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Le terrier – Franz Kafka

Par Livraire @livraire

Carnets de l’Herne
Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni
Titre original : Der Bau
ISBN : 978-2-85197-890-5

terrier
Quatrième de couverture :
Le plus beau, dans mon terrier, c’est son silence.
Silence trompeur, cependant. Il peut se briser d’un seul coup : alors tout sera terminé. Pour l’instant, il est encore là. Je peux passer des heures à me faufiler dans mes galeries sans rien entendre d’autre que, parfois, le froufroutement d’un petit animal quelconque que je ramène aussitôt au calme entre mes dents, ou le ruissellement de la terre qui m’annonce la nécessité d’une réparation ; pour le reste, le silence règne.
Le vent porte à l’intérieur le parfum de la forêt, il fait chaud et frais à la fois. Parfois je m’étire et je me roule d’aise dans la galerie. Qu’il est beau d’avoir pareil terrier à l’approche du grand âge, d’avoir un toit au-dessus de la tête lorsque commence l’automne ! Tous les cent mètres, j’ai élargi les galeries pour y loger de petites places rondes, je peux m’y lover à mon aise, jouir de ma propre chaleur et me reposer.
J’y dors du doux sommeil de la paix, du désir assouvi, de l’objectif atteint – posséder son chez-soi.

Mon avis :
Nouvelle inachevée écrite par Kafka en 1923, quelques mois avant sa mort, Le Terrier est une nouvelle pour le moins intrigante. Le narrateur est probablement un animal, ainsi que le laisse penser quelques rares indices, mais dans l’univers de Kafka, l’identité de ce narrateur pourrait tout aussi bien être de nature humaine, ou, encore plus probablement, être une créature indéfinie à mi-chemin entre l’homme et l’animal, ce qui n’est pas sans faire écho au personnage de Gregor Samsa dans  La Métamorphose.
Pour autant, bien qu’il y a un narrateur identifiable, le principal personnage de la nouvelle pourrait bien être le terrier lui-même. Si le mystérieux animal prend la parole, c’est uniquement dans le but de nous parler de son habitation, de son édification, de son agencement et surtout de la protection qu’il offre, ou qu’il est supposé offrir contre un intrus représentant un danger. C’est là que se met en place tout le mécanisme kafkaïen et tout l’intérêt de la nouvelle : le postulat de départ, à savoir le terrier comme lieu d’habitation et à fortiori comme un endroit sûr va être mis en doute au fur et à mesure que l’animal s’acharne à démontrer en quoi il l’a bâti pour être une place forte assurant la protection nécessaire contre un intrus menaçant sa sécurité. Quelques failles dans la conception des plans, les difficultés rencontrées lors de son érection et voici qu’apparaissent les premiers points faibles du terrier, le narrateur semblant les découvrir en même temps que le lecteur, mais si ce dernier poursuit sa lecteur se demandant ce qui a suivre, le premier apparaît de plus en plus obnubilé par sa sécurité, et se révèle être complètement paranoïaque, allant jusqu’à se poster au-dehors, guettant inlassablement l’entrée du terrier dans le but de s’assurer que rien ni personne ne le menace, jusqu’au jour fatal de la rencontre -si l’on peut nommer ceci une rencontre- avec l’ennemi tant redouté et toujours invisible.
La nouvelle s’achève abruptement, et je me demande comment Kafka l’aurait terminée, encore que, d’une certaine manière, elle est achevée, le narrateur étant comme une espèce de serpent à la recherche de son ennemi et ne trouvant que le bout de sa queue, se la mord, figurant ainsi un ouroboros.

Le rythme (on pourrait presque parler de scansion) de la phrase est admirablement représentatif de la frénésie, de l’essoufflement maladif qui s’empare de l’animal. Elle est entrecoupée de virgules, saccadée, avec des descriptions qui confinent au rapport d’observation militaire.

Ce livre a été lu et chroniqué dans le cadre d’une opération Masse Critique, organisée par Babelio. Je tiens à remercier Pierre K. sans qui le livre ne serait jamais parvenu jusqu’à ma boîte aux lettres.


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