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Pour la CEDH le procureur de la République français n'est pas un magistrat

Publié le 30 novembre 2010 par Unpeudetao

Aux termes de l’article 5 & 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».

Or, après son arrêt MEDVEDYEV du 29 mars 2010, la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner à nouveau ce jour la France pour violation de ces dispositions, parce qu’une personne n’a été présentée à un juge d’instruction que plus de cinq jours après son placement en garde à vue.

Madame France MOULIN, avocate au barreau de Toulouse, a été arrêtée à Orléans le 13 avril 2005 et placée en garde à vue, sur la base de soupçons de violation du secret de l’instruction dans une affaire de trafic de drogue. Conduite à Toulouse où son cabinet fut perquisitionné, elle a été, à l’issue de sa garde à vue, présentée le 15 avril 2005 à un procureur de la République qui a ordonné sa conduite en maison d’arrêt, en vue de son transfèrement ultérieur devant des juges d’instruction d’Orléans, auxquels elle n’a été présentée que le 18 avril 2005.

Pour condamner, à l’unanimité, la France pour violation de l’article 5 & 3, la Cour estime que le procureur adjoint de Toulouse ne remplissait pas les garanties d’indépendance exigées par sa jurisprudence pour être qualifié de juge, au sens de cette disposition.

La Cour relève que, du fait de leur statut (dépendance du garde des sceaux et donc du pouvoir exécutif, absence d’inamovibilité, obligation de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions), les membres du ministère public en France ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « magistrat » au sens de l’article 5 & 3.

Dès lors, le gouvernement ne peut poursuivre la réforme de la procédure pénale proposée par le président de la République en janvier 2009, laquelle envisage la suppression du juge d’instruction pour confier toutes les enquêtes au parquet, sans modifier son statut, alors que sa nécessaire indépendance à l’égard du pouvoir politique est une condition préalable désormais exigée aussi par la Cour de Strasbourg.

De même, le projet de loi de réforme de la garde à vue doit nécessairement être modifié, pour que toute personne privée de sa liberté, non seulement bénéficie de l’assistance effective d’un avocat pendant toute la mesure, mais aussi pour qu’elle soit, dans les plus brefs délais, traduite devant un juge du siège, juge d’instruction ou juge des libertés et de la détention.

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 Le site du Syndicat des avocats de France :

http://www.lesaf.org/


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