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Belgique en danger ?

Publié le 17 décembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Belgique en danger ?L’actualité se bouscule autour de cette pauvre Belgique, présentée désormais comme une cible des spéculateurs assoiffés de faillites et d’argent frais. À peine le rapport du FMI sorti, voilà que l’agence de notation Standard&Poor’s menace de dégrader la note de notre pays, comme le furent en d’autres temps plus sombres, la Grèce, l’Islande, le Portugal ou l’Irlande. Brrrr…

Notre pays figure-t-il en bonne place sur la liste des fossoyeurs de la zone euro ? Devons-nous craindre un scénario à la grecque, en l’absence d’un gouvernement stable (c’est-à-dire capable de prendre une orientation stratégique) ? Ce mardi, j’ai posé la question à trois économistes réputés : Jean Hindriks (UCL, Itinera Institute), Geert Noels (Econopolis) et Philippe Ledent (ING).

La plupart de leurs réponses tendent vers l’optimisme. Sur le rapport du FMI, Jean Hindriks rappelle que les fondamentaux de notre économie (maîtrise du déficit, exportations) sont plus élevés que la moyenne européenne :

« C’est rassurant de savoir que, même en l’absence d’un gouvernement, notre économie tourne encore bien. C’est un peu comme si nous étions un petit bateau porté par la marée montante. Vivant à proximité d’une économie qui tourne assez bien, qui est l’Allemagne. (…) Sur les fondamentaux, la Belgique inspire confiance. On a un déficit qui est plus faible que la moyenne européenne, on a un taux de chômage qui est inférieur à la moyenne européenne, on a une croissance qui est supérieure à la moyenne européenne, et on exporte plus qu’on importe. (…) Mais j’insiste sur le fait que les fondamentaux étaient bons aussi pour l’Irlande. Une crise est toujours imprévisible. Dans l’immédiat, le risque pourrait venir du secteur bancaire. »

Hélas oui ! La crise est subtile et survient souvent là où personne ne l’attendait. Pour preuve : les émissaires du FMI avaient délivré un excellent bulletin aux autorités irlandaises en juillet 2010, soit… quatre mois avant la survenance de la crise bancaire dans ce pays. Qu’avait écrit le Fonds Mondial International, à l’époque ? Relisons :

« Les mesures offensives prises par les autorités ont aidé à gagner en crédibilité politique et à stabiliser l’économie. (…)  La consolidation fiscale est en train de se mettre en place comme prévu. La politique économique a, en partie, placé l’Irlande à l’abri des pressions du marché. Si l’on se réfère à la chute de la fin 2008 et du début 2009, l’économie se stabilise, croît et devrait retrouver un rythme normal cette année. »

On connaît la suite. Les rapports du FMI n’ont eu aucune influence sur le semi-échec irlandais. Raison de plus pour se méfier des conclusions concernant la Belgique.

Geert Noels (Econopolis) n’est pas surpris par l’avertissement.

« S&P court un peu après le marché, parce que la prime de risque de faillite sur la Belgique a déjà grimpé depuis quelques mois. Elle se chiffre aujourd’hui au double du Brésil. L’écart des taux a monté également. Donc, S&P court un peu derrière, et ce n’était pas une grande surprise pour les gens actifs dans les marchés de voir cette réaction de S&P. »

« La dette est là. La crise bancaire a ajouté une couche d’incertitude, surtout sur les garanties données par la Belgique. Et on vit dans une situation où, évidemment, quand il n’y a pas de gouvernement, et pas de mesures prises, ça augmente le risque pour un pays. »

La Belgique : AA dans 6 mois ?

« Je crois qu’on ne peut pas exclure une dégradation de la note de la Belgique. Je ne crois pas qu’on en soit déjà là. S&P est inquiet vu l’incertitude. Je crois qu’on a suffisamment de qualités pour rester en AA+, mais alors il faut prendre des mesures. Il faut suivre ce que dit le FMI, c’est-à-dire couper le déficit un peu plus vite que prévu et vers un niveau plus bas que prévu. Cela demandera à mes yeux un gouvernement assez fort. Et on est loin de cette situation-là. »

Pessimisme modéré par Philippe Ledent, économiste chez ING :

« En eux-mêmes, les taux globalement ont connu une période de baisse. Néanmoins, ce qui est plus ennuyeux, c’est que l’écart entre le taux belge et le taux allemand, lui, a eu tendance à se creuser. Cet écart représente vraiment le risque lié à un pays. Et ce risque est en train de s’accroître vis-à-vis de la Belgique. »

« Sur le plan économique, il n’y a vraiment que le taux d’endettement qui pose problème. Et je dirais que c’est un petit problème, car la Belgique a toujours vécu, au cours des 30 dernières années, avec des taux d’endettement très élevés. »

« Les spéculateurs ne vont jamais se mettre en route pour rien. Il y a toujours une raison qui justifie le fait que des personnes, partout dans le monde, vont se mettre à vendre un certain actif financier. Parce qu’ils considèrent que c’est trop risqué, qu’ils pourront faire une bonne affaire à l’avenir. Mais il y a toujours un élément déclencheur interne à l’entreprise ou au pays. Dans le cas belge il y a, on l’a dit, ce taux d’endettement assez élevé, et la crise politique qui attire pas mal de commentaires et pas mal d’incertitudes actuellement. »

Je terminerai sur une note semi-positive : les prévisions ne veulent parfois rien dire. Les spécialistes ont beau répéter que les “fondamentaux” sont bons, ils n’oublient pas pour autant que l’économie repose sur un facteur subjectif et, ô combien aléatoire : la confiance. Malheureusement, cette confiance est difficilement mesurable. Voilà pourquoi il convient de rester vigilants.


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