Magazine Culture

Walker Evans, New Orleans, Lady Day

Publié le 08 décembre 2010 par Petistspavs

La photo est signée Walker Evans (1903 - 1975).
Elle est titrée New Orleans street corner. Louisiana. Elle date de 1935.

Au même titre que Dorothea Lange, dont les images ont inspiré l'esthétique des Raisins de la colère (John Ford), Walker Evans est considéré comme un témoin privilégié de la Grande Dépression des années 30 aux États-Unis. C'est aussi le photographe du quotidien, de la rue, des gens ordinaires, de ce qu'on appellerait aujourd'hui, en France, les quartiers. Il était très ami avec Henri Cartier-Bresson, le très très grand photographe français fondateur du courant dit humaniste (Doisneau, Izis, Boubat, Ronis).

J'ai choisi cette photo d'un coin de Louisiane pour faire le lien avec l'Amérique d'aujourd'hui.

Evans

Il y a peu, l'ouragan Katrina dévastait la Louisiane et renvoyait la Nouvelle Orléans au stade historique de la Grande dépression. Katrina, avec ses 1800 morts officiels, phénomène "climatique" est en fait une des plus puissantes expressions de la lutte des classes aux États-Unis aujourd'hui.  Rarement le "mauvais sort" avait tapé aussi peu aveuglément. Soyons clair : il y a ceux qui ont anticipé et se sont sauvés vers les États voisins d'Alabama et de Géorgie.  Et ceux qui, ne disposant pas de voiture ou ne pouvant se permettre d'abandonner leurs seuls biens, sont restés pour attendre l'Ouragan. Les plus pauvres, les noirs (53 % des victimes), les latinos et les asiatiques. Les autres (les WASP) sont( partis, puis revenus au bon moment.

On sait à quel point le pauvre Busch s'est montré en dessous de tout, non seulement en termes de solidarité nationale, mais (c'est bête pour lui) en termes politique : il a bien perdu de sa faible popularité à l'époque.

Parlons de solidarité. Le photographe Stanley Greene, explique : « Comme par hasard, dans les quartiers blancs, les supermarchés ont été ouverts aux gens, par solidarité. Dans les quartiers noirs, on a mis des gardes pour les empêcher de rentrer ! (…) Le but n’est pas de faire revenir les gens, mais de faire de La Nouvelle-Orléans une ville blanche et lucrative. (…) Des investisseurs recherchent partout les propriétaires des maisons détruites. Qu’ils rachètent pour 10 000 dollars. Katrina est la plus grande opération de spoliation de tous les temps ». Intéressant, ce phénomène climatique !

Deux films, Dans la brume électrique de Tavernier et le Bad Lieutenant de Werner Herzog (deux cinéastes européens) ont bien rendu compte du Chicago qu'était devenu La Nouvelle orléans après Katrina, après les promoteurs, les flics et la mafia.

Chicago, ça nous ramène aux années de la Grande Dépression. La jeune Billie Holiday commençait une carrière douloureuse, élégiaque, lumineuse.

La musique qui illustre la photo de Walker Evans, c'est Do you know what it means to miss New Orleans?, un absolu standard du jazz, dans une des versions de l'immense Billie Holiday, la troublante Lady Day :


Retour à La Une de Logo Paperblog