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“Un balcon sur la mer” : chronique du silence

Par Kub3
Malgré un scénario aux rebondissements prévisibles, Nicole Garcia nous offre une réalisation tout en finesse.

Après Les petits mouchoirs, c’est à nouveau devant un acteur devenu réalisateur que Jean Dujardin se livre. Le comédien permet ainsi à Nicole Garcia de faire ce qu’elle fait le mieux : scruter les hommes et leurs faiblesses. Une réalisation tout en finesse qui compense largement un scénario aux rebondissements prévisibles.

“Un balcon sur la mer” : chronique du silence

Marc est agent immobilier. Installé dans le sud de la France, il vogue entre la boîte de son beau-père, sa femme et sa fille, s’accordant de temps en temps une trempette dans sa piscine. Au détour d’une vente, il rencontre une femme lui rappelant étrangement Cathy, son amour d’enfance en Algérie. Arraché de ce pays au moment des événements de 1962, il se retrouve trente-cinq ans plus tard replongé dans son passé, entre les souvenirs et les fantasmes. Et si Cathy n’était pas vraiment celle qu’elle prétend être ?

Ceci n’est pas un film sur l’usurpation d’identité. Ni sur les vices d’une vie trop lisse propice à l’adultère. La force du film de Nicole Garcia ne repose pas vraiment sur les méandres relativement convenus de son scénario : le secret de Cathy (Marie-Josée Croze) est bien vite éventé, et l’affaire d’escroquerie qui vient ensuite s’y greffer relève plus de la rustine narrative que du véritable rebondissement. Trop peu expliqué, pas assez ficelé. L’intérêt du film réside plutôt dans la manière dont l’histoire vous est contée. Nicole Garcia met en effet sa sensibilité d’actrice au service d’un récit tout en nuance, sans exagération ni démonstration inutiles.

Déracinement

Il y a Marc, que l’on soupçonne embarqué trop vite dans une vie bien rangée sans que cela ne soit clairement dit. Argent, femme, enfant, beau-père débonnaire, tout suggère que sa réussite sociale s’est transformée en prison dorée. Même chose pour l’impact supposé de sa relation extra-conjugale sur son foyer. Il ne donne pas lieu à une quelconque scène de ménage ou à une explosion du cocon familial. Sa femme (Sandrine Kiberlain) et sa fille (Pauline Belier) ne sont là qu’en toile de fond.

Car le véritable sujet, c’est Marc et lui seul. Il faut accepter la dimension profondément égocentrique du film pour apprécier la finesse du propos. Exit les passages lourdingues sur l’histoire algérienne. Les faits sont connus, Garcia les laisse aux films plus polémiques comme Hors-la-loi pour se concentrer sur les marques laissées par l’Histoire dans la mémoire de cet homme. Et aussi sur elle-même, qui partage avec son personnage le même déracinement.

A travers Marc, c’est donc la douleur enfouie d’une expatriation que l’on cherche à saisir. Une quête ironique pour un agent immobilier, dont le quotidien est justement d’encourager les gens à vendre leurs maisons, pourtant à leurs yeux chargés d’histoire. Le face-à-face avec une vieille dame qui ne parvient pas à céder sa demeure est en soit révélateur.

Au fur et à mesure que Marc recouvre la mémoire et découvre la véritable identité de Cathy, le fil narratif est entrecoupé de flashbacks de plus en plus précis. Ici Marc se revoit enfant en train de jouer sur le toit d’un immeuble, là des tanks défilent dans une rue avec de légers faux raccords, comme pour mieux souligner le côté parcellaire de la mémoire du personnage. Nicole Garcia maintient tout au long du film une tension hitchcockienne en multipliant les silences entre Cathy et Marc, qui font alors écho à celui que cet homme fait peser sur son propre passé.

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“Un balcon sur la mer” : chronique du silence

En salles le 15 décembre

Photo : © Les Productions du Trésor – Europacorp – France 3 Cinema – Pauline’s Angel


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