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“Une vie de chat” d’Alain Gagnol & Jean-Loup Felicioli

Publié le 20 décembre 2010 par Boustoune

Chalut les humains,

Eh oui, c’est encore moi. Que voulez-vous, je travaille comme un a-chat-rné ces derniers temps.
Avec toutes ces sorties cinéma, pas moyen de faire la sieste au pied du radiateur. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui m’en manque, avec toute cette neige qui rafraîchit l’atmosphère!

Enfin, bon, si j’ai bravé les intempéries pour aller dans les salles obscures, vous vous doutez bien que c’est pour une bonne raison. Après avoir dû vous parler de toutous agents secrets, de piranhas voraces, de souris escrimeuses, de caméléons rigolos,  de chevaux et de cheveux, je ne pouvais décemment pas passer à côté d’un film qui mette – enfin – un félin à l’honneur.

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Premier long-métrage du duo Alain Gagnol /Jean-Loup Felicioli, Une vie de chat donne en effet la vedette à Dino, un chat noir zébré de reflets roux.
Le jour, il se comporte comme un matou tout ce qu’il y a de plus ordinaire, qui aime aller ronronner sur les genoux de sa maîtresse, Zoé, une petite fille triste, muette depuis la disparition tragique de son papa. La mère de la gamine, Jeanne, n’a pas beaucoup de temps à lui consacrer. Elle doit tenter d’arrêter le gang de l’affreux Costa, un mafioso qu’elle soupçonne d’être à l’origine de la mort de son mari. Pendant ce-temps, le sympathique félin joue les garde d’enfants, en concurrence avec l’antipathique gouvernante de la fillette.
Mais la nuit, pendant que tous les chats se grisent, Dino fait sa promenade nocturne jusqu’à un bâtiment voisin, non sans avoir provoqué le roquet de la maison d’à-côté, qui généralement, se prend une pantoufle dans la gueule (Bien fait! Les toutous n’ont qu’à pas aboyer comme des débiles dès que quelqu’un passe à proximité de leur domicile).
Là, notre héros rejoint Nico, un cambrioleur humain à l’agilité toute féline et ils commettent des vols acrobatiques à faire pâlir de jalousie les Ocean’s eleven en personne.

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Ils ne sont pas les seuls à vouloir commettre des cambriolages. Costa nourrit une obsession pour une statue ancienne, et compte bien mettre la main dessus, mais pour cela, il a besoin d’informations en la possession de Jeanne.
Un soir, lui et sa bande pénètrent au domicile de la femme-flic. Zoé parvient à s’échapper et, suivant son chat, se réfugie chez Nico. C’est le début d’une course-poursuite pleine de péripéties, où la fillette pourra compter sur le dévouement incomparable de son compagnon félin et de ses griffes acérées.

Voilà un félin hors du commun dans un film d’animation pas commun non plus.
Déjà, on est surpris par le ton de l’oeuvre. Un polar plutôt noir sur fond de tragédie familiale, de deuil difficile et de truand psychopathe. Pas le genre d’histoire qu’on imagine dans un film destiné aux enfants.
Autant dire que, même s’il n’y a pas de quoi “fouetter un chat”, ce dessin animé ne conviendra sans doute pas aux plus jeunes des spectateurs. Il s’adresse davantage à un public de 7 à 77 ans, selon la formule consacrée.

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Il faut dire qu’à l’origine, le film devait s’adresser à un public plus adulte, s’inscrivant dans la lignée des nombreux courts-métrages du duo Gagnol/Felicioli :  la série des Tragédies minuscules, Le Nez à la fenêtre ou Mauvais temps, ou des polars écrits par Alain Gagnol. Des oeuvres déprimantes ou terrifiantes, selon l’intrigue… Un univers résolument mature mais baigné dans une certaine douceur, une poésie noire remarquable qui a fait la réputation des deux hommes.
Mais malgré les récompenses accumulées et la notoriété croissante du binôme, ils n’ont pas réussi à trouver les fonds pour monter un long-métrage essentiellement adulte. Supportés par Jacques-Rémy Girerd et le studio Folimage, ils ont finalement adouci leur récit en ajoutant le personnage du chat et en gommant, ça et là, les aspects les plus sombres du récit, afin de le rendre plus approprié à un public enfantin
Néanmoins, à la vision du film, on devine à plusieurs reprises les intentions originelles des auteurs, notamment à travers des hommages cinématographiques et des clins d’oeil que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

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Ainsi Costa évoque-t-il à la fois un truand issu des films de Martin Scorsese – la scène de la quiche lorraine rappelle immanquablement la colère terrifiante de Joe Pesci dans Les Affranchis – et un tonton flingueur d’Audiard et Lautner – façon Bernard Blier.
Les hommes de main du criminel se voient affublés de noms de code, comme les gangsters de Reservoir dogs de Tarantino : Monsieur Hulot, Monsieur Bébé, Monsieur Patate, Monsieur Grenouille. Des hommages, respectivement, à Jacques Tati, Howard Hawks, John Lasseter et ses Toy Story, et Jacques-Rémy Girerd, auteur de La Prophétie des grenouilles.
Mais les hommages se font aussi graphiques.
Les yeux les plus perçants admireront le portrait d’Hannibal Lecter sur les murs du commissariat… D’autres reconnaîtront une référence à La Nuit du Chasseur de Charles Laughton lors de la séquence du zoo, et d’une manière générale, le film emprunte beaucoup aux polars et aux vieux films français des années 1950, avec sa musique jazzy et son décor parisien rétro…

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Bref, ce film-là, c’est un véritable plaisir pour cinéphiles. Une madeleine qui réveille en chaque spectateur de vieux souvenirs sur pellicule, frissons de plaisir dans les salles obscures et émerveillements de gamins en 35mm.
Cela dit, les plus jeunes – et les moins cinéphiles – n’auront pas à se sentir frustrés, car le film est, avant tout, un régal pour les pupilles. Le dessin est aussi atypique que l’ambiance du film, mais il séduit par sa simplicité, par la douceur du trait, la finesse de l’animation, la beauté des éclairages et des couleurs. Et là, contrairement à de trop nombreux ²films d’animation hollywoodiens dont les personnages, tout en images de synthèse, finissent par tous se ressembler, il y a là un véritable style, une véritable identité de cinéaste(s).

Après, on peut toujours rechigner sur le scénario, un peu trop linéaire, mais peu de scripts de films pour enfants peuvent se targuer de traiter avec autant de poésie et de délicatesse des sujets aussi grave que la perte d’un parent, la violence et la folie du monde… Et puis, c’est une façon comme une autre de faire pénétrer les enfants dans un univers totalement différent, histoire de les sensibiliser à une approche plus artistique de l’animation, de faire travailler davantage leur imaginaire.

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Chat alors ! je suis content d’avoir quitté la douce torpeur du coussin près du radiateur pour aller voir ce petit film d’animation fort sympathique et son admirable héros félin. Je vous invite à en faire autant, pour le plaisir de vos yeux mais aussi de vos oreilles (grâce à la musique de Serge Besset, les vieux tubes de Billie Holiday, le doublage soigné assuré par Dominique Blanc, Bruno Solomone, Jean Benguigui, Bernadette Lafont et la petite Oriane Zani).
Et comme je ne suis pas chien, j’ajoute que vous aurez droit, avec la projection de ce film, à un joli court-métrage appelé La Queue de la souris, mettant une souris aux prises avec un terrible lion affamé…

Bon, je vous laisse, je dois rejoindre mon nouveau pote Dino. On doit faire quelques “courses” pour Noël et on pensait visiter quelques bijouteries…

Plein de ronrons,

Scaramouche

Scaramouche

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