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Euthanasie non coupable

Publié le 10 décembre 2010 par Samiahurst @samiahurst
Euthanasie non coupableTrès beau jugement, l'acquittement de la Dre Daphné Berner. Rassurant, aussi. En partie en raison du soulagement pour cette courageuse collègue, qui raconte si franchement et si bien son histoire. Mais ce n'est pas la seule raison. Quelques explications:
D'abord, je ne vais pas vous raconter à nouveau l'histoire. Si vous êtes en Suisse vous la connaissez, et si vous ne la connaissez pas vous la trouverez ici.
Ensuite, pour poser le cadre, il s'agit bel et bien d'un cas d'euthanasie. Ou, pour parler en droit suisse, de 'meurtre sur demande de la victime'. On a entendu parler de 'suicide assisté actif', mais ce terme n'aide pas à comprendre. La différence entre l'assistance au suicide (où une personne se tue avec l'aide d'une autre personne) et l'euthanasie (ou une personne en tue une autre sur sa demande) est dans la personne qui agit. Ce jugement réaffirme cette différence. Et ici c'est de l'euthanasie.
Daphné Berner vient d'être acquittée, malgré cela. Et pas besoin d'être un défenseur de l'euthanasie légale pour trouver ça rassurant. Pourquoi? D'abord, le jugement (re)affirme que la souffrance peut être la raison d'un état de nécessité. L'état de nécessité, c'est le cas de force majeure. La situation où violer une loi est la seule manière d'écarter dans l'urgence un danger grave et imminent. Classiquement, par exemple, pour sauver une vie. Mais ici, justement, c'est la souffrance de la patiente, et non sa mort, qui est le danger imminent à écarter. L'acquittement est prononcé ici malgré le fait qu'une loi ait été violée, car dans ces circonstances Daphné Berner "n’avait pas d’autre alternative que de violer l’article 114 du code pénal pour préserver l’intégrité physique, psychique, la dignité humaine ainsi que la volonté de la patiente". Voir la souffrance considérée ainsi, comme raison suffisamment lourde pour justifier l'état de nécessité, oui c'est rassurant.
Ensuite, en insistant sur la demande de la patiente, ce jugement reste centré sur l'autonomie des personnes malades. On craint parfois que la possibilité de la mort volontaire ouvre la porte à ... la mort involontaire. Ce jugement, clairement, ne fait rien de tel.
Finalement, en fondant l'acquittement sur l'état de nécessité, ce jugement reste centré sur le cas particulier. L'euthanasie est, dans un grand nombre de pays, un débat parfois houleux où défendre des positions de principe semble trop souvent plus important que de considérer les difficultés réelles auxquelles font face des personnes. Dans un contexte aussi délicat, il peut être tentant de juger un cas, dans un sens ou dans l'autre, comme un cas prétexte dont la raison principale serait de devenir un précédent. Mais si j'ai bien compris ce jugement-ci, et si je puis me permettre, mes respects au juge. Ce jugement, on ne sait pas encore s'il sera maintenu puisqu'un recours est encore possible. Mais c'est un très beau geste. Prudent, intelligent, équilibré. Et une des raisons en est justement que, contrairement à ce que certains partisans de la légalisation de l'euthanasie pourraient souhaiter, il ne semble pas constituer un précédent si clair pour des cas où le recours à l'euthanasie serait planifié. C'est un jugement qui sait faire du particulier dans un cas sans cela trop vite tiré vers le général. Dit autrement, il est humain avant d'être politique.
Ce centrage sur les particularités du cas, c'est d'ailleurs aussi une des raisons du soutien unanime pour Daphné Berner à la suite de son acquittement. Elle nous parle d'un cas. D'une personne. Pas de grand mots. Et ce point la distingue du trop grand nombre de participants aux débats sur la mort volontaire, qui souvent défendent d'abord des causes. Alors oui, bien sûr, les causes sont fondées sur des principes et l'on ne protège personne sans avoir de principes. Mais. Face à un vrai dilemme, où il faudra sacrifier quelque chose que sacrifieriez-vous d'abord: une personne ou un principe?
Ce jugement, dans ce cas, c'est la primauté de la patiente qu'il affirme.
Alors maintenant, que va-t-il se passer? Mystère. Va-t-on légaliser l'euthanasie? On va certainement en reparler, en tout cas. Mais quelle que soit l'issue de ce débat-là, commencer avec un cas comme celui-là, oui c'est rassurant.

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LES COMMENTAIRES (2)

Par  Samiahurst
posté le 13 décembre à 22:49
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@pmrb: Vous voulez parler de l'euthanasie non volontaire, ou involontaire. Dans l'euthanasie active volontaire, l'intention est celle de l'intéressé. C'est de cela qu'il s'agit ici. C'est illégal en Suisse. Est-ce moralement juste que ce soit le cas? On peut en discuter. Mais le fait est que c'est illégal. Le jugement a ici reconnu malgré cela qu'il y avait état de nécessité, et que donc Daphné Berner n'est pas coupable.

Par pmrb
posté le 11 décembre à 12:43
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La décision de justice n'a violé aucune loi Daphné BERNER a aidé la personne à se suicider. Elle s'est trouvée dans la_ nécessité _ d'adapter l'aide apportée à son invalidité. Vous vouliez que le médecin dise à la personne: "si vous étiez capable de boire vous même le produit, vous auriez la mort que vous souhaitez, mais là, vous êtes vraiment trop infirme, vous auriez dû vous donner la mort plus tôt"? Ce qui différencie l'assistance au suicide de l'euthanasie, c'est que la* décision, *"l'intention" dit le Droit français, de mourir est celle de l'intéressé, alors que dans l'euthanasie la décision de mort est celle d'un tiers, le médecin ou l'infirmière.

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