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Poupoupidou à Europe N°1 et mort de Pompidou

Publié le 17 décembre 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 17 décembre 2010

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1974 allait être ma dernière année à Europe N°1. J'étais secrétaire de Direction, mon boss avait cessé de m'impressionner et mon petit cercle de copains s'était renforcé d'une autre jeune femme. Jeannine, la secrétaire de Gorini ayant abandonné le boulot pour faire la mère de famille en Alsace, avait été remplacée par Danièle K. Même que c'est moi qui l'ai suggérée à mon patron qui gérait la Rédaction. C'était une belle brune aux cheveux longs, très discrète, qui tapait les flashs de la soirée. Elle était du soir, j'étais du matin, nous étions très complémentaires. Elle rejoint très vite la bande dont le noyau dur était composé de Josée, la secrétaire de Pierre Bonte (qui faisait son émission “Bonjour M. le Maire”), Paule ou Andrée du service reportages, Pascal, Dudu et moi.

Je pris l'habitude de traîner dès que mon patron était en studio… ma vie sentimentale se délitait et les petites fêtes improvisées très souvent m'aidaient à franchir ce cap (classique) du mec un peu absent, ou présent juste lorsqu'il s'agissait de frimer en invitant des copines aux débats politiques de mon patron, qui se déroulaient en public. Grâce à moi, il pouvait faire entrer ses amies de Science Po. Le copain de ma nouvelle collègue, surnommé “Popeye” avait été intronisé dans le groupe. Nous faisions des soirées chez les uns ou les autres, au restaurant, ou dans le bureau de Siegel lorsqu'on le pouvait.

Le 2 avril 1974, le Dr Europe et Albert Ducrocq ont invité, comme tous les ans, toute la rédaction à leur buffet. Cela se passait au sous-sol, à la cantine. C'était charcuterie et tonnelets de vin rouge, à partir de 19h. C'était une habitude qu'ils avaient prise et à laquelle tout le monde se prêtait bien volontiers. Nous étions donc nombreux à festoyer parmi lesquels Siegel, Gorini, même “Papy Floirat” qui aimait bien passer à Europe en fin de journée. Le petit groupe d'amis n'étant guère décidé à retourner chacun chez soi, nous avons donc décidé de finir la soirée dans le bureau de Siegel, lequel était parti depuis belle lurette, ainsi que toute la hiérarchie. Pascal avait monté les restes de pâtés, saucissons et autre cochonnaille, les autres avaient pris des gobelets, récupéré les tonnelets… et nous continuions allègrement la fête dans le bureau directorial, en musique.

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Tout à coup, Pascal de passage dans le bureau du secrétariat, surgit dans le bureau et nous annonça : “Pompidou est mort“. C'était Levaï qui avait entendu l'urgent (une sonnerie sur le telex) en passant devant la salle des télex ! A moitié éméché, il était descendu faire un flash spécial que Pascal avait entendu au vol.

Re gros branle-bas de combat. Nous avons déblayé le bureau de Siegel, posé les plats et tonneaux sur la table de la rédaction, et rappelé nos patrons respectifs. Ils étaient de retour une demi-heure plus tard. Nous étions chacun dans notre bureau, dans les starting-blocks pour la nuit de travail que la mort d'un président allait représenter.

Gorini n'en revenait pas de nous voir tous à nos postes, pas un seul n'a pensé que nous nous apprêtions à faire la fête quand la nouvelle nous avait “chopés”. Il se frottait les mains, tout content et répétait sans arrêt “enfin, il se passe quelque chose… on s'emmerdait à la longue“. Il me semble bien que nous avons travaillé toute la nuit. Un moment, faute de boustifaille, nous avons téléphoné au bar d'à côté au petit matin pour qu'on nous apporte des sandwiches, des oeufs durs et du café, de quoi tenir le coup.

Je découvrais enfin ce qu'était la venue d'un événement majeur dans une rédaction. J'ai bien aimé ce moment où chacun sait ce qu'il a à faire, définit ses propres priorités, prend des initiatives et pallie au plus urgent. C'est beaucoup plus tard que je prendrai conscience de ma capacité à réagir vite et bien mais j'étais très à l'aise dans ce genre de situations.

Bien sûr, la mort de Pompidou a provoqué des élections présidentielles après l'intérim de Poher. A Europe, des étudiants étaient recrutés tout spécialement pour travailler avec l'IFOP sur les intentions de vote. C'est donc là que j'ai vu arriver Anne Sinclair en jupe plissée bleu-marine et en catogan.

Notre petit groupe de copains continuait à bien fonctionner, nous faisions régulièrement la bringue ensemble, j'étais devenue très amie avec ma collègue Danièle chez qui j'allais dormir de temps en temps, lorsque mon studio a été inondé… à moins que je n'aille chez Pascal qui me prêtait son studio. Nous avions pris l'habitude de jouer de temps à autre au poker (sans argent car personne n'en avait). Nous misions des trombones.

Ces soirées contribuaient à souder le groupe . Nous avions tous du pain sur la planche et passions beaucoup de temps au bureau car la campagne électorale battait son plein entre les divers candidats dont Giscard d'Estaing et le Premier Secrétaire du P.S. François Mitterrand. Un débat entre ces deux-là, animé par mon patron, eut d'ailleurs lieu dans le studio d'Europe N°1 et fut couvert par toute la presse française.

Bien sûr, les veilles et jours d'élections, nous étions au taf, sans rechigner. Un célèbre traiteur était en charge d'un énorme buffet qui se tenait sous une toile de tente dans une des cours intérieures de la station. Nous avions des badges pour accéder à ce buffet pour nous sustenter à tour de rôle puis remonter dans nos bureaux.

Le dimanche du deuxième tour, nous étions le groupe habituel, ainsi que Popeye et mon petit ami. Comme le buffet était inaccessible vu le nombre de pique-assiettes présents sous la tente, nous avions été nous servir avant l'arrivée des invités, puis apporté le tout dans le bureau de Siegel, comme à notre habitude. Il était 19h, nous avions le temps avant l'électrisation de l'ambiance. Nous avons donc commencé à faire un petit poker dans le bureau de Siegel. Tout d'un coup, la porte capitonnée s'ouvre et arrive notre Directeur Général avec son épouse, un homme politique et son staff… qui nous voit tous des cartes à la main. “A quoi vous jouez, nous a-t-il demandé“… nous, en choeur : “au poker“. “Vous jouez de l'argent ?” a-t-il continué. Nous “non, des trombones“. A la suite de quoi il nous a dit “j'ai besoin de mon bureau quelques minutes, s'il vous plaît“… nous avons donc tous déguerpi et sommes allés dans nos bureaux respectifs. Il n'avait pas semblé plus choqué que ça de nous trouver en train de taper le carton dans son bureau.

Beaucoup plus tard, la soirée était bien avancée. Giscard avait été élu président de la République. Pascal nous avait raconté qu'il avait vu des invités de choix ouvrir leur sac à main et y vider une partie du buffet pour repartir ni vu ni connu au buffet d'RTL à quelques minutes à pied d'Europe 1. Nous avons appris que le planton de service avait repoussé Poniatowski lorsqu'il s'était présenté “bonsoir, je suis M. Poniatowski“. L'autre avait répondu “oui, et moi je suis le Pape“. Du coup, Levaï avait dû aller récupérer Ponia tout vexé à RTL et le ramener dans nos studios.

En fin de soirée, il faisait très doux, nous avons ouvert les fenêtres du bureau de Siegel où nous nous étions retrouvés… Quelques jeunes Républicains Indépendants, le parti de Giscard le gagnant, montaient la rue François 1er en décapotables, hurlant et klaxonnant leur joie d'avoir vu leur candidat élu. De notre côté, nous étions moroses. Marre de cette droite ! Nous avons commencé par leur envoyer des trombones (ceux du poker). Faute de munitions, comme Pascal nous avait remonté un saladier de fraises des bois du buffet, nous avons balancé des poignées de fraises des bois sur les Jeunes Giscardiens qui passaient tout pétaradants !

Quelle époque épique !

Prochain épisode : la transition de la radio à la télévision publique et la partition du groupe de potes.

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