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Affaire "Renault" à Singapour 2008 41 : Piquet raconte

Publié le 08 décembre 2010 par Jg56

Lors d'un entretien exclusif accordé à un journal britannique, Nelson Piquet Jr. a raconté en détails les événements à l'origine du scandale "Crashgate" de Renault, qui avait débuté en septembre 2008.

Les faits sont bien connus : Piquet a volontairement fracassé sa Renault contre un rail, provoquant ainsi la neutralisation de la course. Son coéquipier Fernando Alonso, qui venait d'effectuer son ravitaillement assez tôt, a pu remonter le peloton et a décroché la première victoire de la saison pour Renault. Mais cette victoire n'était pas du tout le fruit du hasard. Alonso n'avait pas gagné par chance mais par une stratégie de tricherie élaborée par le directeur de l'équipe avant l'épreuve.

Lors de l'été 2009, son contrat courant seulement jusqu'en milieu de saison, Piquet s'était vu viré de l'équipe. Aussitôt, il dévoilait tout à la Fédération Internationale de l'Automobile et le scandale naissait. Plus récemment, le brésilien et son père, Nelson Piquet Senior, remportaient le procès pour diffamation engagé contre Renault F1, qui avait en effet nié les accusations du pilote et l'avait même blâmé.

Plus de deux ans après les faits, Nelson Piquet Jr. a donc raconté à la presse tout ce qu'il avait sur le cœur, relatant surtout combien la pression exercée sur lui par son manager et directeur était intense... Ce qui devrait faire fortement baisser la cote de Mr. Briatore prochainement !

Rappelons, juste avant de vous faire part de l'interview de Piquet, que suite aux qualifications du Grand Prix de Singapour, les deux pilotes Renault s'étaient retrouvés loin sur la grille, Alonso 15è et Piquet 16è. Selon Piquet, le directeur général Flavio Briatore et le directeur technique de l'équipe Pat Symonds étaient très nerveux dans les heures précédant la course, car d'après lui, l'avenir de l'équipe était incertain. « Au bout d'un moment, Pat (Symonds) m'a dit : "Nous sommes dans une situation où nous n'arriverons à rien, à moins que quelque chose d'extraordinaire se produise." Flavio (Briatore) a ajouté que ça allait être un désastre pour nous, à moins d'un miracle. Je les écoutais, mais je ne comprenais pas où cela menait.

Ils étaient tous les deux très agités et l'ambiance était incroyablement tendue. Je ne pense pas avoir prononcé un seul mot jusque-là. Après cinq minutes, Flavio a fait sa proposition. "La seule façon dont nous pourrions profiter de quelque chose sur cette course, c'est d'avoir la voiture de sécurité en piste au bon moment.

Je suis resté assis à les regarder. Ils m'ont rappelé ce qui était arrivé au Grand Prix d'Allemagne, quand quelqu'un avait eu un accident juste après mon ravitaillement et que j'avais pu terminer à la deuxième place. "Est-ce que tu veux aider l'équipe ?" a dit Flavio. "Si tu plantes ta voiture au bon moment, ça pourrait tout changer." »

« Il n'était pas le genre de personne avec qui on peut avoir une communication normale. Il donnait ses instructions et ne vous demandait jamais votre opinion. Tout était sec. Il se fâchait si nous n'étiez pas immédiatement d'accord. Il n'avait qu'à passer près de moi et je ressentais la pression. Je tentais toujours d'établir ma réputation en F1 et il me disait souvent que mon destin était entre ses mains. Je faisais tout pour lui plaire, mais il ne faisait que me critiquer. »

Lorsqu'il est arrivé à Singapour en 2008, Piquet était très indécis. Briatore lui proposait une offre pour la saison 2009, qui se révélait très favorable à l'équipe car cette dernière pouvait le congédier avant le début de la saison suivante, tout en lui interdisant de parler à d'autres équipes. Son père, ex-champion du monde de F1, au courant de l'ambiance dans laquelle son fils se trouvait au sein de l'écurie Renault, lui avait dit de ne jamais signer ce contrat. Mais... « Quand Flavio a su que j'hésitais, il est devenu fou. Il m'a appelé à son bureau et s'est mis à crier. "Qu'est-ce que tu fous ? Tu n'as rien fait cette année. Personne d'autre ne te veut." La veille des qualifications à Singapour, j'ai pleuré alors que je parlais à mon père au téléphone. Je n'en pouvais plus. »

« J'ai alors accepté de me crasher dans le mur. Je voyais cela comme une façon de lui faire plaisir, de l'avoir de mon côté. » a continué Piquet. Le pilote ayant consenti à la tricherie, Briatore et Symonds ont donc élaboré plus précisément leur plan : « Ils voulaient voir la voiture de sécurité au 14è tour. En fait, je me sentais bien de faire quelque chose pour l'équipe après toutes les critiques faites à mon égard. Je n'ai même pas pensé à l'aspect moral de la chose. » a-t-il avoué. « Pat m'a alors indiqué où devait avoir lieu l'accident, c'est-à-dire là où il n'y avait pas de grues sur le circuit. »

« Pendant la course, à mesure que les tours se bouclaient, je savais ce qui allait se produire. C'était et c'est encore difficile de croire ce que je m'apprêtais à faire. J'étais presque plus nerveux de rater le coup pour l'équipe qu'inquiet pour ma propre personne. J'avais tellement peur que j'arrivais à peine à respirer. Chaque fois que je complétais un tour, je forçais les yeux pour voir le panneau indicateur mais c'était tellement sombre dans ce tracé en ville couru de nuit que je ne voyais pratiquement rien.

Je criais encore et encore dans la radio : "Sur quel tour sommes-nous, sur quel tour sommes-nous ?" J'ai commencé à me crisper car je savais ce que j'étais sur le point de faire, mais je ne pouvais y croire. Au 14è tour, j'ai senti un point au ventre. J'avais incroyablement peur, c'était comme un rêve. J'ai touché le mur avec le pneu arrière et j'ai ensuite enfoncé l'accélérateur pour frapper l'autre mur. Je n'ai ressenti aucune douleur lors de l'impact, mais j'étais plein d'adrénaline. J'avais heureusement le contrôle de la voiture tout au long de l'accident.

Tout s'était finalement déroulé comme prévu. La voiture de sécurité était intervenue et Alonso avait ravitaillé au bon moment. » Et cela permettait miraculeusement à Alonso de remporter la course pour Renault. Déjà, la simple erreur de Piquet semblait suspecte aux yeux de certains observateurs, d'autant plus qu'il avait dit à sa radio "Désolé." à son équipe, pratiquement immédiatement après son crash, ce que les pilotes ne font habituellement pas. « Par la suite, Flavio m'a tapé dans le dos et m'a dit "Merci." » a repris Piquet.

Les choses auraient pu en rester là, mais lorsque Piquet a été congédié durant l'été 2009, près d'un an plus tard, il est allé voir la FIA, appuyé par son père : « Pour être honnête, je crois que j'étais surtout motivé par ma colère envers Flavio plutôt que par un désir d'avoir la conscience tranquille. » a-t-il admis.

Une enquête a alors été montée et avant même qu'elle abouttisse, Briatore et Symonds se sont retirés d'eux-mêmes de l'écurie Renault, pour essayer de l'épargner au mieux dans cette affaire, qu'ils voyaient mal se dérouler pour eux. Peu après, la FIA a accordé l'immunité à Piquet en échange de son témoignage et a déterminé qu'Alonso n'était en rien au courant de ce complot. Renault a reçu une sentence suspendue de deux ans, Symonds a été banni pour cinq ans de la compétition et Briatore à vie. Cependant, un autre tribunal a estimé qu'une sanction aussi importante ne pouvait être prise à l'encontre de Briatore et elle a été réduite à trois ans après appel.

Quant à Piquet, celui qui a été manipulé et utilisé pour le bien de son équipe par deux personnes en autorité, le monde de la Formule 1 lui a malheureusement tourné le dos. Il est vrai que les résultats du brésilien n'étaient pas extraordinaires mais ses performances pouvaient en partie être expliquées par le climat dans lequel il évoluait au sein de l'équipe française. Suite à sa trahison envers son ancienne équipe, à ses révélations et à sa responsabilité évidente dans cette affaire, personne ne lui a cependant offert de deuxième chance. Son nom sera toujours lié à cette terrible affaire, bien plus qu'à celui de son père, triple champion du monde de Formule 1. « Ça semble si loin maintenant, mais je sais que je n'échapperai jamais complètement à son ombre. » a rajouté l'ex-pilote Renault.

« Je présente mes excuses sans réserve. J'espère seulement que les gens comprendront la pression que je subissais. Ce n'est pas une raison, mais j'étais une personne profondément malheureuse.

Maintenant, je suis un homme plus fort. Si on me le demandait encore, j'aurais la force de dire non. » a conclu Nelsinho Piquet.


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