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La bella gente

Publié le 11 décembre 2010 par Jul

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Sur un sujet difficile, Ivano De Matteo présente une histoire complexe et montre que la cruauté humaine n'est pas toujours là où on l'imagine. Susanna et Alfredo, un couple de bourgeois cultivés et à l'écoute des autres, passent les vacances avec des amis loin de Rome. Susanna, psychologue dans un centre d'aide aux femmes maltraitées, assiste un jour à l'humiliation d'une très jeune prostituée ukrainienne par son proxénète en plein jour sur une route.

Ne sachant au départ comment l'aider, elle réussit à convaincre son mari de l'enlever. Quelques jours seulement, juste le temps de rentrer à Rome et de lui trouver un centre d'accueil. Terrorisée à l'idée qu'on la retrouve, Nadja s'échappe puis finit par céder. Sachant à peine parler l'italien, discrète et gênée des attentions de Susanna, elle va s'adapter malgré tout assez bien à ce nouveau mode de vie et à ces gens qui savent parler d'autre chose que d'argent ... contrairement aux amis et à la future belle-fille du couple. D'abord victime des clichés et du regard de ces derniers, incapables de comprendre ses difficultés à se montrer en maillot de bain, puis des regards des camionneurs qui lui ont fait vivre l'enfer, Nadja se sentira finalement protégée par le fils du couple, dont elle tombera amoureuse.

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Ce qui aurait pu être pour Nadja le début d'une vie normale et la fin du cauchemar va devenir un cauchemar pire encore. Susanna ne comprend pas la relation entre son fils et sa protégée. Estimant que donner à quelqu'un ne lui permet pas pour autant de demander plus, elle se persuade peu à peu que cette jeune fille qui devrait lui être reconnaissante est ce qu'en disent les autres: elle n'est bonne qu'à se prostituer, à voler et à servir. Croyant que son mari la trompe avec Nadja, elle la chasse de chez elle, et son fils, sans même lui dire au revoir, repart se réconcilier avec sa fiancée, "fille  de" sans éducation et dont le seul but est de se faire entretenir. Malgré des explications avec Alfredo, Nadja ne pourra pas faire revenir Susanna en arrière. La fin du film, montrant Nadja coiffée et maquillée comme elle l'était au début, laisse supposer qu'elle retombera dans la prostitution faute de soutien. Mais le réalisateur nous laisse imaginer sa nouvelle vie, tout comme il nous a laissé interpréter son film à notre façon. Giulio est-il tombé amoureux de Nadja et se laisse ensuite influencer par sa mère, ou est-ce que ça n'aura été qu'une pause avant de revenir vers Flaminia? Le père est-il pour ou contre l'idée d'enlever Nadja? L'aide-t-il parce qu'elle en a besoin ou pour faire plaisir à sa femme? La mère reproche-t-elle simplement à sa belle-fille sa mauvaise éducation ou est-ce elle qui révèle son égocentrisme sous prétexte que Flaminia ne lui a rien offert pour son anniversaire? Nadja est-elle totalement innocente?

Tourné en quatre semaines, bénéficiant d'une réalisation et d'une photographie impeccables, de belles scènes comme celle où une baignoire se vidant emporte le maquillage et le cauchemar de Nadja, de plans à doubles sens (Giulio tendant une sucette à Nadja, faisant ainsi référence à la Lolita de Kubrick), et remarquablement interprété par Antonio Catania, Monica Guerritore, Elio Germano et surtout Victoria Larchenko qui exprime tant malgré un rôle quasiment muet, "La bella gente" est un de ces rares films à ne pas tomber dans l'angélisme qui guette ce genre de sujet. Le second film d'Ivano De Matteo traite de l'attitude d'une bourgeoisie de gauche chez qui les intérêts personnels finissent par prendre le dessus, et du rapport à l'autre dans un pays où les prostituées venues de l'Est sont nombreuses et le racisme est tout aussi présent – ce pourrait être, en fait, n'importe quel pays d'Europe de l'Ouest. Derrière leurs idéaux, Susanna, Alfredo et Giulio fréquentent ceux qu'ils disent détester, et le personnage de Nadja, l'autre, l'étrangère, celle à qui on vient en aide, fera surtout voir à ces gens leur égoïsme et leur incapacité à se parler.


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