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L'hiver des poetes

Publié le 20 décembre 2010 par Abarguillet

L'HIVER DES POETES

Comment l'ont-il chanté l'hiver et sa blancheur silencieuse, ses ramures défeuillées et sa bise maligne qui siffle dans les branches, nos chers poètes ? La blancheur cristalline, le givre qui immobilise les paysages, l'oiseau en peine de nourriture, ont-ils inspiré sa plume vagabonde ? Oui, je m'en suis assurée et voici quelques-unes de ces mélodies douces qui disent la plaine blanche, immobile et sans voix et requièrent si bien la leur...


NUIT DE NEIGE
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de MAUPASSANT


Ah! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
A la douleur que j'ai, que j'ai !

Tous les étangs gisent gelés.
Mon âme est noire : Où vis-je ? Où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés :
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.

Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses.
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du génévrier.
 Emile NELLIGAN


LA MORT DES OISEAUX

Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des fois
A la mort d'un oiseau, quelque part, dans les bois.
Pendant les tristes jours de l'hiver monotone,
Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,
Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver !
Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d'avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

François COPPEE


L'HIVER DES POETES


LES NEIGES d'ANTAN

Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ni Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Écho parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine
Mais où sont les neiges d'antan?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Abelard à Saint-Denis?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la reine
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine?
Mais où sont les neiges d'antan?

La reine Blanche comme lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen;
Où sont-ils, où, Vierge souveraine?
Mais où sont les neiges d'antan?

Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Qu'à ce refrain ne vous remaine:
Mais où sont les neiges d'antan?

François VILLON

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