Magazine Journal intime

En 2011 le monde est mal parti

Par Argoul

L’ONU vient de publier sa ‘World Economic Situation and Prospects 2011’ et les perspectives qu’il donne sont édifiantes. Le texte débute ainsi : « Le chemin du retour à la croissance après la Grande Récession est en train de faire la preuve qu’il est long, venteux et hérissé de récifs. » La métaphore de la tempête appelle les capitaines. Y en a-t-il vraiment ? Après une année de croissance retrouvée, si l’économie mondiale retombe, c’est à cause des pays nantis.

En 2011 le monde est mal parti
Malgré l’ampleur des politiques publiques mises en œuvre pour contrer les effets de la crise financière, pas de pitié pour les économies développées, engoncées dans les dettes et la malgouvernance par la faute des politiciens sur deux générations. Le système bancaire reste vulnérable, affectant la capacité de manœuvre des Etats obligés d’intervenir, et asséchant le crédit aux entreprises et aux ménages. Les banques répugnent à se prêter entre elles et la Banque centrale européenne, par exemple, est obligée de les refinancer pour simplement que l’économie des pays fragiles continue de fonctionner ! Cela n’encourage ni l’emploi, ni l’immobilier (sauf à court terme en substitution de la bourse), ni l’investissement industriel. Les entreprises restent frileuses car la demande ne revient pas, les ménages anglo-saxons et les Etats-providence d’Europe continentale endettés devant – enfin ! – épargner pour éviter la banqueroute. Ce qui oblige à se serrer la ceinture ne saurait encourager la timide reprise…

La croissance vient et reste des pays émergents, surtout « la Chine, l’Inde et le Brésil ». De nouveaux liens sud-sud se mettent en place qui aident les économies mineures. Les capitaux privés – libres – vont là où la croissance existe et, avec elle, les perspectives de profits. Donc plus guère dans les pays développés. Surtout pas sur leurs dettes (obligations dites hier ‘sans risque’). En actions, seulement sur les sociétés mondialisées (qui font le principal de leurs bénéfices dans les pays émergents) ou les champions nationaux susceptibles d’être convoités par les entreprises desdits pays émergents.

Le risque existe d’une croissance trop rapide dans les nouveaux pays, qui engendre inflation, tension de change, bulle de matières premières ou d’immobilier, conflits sociaux et troubles politiques. La Chine y est confrontée, le Brésil y entre. Le risque existe aussi d’une transition difficile entre économie tournée vers l’exportation et essor de la demande intérieure. La moindre demande des pays développés accélère la reconversion nécessaire. Mais elles ne vont pas sans douleur car les surcapacités de production financées à taux très bas sont fortes. Les capitaux libres peuvent s’en aller aussi vite qu’ils sont venus (comme dans l’Asie de 1997). Pire, le protectionnisme peut trouver un nouvel écho dans les pays développés en marasme.

Quant à la coordination internationale, elle reste conditionnée par les intérêts égoïstes de chaque gros Etat.

• La Chine a intérêt à poursuivre sa croissance pour éviter une remise en cause politique et l’impact d’un vieillissement rapide dès 2025.

Les Etats-Unis ont intérêt à maintenir la suprématie du dollar et de faibles contraintes réglementaires en finance et en pollution pour retrouver leur élan et se donner le temps d’investir dans les énergies vertes.

• L’Europe ne sait pas ce qu’elle veut car elle a plusieurs têtes, en témoigne la querelle sur la fiscalité entre la France et l’Allemagne ; tout le monde peut donc lui marcher allègrement dessus.

• Sauf l’Allemagne, dont le modèle est clair et qui sait parler fort lorsque ses intérêts étroits sont en jeu.

Le futur proche est donc sombre. L’ONU attend une croissance mondiale qui retombe à 3,1% en 2011 contre 3,8% en 2010. Seulement 1,3% en 2011 pour la zone euro mais 2,1 et 2,2% pour le Royaume-Uni et les Etats-Unis, aux économies plus réactives. La Chine réussirait à 8,9%, l’Inde 8,2%, l’Afrique 5%, le Brésil 4,5% comme la Turquie, la Russie émergeant péniblement à 3,7% pour cause de trop d’étatisme. Le commerce mondial s’effondrerait d’un tiers et stagnerait encore en 2012. Comme le montrent l’allongement progressif d’un retour des embauches après chaque récession, l’emploi aux Etats-Unis (et a fortiori en Europe !) ne retrouverait pas ses niveaux pré-crise avant plusieurs années. « La persistance d’un chômage élevé, écrit l’ONU, de salaires réels qui stagnent ou déclinent, et d’une reprise sous son potentiel peuvent entraîner l’économie dans un cercle vicieux d’une sous-croissance prolongée ou, dans certains cas, d’une replongée dans la récession (double-dip). »

En 2011 le monde est mal parti
L’étude retient cinq défis politiques :

1. Une nouvelle stimulation fiscale, si possible coordonnée

2. Le recentrage de la fiscalité et des incitations économiques vers l’emploi, une plus grande égalité des revenus et un ajustement entre offre et demande (ce qui veut dire réforme fiscale)

3. Une meilleure synergie entre le stimulus fiscal et le stimulus monétaire pour éviter la guerre des monnaies et la nervosité des capitaux libres (ce qui veut dire coordination en Europe et maîtrise des taux par la Chine et le Brésil)

4. Conserver un financement stable et fourni aux pays en développement (où l’aide diminue)

5. Exiger du G20 des objectifs plus concrets en vue d’une croissance globale mieux répartie

Ce n’est pas joué et l’on voit bien ce qui peut faire capoter le mouvement : le populisme.

L’égoïsme national, exacerbé par le sous-emploi drastique des jeunes et la mise à pied de plus en plus tôt des vieux, exaspère la demande sociale. Les yakas simplistes fleurissent à l’envi, y compris chez les intellectuels dont l’économie en système monde n’est déjà pas le fort. C’est ainsi qu’un démographe de gauche appelle au protectionnisme européen tout comme le FN (Emmanuel Todd), qu’un économiste pronostique l’égoïsme sacré allemand pour faire éclater l’euro (Christian Saint-Etienne), qu’un politologue voit l’Asie dans la situation pré-guerre de 1914 avec une Chine qui fait peur (Jean-Luc Domenach), sans parler d’un tribun de gauche dont le programme est qu’au-delà de 360 000 € par ménage – le prix d’un deux-pièces à Paris – il prend tout (Mélenchon)…

Lutte des castes, lutte des classes, luttes nationalistes – le monde en2011 paraît mal parti !

ONU, World Economic Situation and Prospects 2011



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Argoul 1120 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte