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Journal d'une âme : Le berger (22-12-2010)

Par Manus

Journal d’une גme : Le berger (22-12-2010)

Journal d’une âme : Le berger (22-12-2010)

Photo du site ladepeche.fr

Alors qu’au milieu de son troupeau, l’homme se reposait, venus du ciel, des anges chantaient la naissance du Sauveur.

Secoué au plus intime de son âme, le berger se redressa et souhaita, lui aussi, rendre gloire.

Ce désir de se diriger vers Dieu l’envahit ; il ne provenait pas de lui ce désir, il lui était transmis – la joie issue des cieux était contagieuse, un peu comme le rire d’un enfant qui conduit celui qui l’entend de rire à son tour, contaminé par la vie engendrée chez l’autre.

Le berger se releva et siffla les chiens.  Le troupeau fut rassemblé, la marche était sur le point de débuter.

S’appuyant sur son bâton, il donna le signal par les premiers pas détachés l’un après l’autre vers celui qui était né.

Il était bouleversé par ce qu’il venait de vivre.  Son âme était devenue réceptive au moindre frémissement du monde – son cœur dilaté au moindre tressaillement d’amour.

L’homme marchait.  Patiemment.  Longuement.  Ecoutant de tout son être cette joie qui lui était donnée.  Il accomplissait chaque mouvement avec une profonde intériorité.  Lorsqu’il héla un mouton qui s’éloignait, ce geste simple était telle une impulsion supplémentaire pour se concentrer davantage encore sur ce qui lui avait  été annoncé.

Ce parcours qu’il lui restait à réaliser avant de rendre gloire était le moyen de prendre la mesure de la rencontre.

Le berger avançait l’âme et le cœur en éveil, les cinq sens aiguisés.

Par sa raison, il ne cherchait même pas à comprendre, il ne pouvait y arriver : tout ce qu’il savait, c’est qu’il se sentait mû, avec insistance, pour aller de l’avant, et pour aimer.

C’était cet amour qui le poussait, l’encourageait, à tenir bon malgré le froid, malgré la fatigue que lui imposait la surveillance des bêtes, et malgré la nuit qui l’empêchait de voir.

On pourrait dire que sa raison était descendue dans son cœur : ils ne formaient plus qu’un.

L’être était devenu unité – tant son âme que sa raison et son cœur constituaient un tout ; touché désormais par le désir de rejoindre l’amour ; peut-être ce qu’on appelle la grâce.

Le trajet était assez pénible malgré cette allégresse qui l’inondait.  Mais la fatigue de ses jambes était comme portée par celui qui lui demandait de venir l'honorer.

Le cœur du berger vivait d’attente tout en se sentant pressé.  Il était en paix et serein, avec au-dedans, l’inquiétude distillée d’être encore si loin du but à atteindre.

Une inquiétude non pas triste ou angoissante mais plutôt source d’espoir de se savoir sur la voie.

La nuit l’enveloppait.  Il ne voyait rien.  Il était épuisé.  Les moutons devaient sans cesse être regroupés.  Mais il marchait tout de même.  Ni courageusement, ni avec ténacité, ni même encore usant de sa volonté ; rien de tout cela.  Rien ne provenait de lui.  Il marchait car en lui brûlait l’amour.

Il marchait en regardant droit devant lui, à chaque instant il était présent à ce qu’il faisait ; à chaque instant il était éternité – il était comblé d’infini par l’amour qui se consumait en lui, quelque soit le geste mis en avant.

S’il avait pu, il aurait couru – mais il ne le fit point.  La nécessité d’asseoir  et d’intégrer ce qu’il allait adorer l’incitait à vivre tous ces moments intensément – submergé de ce désir fou qui le rendait incandescent.

Son âme et son cœur souffraient d’être si loin encore.  Il aurait tant voulu, déjà, s’embraser face à celui qui l’appellait.

Mais cette souffrance était pour lui salutaire : le chemin encore à accomplir, tout en souffrant et en aimant, le nettoyait en quelque sorte – le purifiait.

Car si le parcours était long, il lui était donné de prendre la mesure de ce qu’il était à la lumière qui l’éclairait de l’intérieur.

L’illumination qui vivait en lui était compréhension et acceptation de sa condition.

La vivacité de cette brûlure qui le rongeait tout entier, agissait comme un feu dévorant une bûche qui noircissait à vue d’œil.

Le berger était une bûche enflammée, noircissant à mesure de sa marche, à mesure de la prise de conscience de son ombre désirant rendre gloire au plus humble.

Il savait que le but se rapprochait.  Mais dans le même temps, il vivait la crainte de ne pas être digne de l’honorer alors même qu’il le désirait tant.  Il aimait.  Il était transporté, le berger.

Conscient, ô combien, de sa noirceur à chaque pas, l’homme s’en remit à cet amour qui le conduisait.

Il s’abandonna.  Totalement.

Que la volonté de cet amour soit, se dit-il en son for intérieur.

Bientôt, il arrivera.  Bientôt.  Du fond de lui, un chant prit forme, un murmure, une mélodie, qui peu à peu se déploya dans tout son corps.  Tout son être si sombre souhaitait ardemment chanter la gloire de celui qu’il allait saluer.

Et moi, à mesure que je range les assiettes dans le lave-vaisselle, je comprends que chaque geste accompli,  celui le plus anodin de notre quotidien, peut se transformer en un chant d’amour, dans le silence et la discrétion, dans l’attente, de bientôt …

Savina


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