "Albums Photos"), vous trouverez des informations pratiques sur ce livre.

Lien vers Wikipédia (biographie et bibliographie de l'auteur).

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