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El-P, l’esprit du hip-hop

Publié le 16 janvier 2008 par Smaël Bouaici

El-PIl n’a l’air de rien, comme ça, avec sa coupe façon RDA, sa serviette autour du cou, sillonnant entre les roadies à la fin de son concert. Et pourtant, ce type-là est à la base du label de hip-hop le plus créatif des USA, Definitive Jux. Comme le batteur de The Roots, Questlove, El-P n’ a pas peur de ses fans. Il communique directement avec eux, et leur a même rendu compte de l’évolution de son dernier et très attendu album « I ‘ll sleep when you ‘re dead » sur son blog .

En guest-star sur le disque, Trent Reznor de Nine In ch Nails, sur l’excellent single Flyentology; un titre symbole de l’esprit d’El Producto, qui ouvre sa porte à tous les vents, surtout quand ils ont des allures d’ouragans. L’album sent le béton, la jungle urbaine, sonne métallique, et se mange comme une grosse pomme : « En fait, il s’agit d’un hommage à la ville de New-York, la ville qui ne dort jamais. Il s’agit plus ou moins d’un dialogue entre moi et la métropole, et ‘I’ll Sleep When You’re Dead’ serait une de ses paroles qui me serait destinée. »

Autre preuve de sa versatilité, El-P s’est fendu d’un featuring avec un de ses fans, le pianiste de free-jazz Matthew Shipp. « Je l’ai fait parce que ça me faisait tellement peur. Et quand on me propose un truc flippant, en général je fonce, pour essayer de comprendre encore mieux la musique. »

Au fond du studio de Def Jux, il a accueilli le plus underground des rappeurs des 90’s, Aesop Rock, qui s’est retrouvé comme à la maison. EL-P a aussi révélé RJD2, autre génie white-trash, plus gros vendeur du label, et désormais consacré à l’international. Ajoutez-y Block 18, Rob Sonic ou encore Camu Tao, et vous avez une toute une famille qui veut faire du hip-hop autrement. « Le truc le plus important c’est que quand quelqu’un voit qu’un disque est signé chez nous, il se sente en confiance pour l’acheter. Qu’il sache que ça va être bon, bien fait, que ça l’amènera dans une certaine direction. »

Car Jaime Meline, son vrai nom, trace son chemin, en témoigne son embrouille avec Rawkus, le label sur lequel il a débuté et connu la gloire, avec le mythique combo Company Flow, en compagnie de Mr Len et Bigg Jus. En 1999, la collaboration tourne au vinaigre avec les boss de Rawkus. El-P dissout Company Flow et crée Def Jux, afin d’exprimer sa vision de la musique. « J’ai été déçu par Rawkus, je croyais vraiment qu’on était sur la même longueur d’onde. J’ai vu de l’intérieur qu’ils étaient en train de se planter parce qu’ils n’avaient plus la bonne mentalité. Ils n’ont pas compris pourquoi Rawkus était Rawkus, pourquoi le public les plébiscitait. Les gens aimaient Rawkus parce qu’ils sortaient de la musique intéressante, différente, pas motivée par l’argent. Ils ont voulu monter plus haut, trop haut. Jouer dans la cour des grands, concurrencer les majors. Ils ont perdu tout l’esprit du début. Et ils se sont plantés. »

Le nom, Def Jux, lui vaut aussi des inimités et un procès de la part de Def Jam, qui, craignant une pourtant bien improbable confusion, le contraint à renommer officiellement le label Definitive Jux. Pas de quoi stopper l’équipe dans son élan. Dès 2001, deux albums essentiels marquent les débuts du label : « Labor Days » d’Aesop Rock, et surtout « The Cold Vein » de Cannibal Ox ( le duo composé de Vast Aire et Vordul Mega). Le disque est vite comparé au « 36 chambers » du WuTang, même son lourd, même veine noire et samples stridents.

Tous les ans, la compile « Definitive Jux presents » attire les fans et les spécialistes, curieux de voir dans quelle direction El-P et sa bande se sont barrés. Et chaque année, un « absolute beginner » est mis à l’honneur. Tour à tour, Camu Tao ou Hangar 18 se sont fait une place au soleil dans le long hiver du hip-hop new-yorkais, tandis que Murs, ex des Living Legends et sommité du hip-hop californien, a changé de côte pour intégrer Def Jux.

Fan de Public Enemy et de l’écrivain Philip K Dick, à qui il chope de nombreuses idées, El Producto sent qu’il dérange (« Je suis sûr que je suis listé par le FBI ») dans un milieu qui s’est éloigné de l’esprit originel : « Le hip-hop ne peut plus se foutre de la gueule du monde, c’est fini. Il est en train de se rétamer. C’est le hip-hop mainstream qui souffre le plus, et ç’est ça la nouvelle donne. Ce délire d’argent et de strass, ça n’amuse plus personne. »

El-P I’ll sleep when you’re dead (Def Jux)


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