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Cauchemar

Publié le 27 décembre 2010 par Toulouseweb
CauchemarL’interminable chemin de croix du Boeing 787.
L’heure est aux contes de Noël, aux bilans enjolivés de l’année écoulée, aux belles promesses, aux prévisions optimistes qui annoncent des lendemains qui chantent. Rien de tout cela, cependant, chez Boeing : on imagine volontiers que James Bell, directeur financier, se réveille souvent en pleine nuit, envahi par des cauchemars peuplés de clients mécontents, de colossales demandes de dédommagements, sans parler de l’implacable érosion d’une image de marque mise ŕ mal depuis de nombreux mois. On l’imagine aussi se réveillant en sueur parce que, dans un autre mauvais ręve, EADS a remporté le marché des ravitailleurs en vol de l’USAF. Ou encore qu’Airbus vient de vendre 50 A380 supplémentaires, ŕ moins que ce ne soit John Leahy qui annonce cinq grands clients de lancement pour l’A320 NEO.
Pourtant, en cherchant bien, il est encore possible de trouver de (relatives) bonnes nouvelles. A commencer par le fait que le 787 a repris ses essais en vol la veille de Noël. En ce moment, respectant en cela une tradition solidement ancrée dans le monde du travail, Boeing est ŕ l’arręt pour profiter au mieux de la tręve des confiseurs. Tout Boeing …sauf le département des essais en vol qui aurait mauvaise conscience ŕ ne pas travailler d’arrache-pied. Le retard ŕ combler, en effet, a désormais pris des dimensions gravissimes.
On avait fini par l’oublier : le 787, lancé en avril 2004, aurait dű entrer en service en 2008. Il a donc pris trois ans de retard, un fiasco qui affecte les clients de lancement en męme temps qu’il entraîne des turbulences financičres d’une importance sans précédent. Il ne fait pas de doute que le grand avionneur américain mettra plusieurs années ŕ s’en remettre, condamnant James Bell ŕ prendre encore et toujours de bons somnifčres.
La route qui conduit ŕ la certification du 787 est encore longue et, peut-ętre, semée de nouvelles embűches. De plus, en supposant qu’aucune difficulté technique nouvelle ne survienne, encore faudra-t-il réussir l’impressionnante montée en cadence de la production qui est programmée, au moins 17 exemplaires par mois dans les délais les plus brefs. Cela ŕ un moment oů la chaîne d’approvisionnement, des grands partenaires de rang 1 jusqu’aux fournisseurs les plus modestes, a fort ŕ faire ŕ tenir le rythme qui lui est imposé. Ainsi, la cadence de production du 777 va passer ŕ 8,3 exemplaires par mois (100 par an) tandis que le 737 bénéficie d’un flux continu de commandes qui pourrait obliger ŕ monter davantage les feux. Il serait question, en effet, de passer ŕ 50 avions par mois. Dans le męme temps, la situation d’Airbus est brillante et, nombre de fournisseurs étant communs aux deux rivaux, les risques d’étranglement non loin d’ętre négligeables.
Le moment n’est pas encore venu d’analyser les malheurs du 787. A coup sűr, James Bell doit penser qu’annoncer les premičres livraisons d’un long-courrier novateur quatre ans aprčs son lancement constituait tout simplement un risque insensé. Cela qui plus est en misant sur les matériaux composites et en confiant d’immenses responsabilités ŕ des partenaires dont on sait aujourd’hui qu’ils étaient moins fiables qu’on ne pouvait le supposer. Le déroulement des événements a également fait place ŕ une bonne dose de malchance. Manquent cependant des informations cruciales qui seraient nécessaires ŕ la bonne compréhension des problčmes rencontrés, par exemple sur le dernier en date des incidents qui ont défrayé la chronique.
On avait compris que le feu électrique qui avait obligé l’avion numéro 4 ŕ effectuer un atterrissage d’urgence au Texas était dű ŕ l’oubli d’un outil métallique ŕ un endroit non précisé de la structure. Mais il apparaît ŕ présent qu’Hamilton Sundstrand, le fournisseur directement concerné, a dű procéder ŕ un examen approfondi de logiciels régissant les circuits électriques, ce qui pourrait conduire ŕ entrevoir une faiblesse de conception ou tout au moins la mise en lumičre d’un point faible.
Quand sonnera l’heure du bilan, sans doute les prédécesseurs de James Bell seront-ils montrés du doigt, en męme temps que le sommet de la hiérarchie du groupe de Chicago : on ne conduit pas ŕ la certification un avion entičrement nouveau de ce gabarit en quatre ans seulement. L’expérience prouve, en effet, que tout peut basculer dans une situation cauchemardesque męme quand tout semblait aller bien. Il suffit, pour le vérifier, de rappeler un autre cas d’école, l’Airbus A380. Un avion bien né, dont les essais en vol se sont parfaitement bien déroulés, mais dont l’industrialisation a été victime des trop fameuses hiérarchies parallčles qui minaient les relations entre les sites de Hambourg et Toulouse.
Reste ŕ savoir si les enseignements seront tirés de ces difficultés. Ce qui suppose, avant tout, une bonne dose d’humilité. Une donnée traditionnellement rare dans l’industrie aéronautique.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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