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Deux textes de Patricia Laranco.

Par Ananda

1.

Les terres sont hautes.

Ce sont de hauts glacis de silence fortifié.

Le vent y ponce la solitude, entre nuages et buissons.

C’est là qu’il vient, de temps en temps, lancer ses lassos de poussière.

Les terres sont hautes et hautaines.

Faites pour être survolées.

Regardées de plus haut, par plus haut qu’elles.

L’aigle, le vautour, le ciel le savent.

Lorsque les nuages effilés, très hauts dans le bleu du ciel, se brisent soudain, ça fait « cling ! » - comme pour de fines arêtes de glace.

Mais le haut plateau n’entend rien.

Accroché tel un bourgeon dur, l’air y est d’un bleu délavé.

C’est un air printanier, à la texture de papier de verre. Il étrille.

Met la peau à vif.

Tire les oreilles. Les rend pointues.

Il a les qualités de l’ortie ou du chardon. Il brûle et il glace.

Les chemins qui mènent au haut plateau sont rocailleux, rugueux. Ils essaient – tant bien que mal – de dissimuler leurs manières torves.

Ils errent, en s’enroulant autour de la rocaille gercée, fendue. Ils cahotent, comme jamais sûrs d’arriver à destination.

Ils biaisent, à la manière de bêtes sauvages, insaisissables.

Lorsqu’ils parviennent à se hisser jusqu’au plateau, on est tenté de se demander si cela ne tient pas du hasard ou du miracle.

Ils se dissolvent alors dans la vaste étendue désolée…dans l’imperturbable et majestueuse indifférence des terres hautes.

2.

C’était un long tableau, représentant une cordillère abrupte.

A son pied, des glaciers aux reflets bleutés extraordinaires et des pampas grises.

Et puis, un nuage, qui barrait, tout du long, la masse de roc veinée de bleu sombre.

Ce fut étrange… Bientôt, mon regard ne put plus se détacher de l’image.

A mesure qu’il la scrutait, qu’il s’enfonçait en elle, j’acquis une sensation de mouvement.

Au bout d’un moment, je n’identifiai plus le tableau comme tel, mais comme la fenêtre d’un compartiment de train qui longeait doucement le paysage grandiose.

Autour de moi, des voix exclamatives, des « oh ! » et des « ah ! » étonnés, émerveillés fusaient.

Le paysage, désormais, avait bel et bien pris réalité, et vie !

La cordillère nue, sévère, massive, continuait de défiler, d’occulter l’horizon.

Au dessus d’elle, le ciel uni, d’un gris sourd, terne, avait quelque chose de plombé.

La bande nuageuse courait toujours, juste sous la ligne de crêtes. Remarquablement continue. D’une vague couleur de lait un peu sale.

Maintenant, je sentais, sous mes pieds, une discrète, régulière vibration.

Quelques instants s’écoulèrent encore, combien au juste, je n’aurais pas su l’évaluer.

Le panorama me retenait, sans que je puisse m’en abstraire.

Sans que je sache pour quelles raisons, je vis l’écharpe de nuages changer progressivement de texture ; j’eus tout d’abord du mal à m’en convaincre mais, plus je la contemplais, plus je la voyais afficher l’aspect d’une mince écharpe de tissu !

Au final, elle se mua en une très belle pièce de soie ondulante, si légère d’apparence qu’à ce stade, on voyait la montagne au travers.

Sans en croire mes yeux, je la regardais suivre les crêtes en palpitant, en flottant ; j’avais une irrésistible envie de la toucher ! Je ne sais quoi me disait que, si je mettais à exécution mon geste, je sentirais quelque chose de très doux ; un grain diaphane et caressant qui me transporterait de joie, me parlerait de liberté.

De dématérialisation béate.


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