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Une lecture sarkozyste de Spiderman 3

Par Jb
medium_spiderman_3.jpg Cette sortie beauf du dimanche après-midi avait pour but de provoquer le dépaysement le plus complet et, surtout, le degré zéro de la réflexion. Las ! Mon cerveau a-t-il été à ce point martyrisé et contaminé par le matraquage médiatique de ces derniers mois ? Tout semble me ramener à la campagne présidentielle et ses polémiques.
L’une des thématiques majeures de Spider Man 3 est en effet celle-ci : la question de l’inné et de l’acquis, celle du déterminisme et de la liberté, celle enfin, connexe, de la vengeance et du pardon.
Les faits : 1/ Peter Parker, alias Spiderman, apprend que la mort de son oncle serait en fait due à Flint Marko (devenu entre temps l’Homme-sable). Une bouffée de colère le conduit donc à vouloir venger son oncle et détruire cet homme (dont il s’avère qu’il a sombré dans la délinquance pour sauver sa petite fille, atteinte d’une grave maladie) ; 2/ Harry Osborn, vieil ami de Peter Parker et de Mary-Jane mais dont le père le Bouffon vert est mort à la suite d’un combat avec Spiderman, hésite entre la vengeance et le pardon ; 3/ Eddie Brock, journaleux intriguant qui cherche à tout prix à décrocher un scoop sur le dos de Spiderman et de Peter Parker, et qui finit par être grillé et mis "au ban" de la société, cherche à se venger ; 4/ une espèce de météorite tombe sur terre et une substance noire qui en est issue colle aux basques de Peter Parker : il s’avère que cette substance a le pouvoir d’exacerber les tendances d’un individu tout en le faisant basculer dans l’agressivité et l’hybris. Spiderman va goûter à cette substance qui, pour un peu, le ferait basculer du "côté obscur". Heureusement, ses pulsions vont finalement être contrebalancées et chassées par sa volonté.
Tout le film est bâti sur ces chassés-croisés qui, au fond, s’interrogent tous sur la même chose et renvoient à ces thématiques du bien et du mal, du choix, de la responsabilité.
De ce point de vue, cette substance noire est moins "con-con" qu’il n’y paraît. Elle introduit en effet une troisième alternative à deux conceptions opposées.
-- La première conception, ce serait que tout est joué d’avance : on naît bon ou mauvais.
-- La seconde conception, ce serait au contraire que l’on a toujours le choix malgré les circonstances et que, finalement, l’on finit par pencher d’un côté ou d’un autre en conscience.
La substance noire, on le voit, symbolise en quelque sorte l’aléa, la part de variabilité. Il y a certes des prédispositions chez un individu donné (génétiques ? sociales ? le film n’y répond pas vraiment) mais, en fonction des circonstances, ces prédispositions peuvent soit ne jamais apparaître soit, au contraire, s’exacerber quitte à prendre le pas sur l’essentiel de la personnalité. Pourquoi Peter Parker, et donc Spiderman, est-il soudain "réceptif" à la substance noire ? tout simplement parce qu’il traverse une crise : doutes existentiels sur son futur commun avec Mary-Jane et, plus encore, pulsions de vengeance suite à la révélation que Flint Marko serait l’assassin de son oncle.
Tout cela, le lecteur perspicace l’aura compris, m’a invariablement ramené aux très récentes (et ultra-médiatisées) déclarations du candidat Nicolas Sarkozy dans Philosophie Magazine. Pour ceux qui auraient vécu sur une autre planète, j’en rappelle la substantifique moelle : "Pour ma part j’inclinerais à penser qu’on naît pédophile".
Ce n’est sans doute pas un hasard si le cinéma américain, reflet de la société, insiste très lourdement (avec plus ou moins de subtilité) sur ces questions de l’inné et de l’acquis, du déterminisme et de la liberté. Non seulement l’inégalité sociale aux Etats-Unis, mais plus encore les récentes découvertes scientifiques sur les gènes humains (plus largement l’action de plus en plus forte des molécules sur le cerveau et le comportement humains), incitent à ces réflexions.
Etonnant de voir que Spiderman 3 est finalement plus nuancé que Nicolas Sarkozy. Car si le film ne nie pas le caractère inné de certains comportements, il fait également la part belle au parcours individuel mais aussi social de l’individu. Dans cette optique, il reconnaît que le hasard joue aussi pleinement son rôle.
C’est du reste ce que, sur certains sujets, la science elle-même reconnaît. Prenons par exemple la maladie maniaco-dépressive. Des études ont prouvé qu’effectivement cette maladie était génétique. Ainsi, un enfant de maniaco-dépressif aura beaucoup plus de probabilités qu’un enfant de parent "normal" d’être atteint de la même maladie. Et pourtant, il est également établi que ce sont les choix de vie (le conjoint par exemple, ou le métier), de même que les circonstances particulières et complètement aléatoires d’une vie (les deuils, les traumatismes et accidents éventuels), qui pourront permettre ou pas à un sujet de développer le symptôme. Bref une fragilité, une prédisposition existe, mais ça s’arrête là.
Cela m’a finalement conduit à remarquer ceci, toujours au sujet des déclarations de Nicolas Sarkozy. Je ne crois pas que cela ait été beaucoup souligné par les analystes.
Au fond le discours classique de la gauche, traditionnellement, pour expliquer le crime ou le mal, est d’insister sur l’environnement, sur le milieu. Les gens de droite auront souvent beaucoup de mal avec ce raisonnement et accuseront les gens de gauche de tout mettre sur le dos de "la société" en niant la responsabilité de l’individu.
Le problème avec les déclarations de Nicolas Sarkozy, c’est qu’elles font "de droite" et pourtant elles nient tout autant la responsabilité de l’individu, sa part de choix et de liberté. Ce n’est plus la faute de la société, certes, mais c’est celle des gènes !
A nouveau Spiderman 3, tout débile qu’il soit, est plus intelligent que ces deux conceptions. Grâce à l’introduction de la substance noire, il permet à tout un chacun de comprendre que l’on porte en nous des choses mais que celles-ci ne ressortent parfois qu’en fonction des circonstances. En outre, le rejet de la substance noire permet également à tout un chacun de comprendre qu’une part de liberté nous est quand même laissée et qu’il peut nous être donné d’infléchir un tempérament et des inclinations.
Cela étant dit : je suis pas sûr que Spiderman 3 soit le film de l’année. Un peu longuet quand même !

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