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France: La démission du Sénateur Trucy n’est pas une bonne nouvelle pour la politique des jeux

Publié le 09 décembre 2010 par Alain Dubois

Sénateur François TrucyiGaming France vient d’annoncer que le sénateur Trucy «démissionnait de la Présidence du Comité consultatif du jeu ». Cette information n’est pas une bonne nouvelle pour la politique des jeux de la France.

François Trucy a beaucoup œuvré – c’est un euphémisme – pour faire évoluer cette politique, longtemps rétrograde en matière de jeux en ligne et longtemps protectionniste (pour défendre de manière paradoxale et avec de mauvais arguments les monopoles du PMU et de la Française des jeux).

Malgré deux rapports volumineux, qui tentaient de faire la synthèse pour aboutir à une politique des jeux qui défende l’intérêt général et satisfasse dans le même temps aux exigences de la Commission Européenne, François Trucy a du encore beaucoup bataillé contre le « soldat Woerth », pour dessiner une nouvelle architecture du paysage ludique national, qui ne soit pas une simple réponse conjoncturelle à la nécessité de libéraliser les jeux en ligne avant la Coupe du Monde de football en Afrique du Sud.

La loi sur les jeux d’argent virtuels de Mai 2010 prévoyait – grâce notamment au travail du Sénat - la mise en place d’une Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), d’un Comité consultatif des jeux (CCJ) et d’un Observatoire des jeux (ODJ).

Alors que l’Arjel, qui possède des moyens à la hauteur de sa mission, poursuit son travail avec succès sous la houlette de Jean-François Vilotte, ces deux autres organismes – indispensables à une politique de jeux qui défende l’intérêt général – n’ont curieusement toujours pas été installés sept mois après le vote de la loi.

Le projet de décret, communiqué dès janvier 2010 au rapporteur de la commission des finances du sénat, n’a jamais été publié. Un «avis », présenté le 18 novembre 2010 au Palais du Luxembourg par le sénateur Gilbert Barbier , s’étonne à juste titre de ce curieux «retard», que nous avons plusieurs fois signalé dans différents articles et notes de recherche.

«La difficulté» viendrait du «refus des services du Premier ministre d’assurer le secrétariat du comité consultatif» . Alors, «dysfonctionnement admistratif », tentative d’obstruction du travail parlementaire (notamment celui réalisé au Palais du Luxembourg), on peut sérieusement – et de plus en plus – s’interroger.

C’est dans ce contexte, qui soulève déjà de nombreuses interrogations sur la volonté du gouvernement d’appliquer la loi votée en mai, qu’une «mesure de déclassement» a été introduite hier, dans le cadre de la loi des finances 2011.

Cette mesure permet au gouvernement de modifier la loi sur les jeux en ligne, par «décret simple», sans consultation et sans attendre la clause de revoyure prévue à 18 mois. C’est pour cette raison que François Trucy a – non sans un certain courage – démissionné. Souhaitons vivement que les autorités politiques et notamment celles rattachées au Premier Ministre, sachent faire revenir le sénateur sur sa décision et annoncent enfin l’installation complète de la nouvelle architecture du paysage ludique (Comité consultatif du jeu, Observatoire des jeux, Commissions) prévue par la loi sur les jeux en ligne.

Il est important que toute décision publique ne provienne pas uniquement d’un simple arbitrage politique (conjoncturel) entre intérêts privés afin d’aboutir à une politique de jeux cohérente qui défende l’intérêt général. Rappelons que la « recherche de l’intérêt général ne saurait être une simple résultante des intérêts privés » et de l’activisme lobbyiste (1), très actif ces derniers mois et ces derniers jours .

Quant au Président de la République, qui ne l’oublions pas est à l’origine de la politique de jeu responsable (avec les casinos quand il était Ministre de l’Intérieur), il ne pourrait que tirer profit politique d’un tel recentrage, qui contribuerait à réduire fortement l’image des « amis du Fouquet’s », peu porteuse électoralement.

Références :

  1. «Alexandra Musseau : «Le sénateur Trucy se retire de la Présidence du Comité Consultatif des Jeux (iGamingFrance, 8 décembre 2010)
  2. Jean-Pierre Martignoni : «L’observatoire des jeux de hasard et d’argent tarde à être installé» (2 décembre 2010, 4 pages)
  3. Avis n° 113, «Direction de l’action du gouvernement : mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie,» présentée par Gilbert Barbier, sénateur ( Sénat, 18-11-2011, 28 pages)
  4. «Le comité consultatif des jeux toujours pas installé, regrette un sénateur» (Stratégies.fr, 5 décembre 2010)
  5. «Le comité consultatif des jeux toujours pas installé, regrette un sénateur» (AFP, 5 décembre 2010)
  6. Celui des opérateurs virtuels privés (qui s’agitent beaucoup ces derniers temps) ; celui de la Française des jeux (double langage, financement de la doxa du jeu pathologie maladie, conflits d’intérets, instrumentalisation, autorégulation, commande d’une norme jeu responsable à l’Afnor…); celui de la doxa du jeu pathologie maladie (exploitation publique, privée, ou associatif du business du jeu compulsif, conflit d’intérêts ).
  7. Valérie Segond (éditorialiste) : «Peut-on vraiment en finir avec les conflits d’intérêts ?» (La Tribune, 7 octobre 2010)
  8. Interview de Stephane Courbit au Figaro : «La loi sur les jeux en ligne favorise la fraude» (Figaro.fr, 28 novembre 2011)

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