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La fenêtre panoramique de Richard Yates

Par Mango

La fenêtre panoramique de Richard YatesIls avaient tout pour être heureux mais il leur manquait l’essentiel.La trentaine, jeunes, beaux, deux enfants sans problèmes, une belle maison dans la banlieue de New York des années cinquante, April et Frank Wheeler forment un jeune couple digne des publicités et des feuilletons américains comme nous en avons  tant vu toutes ces années : la femme reste au foyer pendant que son jeune cadre de mari rejoint une entreprise en plein essor dans un des gratte-ciel transparents  de New York où il s’ennuie plus qu’il ne travaille! Sans amis véritables, ils ont cependant de bons rapports avec leur voisinage, les Campbell auxquels ils confient souvent leurs enfants, les Givings qui voudraient les voir fréquenter leur fils enfermé en hôpital psychiatrique mais les rapports sont superficiels, le jeune couple se sentant supérieur aux autres. Ils voudraient voir s’améliorer leur situation qu’ils jugent médiocre. Ils rêvent de tout quitter et de s’installer en Europe. Mais des dissensions apparaissent et ils se disputent de plus en plus. Leur désenchantement s’accroît et leurs illusions diminuent. L’amertume, le silence,  la trahison, le mensonge s’installent et leur vie tourne au cauchemar.
J’ai aimé ce roman qualifié d’ explosif,  écrit en 1961, Kennedy étant président, et qui  aurait inspiré Ford, Kennedy et Carver.Critique d’un certain mode de vie bourgeoise dans l’Amérique toute puissante d’après-guerre, ce roman décrit aussi le drame d’êtres qui ne vivent que par et pour  le regard des autresLa fenêtre panoramique est celle de leur grande maison derrière laquelle ils passent beaucoup de temps à observer les autres et à en être observés. Les miroirs sont partout où ils se contemplent minutieusement, à toute heure du jour, chez eux ou chez les autres,  de même qu’ils se voient sans cesse dans les obsédantes vitrines new-yorkaises  qui leur renvoient impitoyablement leur image. «Il veillait à se composer une physionomie dure et virile…Il avait étudié cette méthode devant la glace d’une salle de bains plongée dans l’obscurité, et il savait que son portrait revêtait alors une grande intensité dramatique».Leur tort est de n’être pas en accord avec eux –mêmes, ce que leur prouve John, le malade mental, dans une longue discussion où  c’est ce dernier qui se révèle  le plus sensé.Ils ne vivent pas leur vie, ils se comportent en comédiens, Ils jouent des rôles, portent des masques, se leurrent eux-mêmes sur leurs véritables envies. C’est ainsi d’ailleurs que s’ouvre le récit et que se manifeste leur premier désaccord, lors d’une  représentation théâtrale dont April est la vedette mais qui se termine en fiasco ! Une vraie tragédie pour le couple! 
J’ai aimé le style de cet auteur qui va au plus pressé, sans indulgence pour les êtres médiocres qu’il décrit, dans un pays en pleine décadence où «Personne ne s’intéresse et ne croit à rien, en dehors de sa propre petite médiocrité confortable».Rien n’y est moral, tout est conventionnel.  Les personnages ne sont que des imposteurs qui jouent à être ce qu’ils ne sont pas, jusqu’à adopter un mode de vie qui ne leur convient pas et qu’ils ne peuvent pas supporter. Le jeu et  la comédie finissent mal cependant. Un livre très fort!  Je n’ai plus qu’une envie : voir le film de Sam Mendes : « Noces rebelles »  avec Kate Winslet et Leonardo Di Caprio.

C’était une lecture commune avec Canel et Choupynette que je remercie.
La fenêtre panoramique de Richard Yates (Pavillons Poche, Robert Laffont, 2009, 529 p)
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Latour. Titre original : Revolutionary Road, 1961


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